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aujourd'hui dans les cultures éparses ça et là, ne prouve rien en faveur de la bonté de ce sol, bien que quelques écrivains l'aient beaucoup vantée : cela prouve seulement qu'ils ont jugé superficiellement les choses et qu'ils n'ont pas vu que cette fécondité, en effet fort extraordinaire puisqu'elle se renouvelle chaque année et sur le même sol, était tout-à-fait factice et uniquement produite par l'immense quantité de fumier jetée sur un petit espace. A ce prix, les rochers eux-mêmes seraient féconds. La vérité est que les terres réellement propres au labourage dans les landes de Bordeaux sont l'exception, et se trouvent très-irrégulièrement répandues sur cette immense étendue. On les trouve d'ordinaire le long des eaux courantes et près des grands bassins qui bordent les côtes de l'Océan.

En supposant même que toute la contrée située entre Bordeaux et Bayonne pût être appropriée à la culture, je ne pense pas qu'il fût sage de recourir à ce seul expédient pour en tirer parti. D'abord les hommes manqueraient, ensuite les capitaux.

Les hommes sans doute ne sont pas rares en France; mais il ne faut pas croire non plus qu'ils se déplaceraient facilement au gré de ceux qui le désireraient et le croiraient utile. On a quelquefois proposé, pour se débarrasser du trop-plein de la population des villes, l'établissement de colonies agricoles; mais, je l'avoue, je ne puis partager les espérances de ceux qui at endent de bons résultats de ce moyen. N'aurait-on pas devant soi le triste sort des colonies belges et hollandaises, que la rai

son seule et l'observation devraient dire quelle est la destinée qui les attend partout où l'on en tentera l'essai?

C'est qu'en effet les hommes des villes ne sont pas de la trempe de ceux qui fécondent les campagnes. Pour les uns et pour les autres c'est une autre marche, d'autres mœurs, une action, une volonté différentes. Quelques mois suffisent à faire un tisserand, un filateur, un ouvrier maçon ; il faut des années pour faire un cultivateur, parce que chaque jour a son travail, chaque végétal sa culture, chaque coin de terre ses qualités particulières.

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L'obstacle des capitaux, sans être aussi puissant, n'en est pas moins réel. Pour toutes les opérations attachées à un aussi vaste défrichement, il faudrait trois à quatre cent millions.

Le boisement présente de bien autres résultats. Autant le sol des Landes, considéré dans sa généralité, est peu favorable à la culture, autant il offre des avantages sous d'autres rapports. Les arbres verts, notamment le pin maritime, y croissent avec une merveilleuse facilité et presque sans le concours de l'homme. Les sables les plus stériles ne sont pas rebelles à cette culture: la partie même des sables mouvans, que les vents transportent et agitent presque à l'égal des flots de la mer, sont fixés par des semis habilement dirigés. Le pin, à son tour, sert à de nombreux usages.

La dépense du boisement ne s'élèverait qu'à un quart environ des frais de culture.

Pour donner une idée de la marche qu'il faudrait

imprimer à l'entreprise, je vais examiner les ques

tions suivantes :

Qui devrait coloniser?

Comment entrer en possession des terrains? Quelle serait la dépense de l'un et de l'autre système de colonisation?

Comment trouver les capitaux nécessaires et quelles seraient les conditions à imposer aux concessionnaires de la colonisation?

L'exécution de canaux dans les Landes est-elle facile et sûre ?

Qui devrait coloniser?

Selon M. Deschamps, inspecteur général des pontset-chaussées et auteur d'un projet plein d'excellentes vues sur la canalisation des Landes, leur étendue serait de 750 lieues carrées. Ces landes appartiennent à des particuliers, à des communes, à l'état. Je mets pour le compte de ce dernier 500 lieues carrées ou bien un million d'hectares. Faut-il conclure de là que c'est au gouvernement comme ahsorbant les deux tiers de ce grand désert qu'il appartient de s'occuper de son défrichement. Non, telle n'est pas ma pensée. Le gouvernement au contraire me semble moins que personne propre à un travail de cette nature qui exige si impérativement toute la sollicitude du père de famille, une surveillance active, une grande intelligence des choses de détail, une connaissance des lieux plus exacte que ne pourraient probablement l'a

voir des agens étrangers à la localité et nommés par l'administration publique.

Une grande association d'intérêts privés, d'intérêts bordelais surtout,. est beaucoup plus propre

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à

une pareille entreprise. Le gouvernement ne pourrait que gagner à l'abandon, même gratuit du terrain, car loin de lui être profitable, il lui est à charge, puisque chaque année on dépense des sommes assez fortes pour opérer et étendre la fixation des Dunes et suffire à l'entretien de la route de Bordeaux à Bayonne, qui par cela même qu'elle traverse une région inculte, entraîne d'énormes frais de transport et d'achat de matériaux.

Le gouvernement d'ailleurs fit-il un sacrifice qu'il en retrouverait un jour la compensation dans l'augmentation des richesses de la France et l'accroissement de sa population.

Comment entrer en possession des terrains?

Il ne faut pas se dissimuler que la mise en possession du terrain des Landes aujourd'hui sillonné en tous sens et en toute liberté par des troupeaux nomades n'éprouve des difficultés. Cependant si l'on sait s'y prendre, si l'on ne heurte point de front les intérêts qui se trouveront lésés, si l'on compense par des avantages positifs le dommage que l'on causera malgré toute précaution, si l'on donne quelque indemnité pécuniaire aux communes pour élever leur maison d'école, leur mairie, leur presbytère; si l'on fait aux particuliers pauvres quelques

avances pour mettre en valeur leur ancienne ou leur nouvelle part du terrain, si en procédant au bornage, on ratifie, au lieu de les chicaner, les usurpations qui ne seront pas par trop exorbitantes, des propriétaires riches, rien ne sera plus aisé que de marcher rapidement à la colonisation.

Quelle serait la dépense de l'un et de l'autre système

de colonisation?

En opérant sur un million d'hectares, et en prenant le boisement pour agent principal de la colonisation, voici les résultats où l'on arrive, résultats sans doute approximatifs, mais suffisans toutefois, puisque aujourd'hui il ne s'agit que de démontrer l'utilité de l'entreprise.

Dans cette hypothèse je suppose les neuf dixièmes du terrain en plantation ou semis d'arbres. Le dernier dixième livré à la culture. Sans exclure les autres essences je ne mentionnerai ici avec détail, que le pin maritime et le peuplier, parce que ceux-là sont d'une plantation facile et que la réussite en est as

surée.

Frais de la partie boisée.

Graine de pin maritime, à 20 kilogrammes par hectare et à fr. d'achat le kilogramme; pour

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Logemens de cinq cents gardiens, à 1,000 fr. par

Report 27,000,000

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