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blissement des bonnes mœurs, & de l'honnêteté publique.

L'affaire du Sr. Garnier contre le Sr. de Mazieres, fermier-général, a fait éclore des mémoires dont nous avons parlé plufieurs fois, & entre autres dans la 2me. quinzaine d'Août, page 43. On voit ici, à l'occafion de ce procès, une lettre touchante, écrite par le Sr. Belle, notaire, bailli de Mouzilly &c., au Sr. Garnier frere, & datée de Neuvy, le 15 Août dernier. Elle porte ce qui suit:

Permettez, Monfieur, que je vous témoigne toute la part que je prends au fuccès de l'affaire de votre malheureux frere; elle a dû affeder toutes les ames honnêtes & fenfibles, & j'y ai pris, en bon compatriote, tout l'intérêt poffible. Quoique j'aie été excepté de la diftribution de vos mémoires; ils m'ont été communiqués; j'y ai appris à trembler pour l'innocence opprimée, à connoitre jufqu'à quel point le fort peut abufer de fa puiffance fur le foible, à gémir fur le vice de nos formes judiciaires, qui confondent fi fouvent l'honnéte homme avec le coupable. Mais ce qui m'a le plus touché, Monfieur, c'eft le courage généreux avec lequel vous vous êtes approprié les malheurs de votre frere; vous vous êtes identifié avec lui: vous vous enveloppiez, pour ainfi dire, du voile de l'opprobre dont on vouloit le couvrir, pour foulager le poids de fa douleur & de fes fers: c'eft le défintéreffement avec lequel vous vous êtes expolié, & vous avez fait le facrifice de votre fortune à fon honneur & à fa liberté, le zele avec lequel vous avez été à la découverte des preuves de fon innocence, & avec lequel vous vous êtes frayé toutes les routes tortueufes par où cette innocence a été rendue à la lumiere.

Si l'eftime publique eft la plus douce récompen-
Odobre. ire. quinz. 2775•

C

Je d'une ame honnête & fenfible, jouiffez en, Monfieur, dans toute fon étendue: vous vous l'êtes acquife à jamais; je fuis en cela l'interprête de tous vos compatriotes; autant ils ont été attendris fur les malheurs de votre frere, & fe font réjouis de l'arrêt qui lui reftitue fon honneur, autant ils ont loué votre conduite généreuse en toute cette affai re. Je fouhaite que la fortune vous dédommage des torts qu'elle vous a fait à tous deux ; c'est une réparation qui vous eft due. En attendant, jouiffez de lap lus douce fatisfaction que peut éprouver une ame comme la vôtre; il eft pour l'honneur & la vertu un autre prix que la richeffe, & je m'empreffe, avec bien du plaifir, de vous témoigner que vous trouvez cette récompenfe dans les fentimens que vous avez infpirés pour vous à tout le monde ici.

J'ai l'honneur d'être, &c.

Mr. de Voltaire a remercié le Sr. Dodin avocat d'un mémoire concernant la même affaire, par la lettre fuivante.

Je ne puis trop vous remercier, Monfieur, du mémoire intéressant & plein d'une éloquence folide que vous avez bien voulu m'envoyer.

Je préfume que M. Mazieres, à la feule tedure de votre mémoire, s'empreffera de donner géné reufement un dédommagement convenable à votre client.

M. de Servan, avocat général de Grenoble, a démontré dans une grande caufe, que la loi naturelle crie dans tous les cœurs: Tu es homme, répare le mal que tu as fait à un homme, L'erreur ne difpenfe point de cette loi. Parce qu'un hom me s'eft trompé, un autre en doit-il fouffrir?

M. de Mazieres doit payer votre client & l'embrasfer. Je crois d'ailleurs, Monfieur, que vous rendez un vrai fervice à la nation en vous élevant contre le fecret des procédures. Vous fçavez que wus les procès s'inftruifoient publiquement chez les

Romains, nos premiers législateurs. Cette noble jurifprudence eft en ufage en Angleterre.

Le fecret en matière criminelle n'a été reçu en France que par une méprife. On s'imagina, en lifant le code, à l'article de teftibus, que teftes intrari judicii fecretum, fignifient les témoins doivent dépofer secretement; & ils fignifient: Les témoins doivent entrer dans le cabinet du juge. Un folécifme établit cette cruelle partie de notre jurifprudence, dans laquelle il y a tant de chofes à réformer.

Je me flatte que vous ferez un jour la gloire du barreau, & que vous contribuerez plus que perfonne, à cette réforme tant defirée.

J'ai l'honneur d'être, &c.

C'eft un grand mal, fans doute, que certaines perfonnes qui courent la carrière des belles-lettres, abufent de leurs talens pour enfanter & produire des libelles, furtout lorfque les circonftances offrent à leur plume tant de juftes fujets d'apologie; mais ce mal feroit ou deviendroit bien plus grand, fi des hommes vraiment utiles à l'état, & qu'on cherche à rendre fufpects ou odieux à leurs concitoyens, n'étoient pas vengés de pareils attentats. Nous ne nous permettrons pas de rendre compte d'un de ces écrits méprifables, qu'on vient de répandre clandeftinement dans le public contre le Sr. de Vaines, premier commis du contrôleur-général; mais nous nous emprefferons de faire connoître une lettre que ce digne miniftre lui a écrite le 18 de ce mois : Elle eft concue en ces termes.

Je vous apprends, avec le plus grand plaifir, Monfieur, que le roi a bien voulu vous accorder la place de ledeur de fa chambre, & y attacher les mêmes entrées qu'aux charges de ledeur du cabinet. J'ai cru devoir propofer à S. M. de vous donner une marque publique de la fatisfaction qu'elle a de

vos fervices dans ce moment où l'on a cherché à vous déchirer par un libelle infáme.

il

Vous n'avez pas besoin de juftification; mais ayant vu que les auteurs ou fauteurs de ce libelle s'imaginoient pouvoir accréditer auprès de moi leurs menfonges par une multitude de lettres anonymes, je me devois à moi-même de montrer authentiquement mon mépris pour leurs calomnies atroces; eft dans l'ordre que vous y foyez expofé, vous, tous ceux qui ont quelque part à ma confi ince, & moi, peut-être plus que perfonne. Trop de gens font intéreffés au maintien des abus de tout genre, pour que tous ne faffent pas caufe commune contre quiconque s'annonce pour vouloir les réformer. Acrendez-vous donc à des ennemis très-ardens & trèsmultipliés; attendez-vous qu'ils emploieront les armes qu'ils fçavent manier, le menfonge & la calomnie; il faut s'armer contr'eux de courage & de mépris; il faut fe dire à foi-même ce que le roi me difoit le jour de l'émeute de Verfailles : Nous avons pour nous notre bonne confcience & avec tout cela nous fommes bien forts. Si les honnêtes gens fe laiffoient décourager par de telles horreurs, il faudroit donc que les méchans & les fripons fullent irrévocablement maitres d'opprimer, de piller le genre humain; c'eft donc un devoir de les braver; il faut regarder leurs traits comme des bleffures honorables, & ne pas augmenter la force de ces gens-là par une fenfibilité qui les encourage a redoubler leurs attaques. Je vous prêche la mora le que je tácherai de fuivre moi-même : fi la raifon ne peut diffiper entierement l'impreffion que vous a fait cet amas d'atrocités, je fouhaite que l'afurance de mon effime & de mon amitié vous ferve de confolation.

La ville de Riom, chef-lieu du duché d'Auvergne, n'a point ceffé de donner des témoignages publics de fa joie à l'occafion de la naiffance de

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Mgr. le duc d'Angoulême, depuis le 10 Août qu'elle fut informée de cet événement jufqu'au 29 du même mois. Chacun de ces jours a été marqué par des meffes folemnelles, des Te Deum, des feftins, des illuminations, tant par les corps civils & religieux que par les communautés d'arts & métiers. Dans toutes ces folemnités, la bourgeoifie a paru fous les armes, au nombre de Soo hommes; elle avoit pour avant-garde une troupe nommée la Compagnie d'Artois, formée de jeunes gens de famille, tous en habits uniformes aux livrées de Mgr. le comte d'Artois, & pour arriere-garde une troupe composée de 50 laboureurs. Toutes ces fêtes font confignées dans le procès-verbal fait par les officiers municipaux de Riom. Il ne nous eft pas poffible d'en fuivre les détails; mais nous ne nous difpenferons pas de rapporter les actes de charité qui furent exercés dans ces jours de folemnités par les corps & compagnies, pour attirer la bénédiction du ciel fur le prince qui vient de naître à la France, & que la ville de Riom, chef-lieu de l'apanage de Mgr. le comte d'Artois, envisage comme un protecfeur de plus, & comme un puiffant appui auprès

du trône.

Indépendamment de la meffe annuelle fondée à perpétuité & des aumônes faites par les officiers du préfidial, ainfi qu'il a été dit dans la Ire. quinz. de Septembre, p. 58, les officiers du bureau des finances ont donné 60 fetiers de froment, diftribués également entre l'hôpital-général, l'hôteldieu & les dames de la miféricorde. Le chapitre de St. Amable a diftribué 300 liv. aux hôpitaux. Les juges-confuls & corps des marchands ont fair aux pauvres une diftribution abondante de pains à la porte de la jurifdiction-confulaire, & envoyé 300 liv. aux officiers municipaux, pour être payées fur les impofitions des veuves & orphelins

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