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»Tu méconnois ton Dieu, fi tu veux le venger.. »Oui, j'en atteste ici la loi que je révère:

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»mes Concitoyens! Quoi, la férocité » Ferma-t-elle vos cœurs à cette volupté? >>Pourriez-vous, de vos maux devenus les com» plices,

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» D'un amour fraternel ignorer les délices ?

» Non; de vos yeux, amis, je vois couler des » pleurs;

Un remord vertueux eft entré dans vos cœurs; » Vous pouffez des langlots; c'eft Dieu qui vous

>> anime.

» Amis, jurez par lui, d'une voix unanime, Que la Religion ne pourra désormais

» Exiler de vos cœurs la concorde & la paix, Et qu'on ne verra plus, dans le fiècle où nous >> fomines,

»Le Chrétien, pour fon Dieu, verser le fang des >>> hommes »>,

Des cris frappent les airs; il s'arrête, & foudain
Les enfans réunis de Rome & de Calvin

Lèvent les mains au ciel vers l'Arbitre suprême ;
Ils ont pris à témoin ce Dieu, Villars lui-même ;
Ils jurent de s'aimer; & leurs tendres fermens
Trois fois font confirmés
par leurs embraflemens.

Ce ferment plaît au ciel : mais combien fa co» lere

»A d'un emploi funefte armé mon miniftere! » Cette heureuse amitié qui vient de vous unir, > Ces doux épanchemens, on veut vous en punir; »Et, brisant à jamais le nœud qui vous enchaîne, Abandonner vos cœurs au tourment de la haine. Le Monarque, féduit, s'eft armé contre vous. » Voici l'Arrêt fatal qu'a lancé son courroux :

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Il veut, quand le fommeil, conduit par la nuit » fombre,

» Tiendra le Calviniste enfermé dans son ombre,

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Que femmes, enfans, vieillards,par vous assassi

» nés..

»Vous frémillez amis, vos cœurs font indignés ;. »Non; vous ne ferez point criminels & parjures ; » Vous n'irez point, ardens à rouvrir vos bleflu

» res,

Offrir à votre Roi le fang de fes Sujets. » Lui-même, détestant ses barbares projets, Vous puniroit bientôt de votre obéillance.

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Mais il est votre Roi, respectez fa puiflance. >> Son crime eft une erreur. Un père malheureux, » En immolant fes fils, eft plus à plaindre qu'eux. Peuple, chacun de nous lui doit un cœur fidele. Mais moi, qu'à fes defleins il éprouve rebelle, » Moi, qui veux épargner, en éludant fa loi, »Des maux à mon Pays, un forfait à mon Roi,

J'attendrai fon Arrêt; &, s'il me facrific, »Amis, je meurs content ; j'ai sauvé ma patrie. Il part; ô Citoyen digne de nos autels! Que ne peut la vertu fur le cœur des tnortels! Un feul homme, à fon gré, maîtrise un peuple immense.

La nuit vient; l'heure fonne; & tandis que la

France

Voit fes enfans contre elle aiguiser leurs poi

gnards,

Tandis que fon fang coule autour de tes remparts,
Nîmes, tes Citoyens reposent fans alarmes ;
La paix veille fur eux; le tumulte des armes,
Le bruit & les clameurs respectent leur femmeil,
Et ta fécurité préfide à leur réveil.

Nîmes, de fes vertus conserve la mémoire ;
Villars fit ton bonheur, il fait encor ta gloire.
Puifle fon nom fameux, tant que vivra le tien,
Enfer d'un jufte orgueil ton dernier Citoyen!

Par un Affocié de l'Académie
de Nifmes.

ÉLÉGIE DE TIBULLE.
Ibitis Egeas.

D2

E Neptune fans moi vous traverfez l'Empire. Sur des bords étrangers retenu fans Lecours, Tibulle vous appelle; il languit, il soupire, Et la Mort menace fes jours.

O Mort, épargne-moi! Loin d'une tendre mère, Envain je la demande à ces funeftes lieux ; Malheureux! je fuis loin d'une fœur qui m'eft chère ;

Quelle main fermeroit mes yeux?

Délie, à mon départ, va consulter l'Augure;
Il promet à fes voux le retour d'un Amant.
Elle gémit fans cefle, & rien ne la raflure;
Et c'est moi qui fais lon tourment!

L'aspect feul de la route où le deftin m'entraîne,
D'un noir prefentiment épouvante fon cœur.
Peur-on brifer les fers dont l'Amour nous enchaîne,
Et foumettre ce fier vainqueur ?

Pénétré de regrets, j'hélite, je diffère;
Par un préfage affreux je feins d'être arrêté.
Je pars enfin, des Dieux redoutant la colère;
Fofois affliger la Beauté.

Ifis*, fecourez moi! ma charmante Délie,
En habit de lin pur, ornera vos autels.

Ah! quand pourrai-je encore, aux Dieux de ma patric,

Confacrer des chants immortels?

Saturne! les humains, fous tes loix pacifiques,.
Ne chargeoient point les mers de flottantes forêts;
Jamais ils n'ufurpoient des chemins magnifiques
Sur les champs féconds de Cérès.

Le taureau, fous le joug, n'abaiffoit point la tête;
Le fuperbe courfier ne mordoit pas le frein.
Point de combats fanglans, ni d'injustes conque-

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Et le miel & le lait couloient en abondance; La terre ouvroit (on fein inculte & libéral. Rigoureux Jupiter! le meurtre & la vengeance Signalent ton régne fatal.

Epargne-moi, grand Dieu!... s'il faut que je luecombe,

Qu'on fache de quel coup le deftin m'immola. S'il faut déjà mourir, qu'on grave fur ma tombe: «Tibulle fuivoit Meffala »

Décile de la Médecine.

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