Page images
PDF
EPUB

fufe de divers Etats, où les plus foibles feroient continuellement expofés à la merci arbitraire des plus forts.

Art. V.

ANALYSE.

Ici les Deffeins des trois hauts Confederez, commencent à s'éclaircir. Ils avoient pris des Mefures dans les quatre précédents Articles, pour la defenfe de leurs propres Etats Droits, Immunitez, & Avantages, tant ceux dont ils jouiffent que ceux dont ils doivent jouir; mais en celui-ci leur follicitude va plus loin. Le Roi Très-Chrêtien comme Garant des Traitez de Weftphalie,s'intereffe au maintien des Pri vileges & Libertez du Corps Germanique; & Leurs Majeftez Britannique & Prussienne comme Membres de ce Corps y voyent avec peine des femences de divifion & des plaintes qui pourroient enfin éclater, & trainer une Guerre qui embraferoit toute l'Europe. Elles defirent de prévenir un fi grand mal & pour cet effet, elles prennent le parti de s'unir, non avec le Chef de l'Empire, mais avec une Couronne étrangère.

Les foins laborieux & paternels de l'Empereur, employez avec tant de gloire depuis quatorze ans, pour le repos & la fûreté de tout l'Empire en général, & pour le maintien des Droits, Libertez, & Privileges, de chacun de fes Etats en particulier, meritent la plus vive reconnoiffance de tout bon cœur Allemand. La Paix de l'Empire glorieufement conclue avec la France en 1714., au milieu de l'abandonnement général de tous fes Al

liez; les Frontieres Ottomanes reculées, jufque dans la Valachie par les victorieufes Batailles de Péterwaradin & de Belgrade, fuivies de la Paix de Paffarowitz; les Droits de l'Empi re recouvrez & affermis en Italie dans toute leur étenduë, les Grièfs des Proteftants redreffez dans le Palatinat du Rhin, & ailleurs, avec autant de Juftice que de Prudence, & de Moderation dans tous les cas poffibles, & duëment vérifiés, & auxquels Sa Majesté est toujours prête de pourvoir,fuppofé qu'il eut refte encore quelques uns à rédreffer; le Duc de Holstein rétabli dans fes Etats de l'Empire, par les feules voyes du Droit, & des Conftitutions Impériales, & enfin la Justice adminiftrée fans diftin&tion de Perfonues, ou de Réligion, aux Grands, & aux Petits, aux Foibles, & aux Puiffants, avec une Equité invariable; font des chofes connues de toute la Terre, & qui éterniferont le Nom & la Gloire de Sa Majesté. Cependant, c'est sous un Regne fi fage fi jufte, fi doux, & fi heureux, que les Rois de la Grande-Bretagne, & de Proffe, croyent la tranquillité de l'Empire en danger, & même dans un danger fi preffant, que fans fe donner le loifir d'en rien communiquer à l'Empereur & à l'Empire, auxquels ils font tenus comme Electeurs, & Princes par tant de devoirs, ils ne font point difficulté, de courir d'abord aux Remedes, & de s'affocier avec une Puiffance étrangere, garante à la vérité de la Paix de Weftphalie; mais bien plus connue dans l'Empire, par les Guerres qu'elle lui a faites dépuis le tems de cette Paix, que par les Sécours qu'elle lui a donnés.

Les

Les trois hauts Confederez s'engagent, & Se promettent de s'entr'aider mutuellement, pour le maintien des Traitez de Weftphalie, & des Actes qui, ayant ftatué fur les affaires de l'Empire, font regardez comme la Bafe le Fondement de la Tranquillité du Corps Germanique, &le Jontien de fes Droits, Privileges, & Immunitez, auxquelles leurs dites Majeftez defirent veritablement de pourvoir, d'une manière folide. Ces paroles fonnent bien; mais on demanderoit volontiers ce qu'elles fignifient, & comment Leurs Majeftez pourront en venir à l'execution, fans manquer d'ailleurs à leurs obligations les plus faintes. Car enfin, ni le Roi de France, comme Garant, ni les Rois de la Grande Bretagne & de Pruffe comme Electeurs & Princes, n'ont point Droit de s'ingerer par voye de fait, dans le Gouvernement Général de l'Empire, ni dans le Redreffement des prétendus Griefs de ceux qui pourroient croire qu'on leur fait

tort.

La Majefté de l'Empire ne confifte pas moins dans le bon ordre de fon Gouvernement, que dans la Grandeur, & la Dignité de fes Membres. A l'Empereur Sa Majesté, fes Refervata, fon Authorité; aux Electeurs leurs hautes Prérogatives; aux Princes & aux Etats de l'Empire, leurs Dignitez, leurs Droits, & leur Jurifdiction Territoriale, avec la liberté de leurs Voix & Suffrages. Tout cela eft facré, il n'y faut pas toucher. Si le Roi de France venoit à le faire, ce qu'on ne veut pas efperer, il ne devroit pas être confideré comme Garand, mais comme Ennemi; & fi c'étoit un Electeur, ou autre Prince de l'Em

1

l'Empire, il tomberoit fous les peines portées contre les Infracteurs de la Paix publique.

Les Traitez de Weftphalie, fi favorables aux Princes & aux Etats de l'Empire, ne leur permettent les Alliances inter fe & cum exteris que pour leur propre confervation & fureté, & fous la refervation expreffe de leurs Devoirs envers l'Empereur & l'Empire. Ita tamen ne ejufmodi Foedera fint contra Imperatorem & Imperium, Pacemque ejus publicam, vel hanc inprimis Tranfactionem; fiantque falvo per omnia Juramento, quo quifque Imperatori, vel Imperio obftrictus eft. Inft Pac. §. Gaudeant.

Il n'eft point permis à un Prince de l'Empire de le faire justice à lui-même, dans fes propres intérêts Il doit prendre fon recours aux voyes ordinaires de la Juftice, & de foumettre au Jugement, qui fera rendu. Celui qui en ufe autrement, & qui prétend pourfuivre fon Droit par la force des armes, eft déclaré Infracteur de la Paix. Et nulli omnino Statuum Imperii liceat Jus fuum, vi velarmis perfequi, fed fi quid controverfiæ, five jam exortum, five pofthac inciderit, unufquifque jure experiatur; fecus faciens reus fit fracte pacis. Quæ verò Judiciis fententiâ definita fuerint, finè difcrimine Statuum executioni mandentur, prout Imperii Leges de exequendis fententiis conftituunt. Ibid. §. Verumtamen.

Ce qui n'eft pas permis à un Prince ou Etat de l'Empire pour fes propres Intérêts, encore moins le peut il faire, pour ceux d'autrui, ni fous prétexte de pourvoir à la tranquillité publique, & au foûtien des Droits, Privileges Immunitez & Libertez du Corps Germanique. Ce foin n'apartient qu'à l'Empereur & à l'Em

[ocr errors]

pire, & en certains Cas contenus dans les Conftitutions Imperiales, aux Cercles dûëment convoquez & affemblez.

Il y a encore une remarque à faire fur cet Article. C'eft que l'on y parle bien de la Garantie des Traitez de Weftphalie, mais on n'y fait aucune mention de ceux de Nimegue, de Ryfwick, de Bade, & de Vienne, qui font pourtant aufli des Loix de l'Empire, fur lefquelles repofe la Tranquillité du Corps Germanique. Y auroit-il du myftère en cette Omiffion? Tendroit-elle à favorifer quelque nouvelle Prétenfion de la France ? ou bien à demander l'abolition de la Claufe du quatrième Article de la Paix de Ryfwick? Ce ne font que des Conjectures. Le tems fera connoitre ce qu'on en devoit penser.

Art. VI VII. & VIII.

ANALYSE,

De cès trois Articles, il n'y a que le feptième, qui exige nos Réflexions. Il fait connoitre, que les trois hauts Alliez fe propofent de renforcer leur Conféderation de quelques autres Puiffances, qu'ils ne nomment pas, mais qui certainement ne feront ni l'Empereur, ni le Roi d'Efpagne, ni le Roi & la République de Pologne, ni auffi la Couronne de Ruffie. Nous ne tacherons point à deviner quelles peuvent être ces Puiffances refer vées in petto. Mais comme les Seigneurs Etats Généraux des Provinces Unies y font nommez par leur nom, nous ne pouvons pas nous difpenfer d'y faire quelques réflexions. Il n'eft pas befoin d'une grande fagacité Tome II. pour

X

« PreviousContinue »