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sans autorisation du maire; cette prohibition était contraire à la disposition du no 4 de l'art. 471 du C. pén., qui ne défend que les dépôts de matériaux faits sans nécessité et qui gênent la liberté de la circulation. L'illégalité du réglement a douc dù être prononcée : « attendu que les maires, dépositaires de l'autorité municipale, ne peuvent prescrire des mesures obligatoires pour les citoyens que dans le silence des lois; que quand les lois ont statué sur des objets qui, aux termes des art. 3 et 4,tit. XI, de la loi du 16-24 août 1790, sont confiés à la vigilance et à l'autorité des corps municipaux, que l'art. 46, tit. I, de la loi du 19-22 juillet 1791 investit du pouvoir de prendre des arrêtés, pour prescrire sur ces objets les mesures locales qu'ils jugent nécessaires, ces corps, remplacés aujourd'hui par les maires, ne peuvent qu'ordonner l'exécution desdites lois, sans rien ajouter à leurs dispositions et sans rien en retrancher'. »

Un autre arrêté, se fondant sur une ancienne coutume, portait défense à toute personne d'entrer dans des vignes sans une permission qui ne devait être accordée qu'aux propriétaires. La Cour de cassation a déclaré qu'en supposant la coutume alléguée, elle ne peut prévaloir sur les dispositions de l'art. 475 du C. pén., dont le n°1 ne punit que la contravention aux bans des vendanges, et dont le n° 9 n'interdit qu'à ceux qui ne sont pas propriétaires, usufruitiers, ni jouissant d'un terrain, l'entrée sur ce terrain dans le temps où il est chargé de grains en tuyau, de raisins et autres fruits murs ou voisins de la maturité, ce qui laisse entiers le droit et les attributs du droit de propriété; que l'arrêté dont il s'agit porte évidemment atteinte à ce droit; qu'il n'est ni légalement fait ni par conséquent obligatoire. »

Cass. 10 déc. 1824, rapp. M. Anmont. J. P., t. XVIII, p. 1207, 26 mars 1825, rapp. M. Aumont, t. XIX, p. 360; 16 fév. 1833, rapp. M. Rives, t. XXV, p. 177; 10 avril 1841, rapp. M. Rives. Bull. n. 89.

Cass. 24 oct. 1811, rapp. M. Romiguières. Bull. n. 341, 28 nov. 1839, rapp. M. Rives, n. 364.

Enfin, un arrêté prescrivait aux chefs des manufactures et usines d'exiger de leurs ouvriers la remise d'un livret. La même cour a décidé « que la contravention à un arrêté municipal sur un fait prévu par une loi, ne peut entraîner une peine que cette loi ne prononce pas; que l'inexécution de l'obligation imposée à ceux qui emploient des ouvriers de se faire remettre leurs livrets constitue une infraction à l'art. 12 de la loi du 22 germinal an 12; mais que l'action qui en résulte est purement civile et se résout en dommages-intérêts, et qu'en le jugeant ainsi, le jugement attaqué, loin de violer la loi, s'y est au contraire conformé ».

VI. Le juge de police doit examiner encore si lorsque les maires se bornent, aux termes des § 2, et 5 de l'art. 46 de la loi du 19-22 juillet 1791 et de l'art. 11 de la loi du 18 juillet 1837, à publier de nouveau les lois ou réglements ou à rappeler les citoyens à leur exécution, cette publication ou cette prescription est faite dans les limites de leurs attributions.

Les maires, en premier lieu, ne peuvent publier de nouveau ou faire exécuter que les lois et réglements de police, c'est-à-dire les lois et réglements qui rentrent dans le cercle des matières de police tracé par la loi du 16-24 août 1790. Ce droit de publication ou de rappel de réglements antérieurs, en effet, n'est qu'un mode d'exercice du pouvoir réglementaire; or ce pouvoir ne change pas de nature et de limite, selon qu'il se manifeste en publiant ses propres arrêtés où en publiant les arrêtés déjà existants ou les dispositions législatives qui ont statué sur le même objet. Dans l'une et l'autre hypothèse, l'autorité municipale ne fait qu'exercer, par deux modes divers, la mème attribution; or cette attribution a été strictement limitée aux objets confiés à la surveillance et à l'autorité

1 Cass. 22 fév. 1840, rapp. M. de Ricard, Bull. n. 68.

des corps municipaux. Il suit de là que tous les arrêtés qui auraient pour but de publier ou de rappeler des lois et règlements étrangers à ces objets, seraient pris en dehors des attributions municipales et n'auraient par eux-mêmes aucune force légale 1.

Les maires ne peuvent, en second lieu, même en publiant ou rappelaut des lois ou réglements de police qui sont en vigueur, apporter des modifications soit à la compétence du juge de police, soit à la pénalité attachée aux contraventions de police. La compétence du juge et les peines qu'il peut appliquer sont fixées par la loi ; il n'est pas permis au pouvoir réglementaire d'y déroger.

Si l'arrêté défère le jugement des infractions à une autre juridiction que le tribunal de police, et par exemple comme l'avait fait un préfet, au tribunal du juge de paix, il fau décider que quand même il ne serait pas naturel de penser que le préfet dans son arrêté, en indiquant le juge de paix, l'a indiqué en la qualité qu'il devait procéder, les juridictions sont d'ordre public; qu'il n'appartient aux administrations ni de troubler ni d'intervertir cet ordre que les tribunaux tiennent de la loi, et qu'ils ne doivent consulter qu'elle seule pour assurer leur compétence d'après la nature des contestations qui leur sont soumises *. »

Si l'arrêté attache lui-même aux infractions qu'il prévoit des peines supérieures aux peines de police ou autres que ces peines, par exemple la peine de la confiscation dans des cas où la loi ne l'a pas déterminée, le juge ne doit y avoir aucun égard; « attendu qu'il n'appartient point au pouvoir municipal ou administratif de créer arbitrairement des peines dans les matières sur lesquelles il est autorisé à agir par voie de réglement; qu'il ne peut que rappeler les peines établies par les lois, et que, quelles que soient d'aillieurs ses dispositions, les tribunaux ne peuvent jamais infliger

Cass, 26 juillet 1827, rapp. M. Gary. J. P., t. XXI, p. 662. * Cass. 7 mars 1828, rapp. M. Gary. J. P., t. XXI, p. 1255.

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d'autres peines que celles prononcées par un texte précis de loi applicable à la contravention'. »

Si l'arrêté rappelle une loi qui aurait spécialement réglé l'objet de police auquel il veut pourvoir, il ne peut porter d'autre peine que celle portée par cette loi. Ainsi, en matière de bruits troublant la tranquillité publique, un réglement ne peut substituer à la peine portée par l'art. 479 no 8, qui a prévu ce fait, la peine que l'art. 471 no 15 a attachée aux contraventions aux arrêtés municipaux . Ainsi encore, en matière de dégradation sur les chemins publics, un préfet ne peut remplacer les peines de l'art. 479 n° 11 par les peines qui frappent les infractions à ses arrêtés : << attendu que l'art. 471 n° 15 ne s'applique exclusivement qu'aux mesures prescrites par l'administration publique en vertu de l'attribution qu'elle tient de l'art. 11 de la loi du 18 juillet 1837 et de l'art. 3, titre XI, de la loi des 16-24 août 1790, ainsi que des lois spéciales qui n'ont point édicté la peine de leur infraction; d'où il suit que les actes de cette administration qui ont pour objet de faire exécuter ce que des dispositions législatives ont ordonné ou défendu, emportent de plein droit l'application des peines qu'elles prononcent *. »

Si l'arrêté rappelle ou publie un réglement qui n'attache aucune peine aux contraventions qu'il prévoit, le juge de police doit appliquer les peines portées par l'art. 471 no 15 du C. pén. « attendu qu'il est du devoir des tribunaux de police de réprimer, par l'application des peines légales, les contraventions aux actes émanés des autorités administratives dans les matières qui leur sont expressément attribuées par les lois des 16-24 août 1790 et 19-22 juillet 1791; que cette obligation n'est pas moins impérieuse pour les tribunaux de police, alors même que les ordonnances ou ar

1 Cass. 17 janvier 1829, rapp. M. Gary. J. P., t. XXII, p. 581. Cass. 24 nov. 1828, rapp. M. Gary. J. P., t. XXI, p. 370. Cass. 45 fév. 1856, rapp. M. Rives. Bull. n. 73.

rétés qui statuent sur ces matières ne prononcent ou ne rappellent aucune peine applicable aux contraventions. 1. »

Enfin, si l'arrêté rappelle des réglements anciens portant des peines supérieures aux peines de police, le juge de police, après avoir vérifié d'après les règles qui ont été déjà posées", la validité de ces réglements, doit réduire ces peines, ainsi que nous l'avons précédemment établi 3, au taux porté par l'art. 471, no 15, puisque c'est là la seule pénalité que la loi ait voulu attacher aux infractions aux réglements rendus sur les objets confiés à l'autorité du pouvoir municipal.

VII. Le tribunal de police ne doit pas se borner à constater si l'arrêté à été rendu par un officier compétent, s'il a été pris en vertu d'une délégation légale, s'il est conforme aux lois, en un mot, s'il est légal et susceptible d'application; il doit vérifier encore s'il est revêtu des formes prescrites par la loi, s'il a été publié ou notifié au prévenu, en un mot, s'il est régulier et immédiatement applicable.

Le juge doit dénier toute sanction à l'arrêté s'il n'a pas les formes extérieures d'un acte réglementaire. Il a été décidé « qu'un arrêté de police est, lorsqu'il est légalement pris dans le cercle du pouvoir réglementaire, une véritable loi locale; qu'il a les effets et l'autorité de la loi, puisqu'il oblige tous les citoyens; qu'il doit être en conséquence accompagné des formes et des solennités qui sont les caractères extérieurs de la loi; qu'une simple instruction administrative, lors même qu'elle serait rendue publique, ne peut avoir aucun effet obligatoire*. «< Ainsi, une décision, une circulaire ne suffisent pas; il faut une disposition qui affecte la forme de la lo, puisqu'elle commande comme elle. Les citoyens ne peuvent être tenus d'obéir qu'à des prescriptions impératives énoncées

1 Cass, 25 fév. 1826, rapp. M, Gary. J. P., t. XX, p. 210.

2 Voy, supra, p. 58.

Voy, supra, p. 61.

Cass. 23 sept. 1853. A notre rapport. Bull. n. 482,

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