Page images
PDF
EPUB

Droit tout à fait difforme & inconcevable qui afranchit un Electeur de tous fes devoirs envers l'Empereur & le Saint Empire, excepté pour la contribution de leur contingent, & qui d'ailleurs laiffe à un Etat de l'Empire la liberté de maintenir & d'exécuter fes Alliances avec un Ennemi déclaré de l'Empereur & de l'Empire, d'entrer en fes Confeils, de favorifer fes deffeins & fes Armes, & de lui fournir enfin comme Prince étranger tous les fecours d'hommes & d'argent qui feroient en fon pouvoir ?

V. On opofe à la conduite des Hauts Alliez une Maxime que l'on croit généralement réçue & indubitable, qui eft que quand un Electeur ou un autre Prince de l'Empire parvient à une Couronne, foit par Election ou autrement, l'Empereur & l'Empire ne perdent rien du Droit qu'ils avoient fur fes Etats, & que l'indépendance d'un Roi étranger, & la fidelité d'un Prince de l'Empire peuvent bien s'accorder dans une même perfonne, parceque la raison & la juftice font de tout Pais.

Avant que de répondre fur chacun de ces points en particulier, il faut examiner un peu la grande bafe & le principe général du Système de cette Analyse. Nous verrons donc en quoi confifte véritablement & effentiellement le devoir d'un Electeur & Etat, en tant que tel envers l'Empereur & envers l'Empire. Là deffus il faut remarquer que tout le Corps de l'Empire d'Allemagne eft composé de plufieurs Républiques confédérées, qui ont compofé une même Societé Civile, Ainfi il eft très-naturel que chaque Membre de la Socié

té rempliffe de fa part tout ce que le but de cette République requiert; il n'eft pas moins naturel que chaque membre ne foit jamais troublé dans la jouïffance & dans l'excercice de fes Droits & Immunitez. Dès qu'une partie fe trouve lezée ou grievée en cela par les autres parties, elle est dispensée de fes devoirs de Membre de la Societé, jusqu'à ce que fes Grièfs foyent entièrement redreffez, & que par ce moyen l'ancienne amitié foit parfaitement rétablie. Sans cela il faudroit dire que nous fommes obligez de traiter en amis & fideles Alliez ceux qui exercent envers nous toute forte d'hoftilité, & qui font tout pour nous ôter nos biens & nos Droits. A parler naturellement, chaque Etat de l'Empire eft tenu & obligé de contribuer en tout ce qui dépend de lui, tant par les Confeils que par des fecours réels à ménager les intérêts de la Société & à la garentir de tout tort & domimage.

Voilà en quoi confifte la Vaffallage des Etats de l'Empire. Ce devoir ne ceffe point tant qu'un Etat demeure Membre de ce Corps; mais comme c'est une obligation fondée fur le but de la Societé, il eft clair qu'aucun des Etats n'eft obligé d'agir de concert avec les autres Etats, dans des entreprises, qui n'ont point de rélation néceffaire avec le but général de la République Germanique, pour ne rien dire de celles qui font directement oposées à ce but.

Concluons donc de là que quand même il feroit réfolu à la pluralité des voix de déclarer au nom de l'Empire une Guerre offenfive à quelque Puiffance étrangère, perfonne ne fe

Bb 5

roit

roit en droit d'empêcher ceux qui n'y auroient pas confenti, d'être neutres. Car le grand but de la République peut être léparable d'avec une Guerre offenfive. On est déjà fidele Membre de la Societé quand on s'engage dans les Guerres deffentives, qui feules font abfolument néceflaires pour la confer. vation du Corps entier On ne peut pas nier que de tout tems cette Maxime n'ait été reque comme fondée fur le Droit public, puifque nous trouvons quantité d'exemples de neutralité des Etats particuliers dans l'Hittois re des Guerres qui font arrivées tant avant, qu'après la Paix de Weftphalie. C'eft en cette confideration que les Hauts Alliez fe font fort bien expliquez dans le III. Article féparé, que dans le cas fupofé ils ne fe reconnoiflent pas obligez de foutenir par leurs forces une telle Guerre offenfive. Leurs Majeftez Britannique & Pruffienne difent en propres ter mes: qu'en ce cas n'étant plus une deffenfive, elles ne feroient pas obligées fuivant les Conftitutions de fournir aucun contingent. Qu'on nous faffe voir une Conftitution de l'Empire, ou quelque principe général de la doctrine politique, ou de l'ordre public, qui prouve que les Etats doivent fournir des fubfides à l'Empire dans d'autres cas que lorfqu'il s'agit des veritables intérêts de l'Empire même. Ces intérêts regardent ou la fuftentation de l'Empereur s'il en a befoin ou l'entretien de la Chambre Impériale, ou les Guerres légitimes & inévitables. Il n'eft pas poffible qu'il y ait un autre cas par de là les trois que nous venons de nommer où les Etats ne puiffent refufer des fubfides, fans devenir eux mê

[ocr errors]
[ocr errors]

mes

mes Ennemis de l'Empire. Or comme les Guerres offenfives bleffent l'ordre public, & la Loi de la Nature qui nous commande de ne faire tort à perfonne, & de rendre à chacun ce qui lui appartient, ce feroit la plus grande injuftice de blâmer les deux Rois de la Grande-Bretagne & de Pruffe; En qualité d'Electeurs ils veulent obferver leur devoir envers l'Empire, fans contrevenir à leurs autres devoirs qui ne font pas moins facrez & inviolables que le premier.

C'est ce qu'ils font, en promettant qu'en cas que de la part de l'Empire on vint à prendre quelque réfolution contre la France, au préjudice de la garentie générale des poffeffions, telle qu'elle eft ftipulée par le Traité d'Hannovre, ils employeront leurs bons offices & les voyes de douceur, pour prévenir à tems une pareille rupture ouverte. Et pour ne point donner le moindre fujèt de doute de leur attachement fincere pour les intèrêts de l'Empire, Leurs Majeftez ont bien voulu se réferver dans leur Alliance la liberté de fournir dans le cas fuppofé leur contingent, fi elles croient ne pouvoir fe difpenfer de remplir leur devoir de Membres du Corps Germanique. On ne fçauroit demander d'un Etat de l'Empire une plus grande marque de fa fidélité que celle que ces deux grands Rois font paroître dans cette occafion, puifqu'ils font difpofez à donner leur contingent contre la France, pourvû qu'il fût au moins douteux fi la Guerre feroit offenfive ou deffenfive, & que la France y eût donné du moins quel que fujèt probable. Mais après cela il faut bien confidérer que Leurs Majeftez Brittan.

nique & Pruffienne ne font pas feulement deux puiffants Electeurs de l'Empire, mais auffi deux Rois Souverains dans l'Europe, que c'ett même principalement en cette derniere qualité qu'elles ont contracté cette Alliance avec Sa Majefté Très Chrétienne. Il ne vaut pas la peine de demander fi en cas que la Guerre fupofée arrivât, les deux Electeurs de Brandenbourg & de Brunswick font en droit de maintenir & d'exécuter en qualité de Souverains Monarques une Alliance qu'ils Ont contractée avec un autre Monarque loriqu'ils trouveront qu'il y va de l'inté rêt de leurs Royaumes refpe&tifs. Nous avons bien vu que notre Antagoniste décide hautement pour la négative, croyant que de pareils engagemens ne conviennent point à de fideles Vallaux de l'Empire, quelque caractere, & quelque droit qu'ils puiffent avoir d'ailleurs. Mais quand cet Auteur a raisonné ainfi, il s'eft laiflé emporter par un zèle trop partial, qui ne lui a pas permis de bien confidérer comment une feule perfonne peut avoir en même tems diverfes rélations morales

&

politiques, en vertu defquelles il a auffi divers Droits & diverfes obligations dans une Societé Civile. Le Souverain eft, par raport aux Societés étrangeres, dans l'état de la liberté naturelle, mais par raport à fa propre Societé, il peut être confideré, ou comme fon Chef, duquel dépend le Gouvernement de l'Etat, ou comme Membre de la Societé, n'étant que Citoyen. Tout le Monde peut bien comprendre & dire à peu près comment une feule perfonne peut foûtenir ces différentes rélations morales & politiques. Si les devoirs,

« PreviousContinue »