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condamné, & fon arrêt fera exécuté fur le champ. Les membres des tribunaux qui négligeront de remplir cette loi, feront dépouillés de leurs emplois, & déclarés perpétuellement inhabiles à en remplir de pareils dans aucun de ceux qui font établis dans les états de S. M. Les prêtres qui, contre les difpofitions de cette ordonnance, oferont donner la bénédiction nuptiale à de jeunes couples qui fe préfenteront devant eux pour cet effet, fans être accompagnés de leurs parens refpectifs, ou de quelqu'un qui les représente, en vertu d'actes en bonne forme, & que le prêtre fera tenu en même tems de vérifier, feront punis par la fufpenfion, & par plus grande peine, telle que la dégradation, s'il y écheoit. Le couple ainfi marié, rejetté des familles refpectives, encourra l'exhérédation, & ne pourra pas en être relevé

par

les parens, fans en avoir obtenu auparavant la permiffion du fouverain, qui annonce qu'il n'accordera pas ailément cette grace. Cette ordonnance eft de la fin du mois de Juin dernier ; elle a été publiée & affichée dans tout le royaume, lue dans toutes les églifes paroiffiales & autres; S. M. a ordonné que cette lecture foit répétée plufieurs fois dans l'année, afin que perfonne ne puiffe prétexter qu'il l'ignoroit.

FRANCE.

METZ (le 28 Septembre. ) Les magiftrats de cette ville ayant appris que M. le maréchal de Broglie, Mme, la marécnale, fon épouse, le prince de Broglie, leur fils, & la comteffe d'Elmftadt, leur fille, étoient arrivés à Verdun le 14 de ce mois, & qu'ils devoient en partir le 16, pour fe rendre ici, ils fe préparerent à recevoir le reftaurateur de leur parlement, & firent publier qu'à l'inftant de fon arrivée, on fonneroit la Mutte,

cloche fameufe qui ne fe fait entendre que dans les

cas extraordinaires.

M. le maréchal étant arrivé le 16, vers 3 h. après midi, à Gravelotte, y fut complimenté par une députation de citoyens diftingués; le Sr. Du mont, avocat, connu par fon zele & par fes ta lens, porta la parole. Nous regrettons de ne pouvoir rapporter le difcours qu'il prononça en cette circonftance.

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Depuis Rozerieulles jufqu'à Metz, le carroffe de M. le maréchal fut entouré & fuivi par la foule immenfe des habitans de la campagne,qui étoient accourus de toutes parts. La compagnie des gardes du gouvernement, en habit d écarlate, galonné en argent, l'attendoit au-delà de Moulins. Entre ce village & Longeville, M. le maréchal fut falué par la compagnie des chaffeurs bourgeois, vêtus à la corfe avec des gibernes aux armes de Broglie, qui firent une décharge généra le. Il parut enfuite un char de triomphe qui le précéda jufqu'aux portes de la ville. Ce char, conftruit par la reconnoiffance, & affez vafte pour contenir 50 perfonnes, étoit décoré de tous les ornemens & emblêmes analogues au fujet, & il ne lui manquoit que l'honneur de porter le vainqueur de Berghen. Les chiffres enlacés des Bro glie, des Montmorency, des Calonne, montroient les noms chéris du fauveur de la province, & de les dignes coopérateurs.

Le prince de Bauveau, le comte de Choifeul, lieutenans-généraux, un grand nombre d'officiers généraux & de colonels à la fuite de la garnifon, le Sr. de Calonne, intendant, accompagné de plufieurs perfonnes de diftinction, s'étoient rendus à Longeville. Dès que le maréchal les apperçue, il defcendit de carroffe, monta à cheval & le mit à leur tête. Il funvit la route jufqu'à l'entrée du cours, paffa dans la plaine devant les

rangs des régimens Royal & Noailles, cavalerie, qui y étoient en bataille, s'approchi des compagnies bourgeoifes en uniformes, qui bordoient les deux côtés de chauffée depuis les portes jufqu'à Longeville, & les tit défiler.

Arrivé à la barriere, M. le maréchal fut reçu & complimenté par l'état-majo”. La fcene s'ag grandit encore en cet endroit. Le peu le, qui avoit fuivi tepuis Moulins, fe confondit avec près de 6 mille bourgeois qui étoient accourus au-devant de leur libérateur, & qui étoient d'autant plus dignes de lui offrir leurs hommages que plus des deux tiers avoient eu l'honneur de faire la guerre fous fes ordres. Cet exemple unique, que peut-être la feule ville de Metz peut offrir, prou ve que les Meffins ont été juftement appréciés par l'immortel Henri.

Ce fut donc au milieu des flots preffés des citoyens de tous les ordres que M. le maréchal fit fon entrée en cette ville, au bruit de l'artillerie, au fon des cloches, & aux cris réitérés de vive le roi, vivent les Broglie. Toute la garnifon fous les armes formoit deux haies depuis les portes juf qu'à l'hôtel de l'intendance, où M. le maréchal & Mme. la maréchale fon éboule allerent defcendre. Its y furent à peine arrivés que l'évêque, le clergé, la nobleffe, le bureau des finances, le préfidial, les officiers municipaux, l'ordre des avocats &c. s'emprefferent de leur présenter leurs hommages. Parmi les difcours qui furent prononcés en cette circonstance, on diftingue celui du prieur des grands carmes. Le voici.

MONSEIGNEUR,

Jour heureux, mille fo's heureux, où nous venons avec joie & reconno fance off ir nos hommages à un héros chrétien, a un héros militaire, à un héres citoyen! L'exemple de V. Exc. apprend au chrétien ce qu'il doit a fon dieu, au militaire ce

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qu'il doit à fon roi, & au citoyen ce qu'il doit à fa patrie.

On ne peut rendre que foiblement les tranfports des Melins. On ne voyoit partout que fêtes & réjouiflances. Les boutiq es avoient été fermées dès le matin. Auffitôt qu'il fut nuit, on ertendit fonner la Mutte. C'étoit le fignal dont les ma◄ giftrats étoient convenus pour annoncer au peuple qu'il lui étoit libre de fe livrer à l'excès de fa joie. L'éclair eft moins prompt que l'empreffement à allumer les feux qui dans l'inftant décorerent la ville. L'illumination fut générale, & en même tems fi brillante & variée, que tous les feigneurs qui étoient avec M. le maréchal, convinrent que la capitale même n'avoit jamais rien offert de plus beau dans ce genre. On admira furtout la noble fimplicité de la décoration de l'hôtel-de-ville, l'illumination de l'intendance, du portail de St. Vincent, celle des juges-confuls du college de St. Louis, &c.

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Les Juifs furent du nombre de ceux qui fe difti guerent le plus. Leur quai étoit illuminé dans toute fa longueur; & le nombre infini de lumieres, réfléchies par l'eau, formoit, vu des ponts voifins, le coup d'œil le plus agréable. Ils avoient fait conftruire, devant leur fynagogue, un arc de triomphe auffi brillant que fingulier. Il étoit couvert de haut en bas, de lampions qui entouroient les armes du roi & de la reine, celles de Broglie, de Montmorency & de Calonne. Audeffus étoient un groupe de muficiens, qui mêloient le bruit de leurs inftrumens aux acclamations des citoyens. L'infcription en hébreu & en françois, qui étoit au frontispice de cet arc, nous a paru heureuse. Elle étoit tirée du prophête Ifaïe, chap. I, 26. La voici :

Et reftituam judices tuos ut fuerunt priùs, &

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confiliarios tuos ficut antiquitus: poft hæc vocaberis civitas jufti, urbs fidelis.

Les Juifs l'avoient ainfi traduite :

« Il rétablira les juges & vos magiftrats comme ils étoient ci-devant, & votre ville fera nommée la cité de juftice, la ville fidelle ».

Ils avoient auffi eu deffein de placer aux deux extrémités de leur rue plufieurs fontaines de vin; mais craignant le défordre, ils préférerent avec raifon de diftribuer des aumônes aux pauvres de la ville. Ils remirent en conféquence beaucoup de billets à Meffieurs les curés & quiconque en étoit muni, recevoit un pain & une bouteille de vin. On a fait une diftribution encore plus confidérable de la part du corps des marchands.

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Vers les 9 h. du foir, M. le maréchal, Mmc. la maréchale, le prince de Broglie, la comtefle d'Elmftadt, accompagnés d'un cortege brillant & nombreux, fe promenerent dans la ville pour voir les illuminations. Les citoyens quitterent tout pour les fuivre, & firent etentir les airs de leurs acclamations.

Le 17, les fêtes recommencerent. La bourgeoifie, fous les armes, affifta aux Te Deum qui fum rent chantés dans les différentes paroiffes, à l'ifue des vêpres. On fit des quêtes, & jamais les aumônes ne furent fi abondantes. Enfin, dans toutes les maifons ce ne fut que feftins, que chants, que danfes, jufqu'à l'heure de la comédie, où l'on repréfenta Bayard.

Au fortir de la comédie, on vit un autre fpectacle qui ne caufa pas moins d'émotion. C'étoient différentes coteries, raffemblées autour des tables qu'elles avoient fait dreffer dans les rues : en ce moment les Meffins ne différoient des Spartiates que par la gaîté françoife. Perfonne ne paroiffoit qu'il ne fût invité & forcé même à boire à la fanté de ce roi dont les jours n'ont encore été

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