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Ce système a été renversé par la loi du 18 juin 1856, qui abroge l'art. 200 et modifie les art. 201 et suiv. du C. d'inst. cr. Cette loi dispose que « l'appel sera porté à la Cour impériale. » Tous les appels des jugements rendus en matière correctionnelle, soit par les tribunaux chefs-lieux de département, soit par les tribunaux d'arrondissement, sont done, dans toute l'étendue de chaque ressort, soumis à cette règle générale la Cour impériale est le seul juge des appels.

Les motifs exposés à l'appui de cette innovation sont que la régularité de l'édifice judiciaire demande que les cours impériales soient investies, en matière correctionnelle comme en matière civile, de la souveraineté de la puissance judiciaire; que l'unité de la juridiction est détruite quand les mêmes faits sont déférés, tantôt à une cour, tantôt à un simple tribunal; que le droit d'appel ne peut s'exercer avec des garanties sérieuses que lorsque le tribunal qui est chargé du second examen des affaires est supérieur, dans l'ordre des júridictions, au tribunal qui statue en premier ressort; que l'autorité d'une même juridiction, en fondant dans chaque ressort une même jurisprudence, doit assurer une plus grande égalité dans la distribution de la justice; que les difficultés qui ont motivé dans le Code de 1810 une déviation au principe de la compétence des cours impériales ont, en grande partie, été applanies par les changements survenus dans l'état de la viabilité et dans les moyens de locomotion; enfin, que les appels des jugements correctionnels sont peu nombreux, et que ce n'est que dans un petit nombre de cas qu'il pourra résulter quelque préjudice de l'éloignement du siége du juge d'appel.

Il faut reconnaître que ces motifs sont graves et que, sous le double rapport de l'unité de la juridiction et de la jurisprudence, une amélioration réelle peut résulter de la nouvelle loi. On peut craindre seulement qu'à côté de ces avantages quelques inconvénients ne se manifestent. Nous n'admettons pas, d'abord, que le nombre des appels soit aussi restreint qu'on semble le croire. Il a été jugé 9,973 appels

de jugements de police correctionnelle en 1854, et en remontant à travers les statistiques jusqu'en 1826, on trouve chaque année un nombre d'appels à peu près identique. Or, si on élague des 206,794 affaires correctionnelles les 92,125 affaires fiscales qui, poursuivies sur procès-verbaux, ne donnent lieu à aucun appel, et les 50,000 affaires de tromperie sur la vente des denrées, de colportage d'imprimés, d'ouverture de cabarets et de chasse qui, à raison de leur minimité, ne parcourent que bien rarement les deux degrés de juridiction, il résulte que près du cinquième des affaires réellement graves qui sont déférées à la police correctionnelle sont portées en appel. Il importe donc que ce second degré, qui constitue la principale garantie de la juridiction correctionnelle, soit accessible à tous les intérêts. Or, l'objection qui avait arrêté le législateur de 1810 et qui était prise de ce que le trop long éloignement du juge rendrait l'appel trop onéreux et presque impossible, a-t-elle cessé d'être sérieuse? La facilité plus grande des moyens de transport en diminue-t-elle les frais? Est-il plus aisé d'opérer le voyage des témoins à de grandes distances? N'est-il pas à craindre qu'à l'égard de quelques prévenus au moins, éloigner le juge d'appel ne soit le supprimer? Il est vrai qu'on pourra juger sur l'instruction écrite et les notes d'audience des premiers juges; mais quand on fait appel d'un jugement, n'est-ce pas pour que l'instruction qui l'a précédé soit recommencée? Si le juge d'appel ne prononce que sur les actes de la première audience, il cesse d'être un second degré de juridiction; il pourra reviser l'application des formes et des peines ; il ne jugera plus le fond, car le fond c'est le fait débattu par une instruction vivante où il puise sa conviction.

II. Quel est le nombre de juges nécessaire pour statuer sur un appel? L'art. 40 de la loi du 20 avril 1810 porte: « Sur l'appel en matière correctionnelle, ils (les juges) seront au nombre de cinq. » Et l'art. 2 du décret du 6 juillet 1810 répète que « la chambre des appels en matière correctionnelle

ne pourra rendre arrêt qu'au nombre de cinq juges au moins. »> Si l'art. 1 de l'ord. du 24 septembre 1828, se référant à l'art. 27 de loi du 27 ventôse an VIII, dispose que « les chambres des appels de police correctionnelle des cours royales seront composées au moins de sept juges, y compris le président,» il n'en résulte pas qu'elles ne puissent juger qu'à sept juges, et l'art. 5 de la même ordonnance porte : « l'art. 2 du décret du 6 juillet 1810, qui autorise le jugement des appels de police correctionnelle au nombre de cinq juges, continuera d'être exécuté. » Il suit de ces textes que la cour d'appel ne peut rendre arrêt, en matière correctionnelle, qu'au nombre de cinq juges; mais que rien ne s'oppose à ce qu'un plus grand nombre de magistrats prennent part à l'arrêt, pourvu qu'ils fassent partie de la chambre.

Le nombre de cinq étant suffisant pour statuer sur les appels, il s'ensuit que toutes les fois que la chambre des appels correctionnels est composée de cinq magistrats présents et non empêchés, aucun membre des autres chambres ne peut venir y siéger; car les membres d'une chambre ne doivent, aux termes de l'art. 9 du décret du 6 juillet 1810, être appelés à siéger dans une autre, si ce n'est en cas d'empêchement des membres de cette chambre et pour compléter le nombre nécessaire des juges. La Cour de cassation a annulé en conséquence dans plusieurs espèces les arrêts rendus par six juges, lorsque l'un de ces juges, appartenant à une autre chambre, avait été appelé sans nécessité '.

Mais tous les membres de la chambre des appels correctionnels ont incontestablement le droit de prendre part aux jngements de cette chambre, quoiqu'ils soient en nombre supérieur à cinq: si la loi, en effet, exige ce nombre pour la validité des jugements, elle n'interdit pas le concours d'un nombre plus considérable de magistrats, pourvu qu'ils soient tous attachés à la juridiction ».

1 Cass. 30 août 1821, rapp. M. Aumont. J. P., t. XVI, p. 894; 20 avril 1839, repp. M. Voysin de Gartempe. Bull, n. 133.

2 Cass. 20 mars 1817, rapp. M. Aumont. J. P., t. XIV, p. 139.

Il suit de là que les membres de la chambre des mises en accusation qui, aux termes de l'ord. du 5 août 1844, font en outre le service des autres chambres entre lesquelles ils sont répartis ', peuvent siéger à la chambre des appels correctionnels, quoiqu'elle soit déjà composée de cinq membres, lorsque l'arrêté de roulement les a attachés à cette chambre. Il a même été jugé que lorsqu'il est constaté que trois conseillers, appartenant à la chambre d'accusation, ont été adjoints à la chambre correctionnelle, qui était en nombre suffisant pour juger, il y a présomption légale que ces trois magistrats faisaient partie de cette chambre par suite de la répartition faite en vertu de l'ord. du 5 août 1844 *.

III. Lorsque la chambre n'est pas complète, par suite de l'absence ou de l'empêchement de ses membres, il est procédé au remplacement des membres absents ou empêchés par l'appel des membres des autres chambres, ainsi qu'il est prescrit par l'art. 4 du décret du 30 mars 1808 et par l'art. 9 du décret du 6 juillet 1810. Nous avons déjà eu l'occasion d'examiner, au sujet de la chambre d'accusation, ce mode de remplacement et les questions qu'il peut soulever *.

$ 530.

I. Organisation de la juridiction correctionnelle pour juger les membres de l'ordre judiciaire. II. Cas d'application de cette juridiction privilégiée.

I. Nous avons exposé la compétence et les droits du juge d'instruction relativement à la poursuite des délits et des crimes des membres de l'ordre judiciaire dans l'exercice ou hors de l'exercice de leurs fonctions 5.

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La loi a organisé une juridiction spéciale pour le juge

Voy. t. VI, p. 246.

Cass. 11 janv. 1856, à notre rapport. Bull. n. 16.

Cass. 28 déc. 1855, rapp. M. Vaïsse. Bull. n. 446.

Voy. t. VI, p. 241.

' Voy. t V, p. 237.

ment des délits correctionnels dont ils sont prévenus dans l'un et l'autre cas.

L'art. 479 du C. d'inst. cr. porte que : « le procureur général près la Cour impériale fera citer le prévenu devant cette Cour, qui prononcera sans qu'il puisse y avoir appel. »

Et l'art. 4 du décret du 6 juillet 1810 ajoute: « les causes de police correctionnelle, dans les cas prévus par l'art. 479, seront portées à la chambre civile, présidée par le premier président. >>

L'exposé des motifs du Code expose en ces termes cette disposition, qui a dérogé au principe d'égalité absolue établi par la législation antérieure: « S'il s'agit d'un simple délit commis dans l'exercice des fonctions, le droit de discipline naturellement dévolu au supérieur sur l'inférieur devient ici attributif de la juridiction; et s'il est question d'un délit commis hors les fonctions, l'ordre public réclame encore cette attribution, surtout si l'inculpation est dirigée contre un magistrat, membre d'un tribunal de première instance ou de police correctionnelle; car s'il avait son propre tribunal pour juge, ne devrait-on point redouter une trop excessive indulgence ou une trop grande rigueur? Dans une telle conjoncture, et même lorsqu'il s'agit d'un délit imputé à un juge de paix, il est bon que les dispensateurs de la justice soient pris dans un ordre plus élevé et parmi des hommes assez forts pour rassurer la société entière contre l'impunité de certains fonctionnaires et pour protéger ceux-ci contre d'injustes poursuites. Cette double garantie se trouve dans la compétence donnée aux cours impériales pour connaître immédiatement des délits de police correctionnelle commis par les juges de première instance et de paix, dans leurs fonctions ou en dehors point d'impunité, point de vexation; voilà le but qu'on atteindra par une mesure qui tend d'ailleurs à investir les cours d'une plus grande considération et à établir dans la hiérarchie judiciaire un ressort qui lui manque aujourd'hui. »

L'art. 479 établit donc une double dérogation à la constitution de la juridiction correctionnelle : 1° il supprime le pre

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