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par les maires. La servitude résultant de cette défense se trouve implicitement maintenue par les art. 50 et 52 de la loi du 16 septembre 1807, puisque l'homologation des plans d'alignement, que le dernier de ces articles prescrit de dresser, les rend de plein droit obligatoires, et attribue à la petite voirie tout ce qu'ils retranchent des édifices riverains lorsque leurs propriétaires les font démolir volontairement ou pour cause de vétusté. On induit de là que tous les travaux sont interdits sur ces édifices sans autorisation expresse et préalalable de l'autorité municipale, puisque ces travaux auraient pour résultat de retarder l'alignement prescrit et de nuire par conséquent à la viabilité. Les tribunaux de police sont donc tenus d'ordonner la destruction des travaux faits sans autorisation, de la besongne mal plantée, suivant le langage de l'édit, et ils doivent ordonner cette démolition, lors même que les prévenus prétendraient que ces travaux ne comportent point la partie retranchable de leur propriété, car ils ne pourraient apprécier ce moyen de défense sans empiéter sur les attributions de l'autorité administrative, qui seule est compétente pour laisser subsister les constructions qu'elle a le droit de permettre ou d'interdire. Ce point a été consacré par une longue série d'arrêts 1. Il n'appartient donc point à la juridiction de police d'apprécier le caractère des travaux entrepris, de décider que ces travaux ne constituent point une construction, qu'ils ne sont qu'un recrépissage qui n'apporte aucune consolidation 3, une besogne insignifiante et non confortative 4, de refuser l'application de l'alignement

Cass. 29 mars 1821, 2 déc. 4824, 26 juil. et 11 sept. 1827, 2 août 1828, cités supra, p. 206 et cass. 17 fév. 1837, rapp. M. Rives. Bull. n. 55; 5 oct. et 2 déc. 1837, rapp. M. Rives, n. 300 et 419; 4 janv. 1840, rapp. M. Rives, n. 7; 16 juill. 1840, rapp. M. Miller, ch. réun.,n. 201; 25 juin 1844, rapp. M. Isambert, n. 185; 1 et 3 déc. 1842, rapp.M. Rives, n.309 et 318; 15 sept. 4843, rapp. M. Rives. Bull., n. 241, etc.

* Cass. 1 déc. 1842, rapp. M. Rives. Bull. n. 312.

3 Cass. 4 août 1838, rapp. M. Rives. Bull. n. 262; 12 juill. 1855, rapp. M. Rives, n. 246.

Cass. 1 déc. 1842, rapp. M. Rives. Bull. n. 315; 30 août 1855, rapp. M. Foucher, n. 305.

par le motif que les propriétaires auraient bati sur leurs terrains et n'avaient pas été expropriés, ou que l'autorisation aurait été accordée si elle avait été demandée, de distinguer entre les travaux qui consolideraient les murs de face et ceux qui n'ajouteraient rien à leur solidité 3, entre les constructions qui sont ou ne sont pas immédiatement liées à la voie publique, enfin, d'examiner d'une manière quelconque la nature et les effets des œuvres entreprises sans autorisation 5. Si le jugement est subordonné, soit à la nature des travaux, soit à l'explication de l'autorisation, si le prévenu soutient qu'il s'est strictement conformé aux termes des arrêtés, cette défense forme une exception préjudicielle qui ne peut être décidée que par l'autorité administrative, et qui, ainsi qu'on le verra plus loin, donne lieu seulement à surseoir jusqu'à ce que cette décision soit obtenue.

VI. Nous pourrions continuer d'énumérer les cas où les deux juridictions se touchent et semblent près d'empiéter l'une sur l'autre. Mais, dans toutes les hypothèses, quelles qu'elles soient, se retrouverait toujours l'application de la même règle, la séparation plus ou moins délicate mais formelle des deux attributions, la prohibition faite au tribunal de police d'entrer sur le territoire du pouvoir administratif ou dans l'examen de ses actes. Il serait donc sans intérêt de poursuivre cette recherche nous n'avons voulu que poser le principe de cette séparation, à savoir, que les tribunaux de police ne peuvent entrer dans l'examen des actes administratifs, si ce n'est pour prescrire leur application quand ils sont compétemment rendus.

Mais il ne faut dans aucun cas perdre de vue, et c'est une

*Cass. 23 août 1839, rapp. M. Rives. Bull. n. 278; 11 août 1842, rapp M. Brière, n. 194.

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'Cass. 12 août 1841, rapp. M. Vincens St-Laurent. Bull. n. 237. 3 Cass. 7 déc. 1848, rapp. M. Vincens St-Laurent. Bull. n. 307.

Cass. 2 déc. 1841, rapp. M. Jacquinot. Bull. n. 345.

* Cass. 17 déc. 1847, rapp. M. Rives. Bull. n. 299.

Cass. 8 oct. 1842, rapp. M. Rives, Bull. n. 273.

règle générale qui s'applique à toute cette matière, que le tribunal de police n'est compétent pour faire l'application des actes administratifs que lorsque ces actes constituent une mesure réglementaire de police ou se rattachent à cette mesure. La loi n'a, en effet, attribué à sa juridiction que la connaissance des contraventions aux lois et réglements de police, et tout acte entrepris au delà de cette attribution serait un excès de pouvoir. Sa compétence est tout entièrerenfermée dans la matière de la police. Ce point a été consacré par de nombreux arrêts.

Un arrêté municipal avait prohibé les actes de travail et de commerce les dimanches et jours de fête. La Cour de cassation a jugé que la juridiction de police ne devait aucune sanction à un tel arrêté : « Attendu que si les tribunaux ne peuvent pas connaître des actes administratifs ni mettre des entraves à leur exécution, ils ne peuvent aider cette exécution que par les moyens qui rentrent dans le cercle de leur autorité ; qu'en matière de simple police, et en cas d'infraction des réglements faits par les administrateurs chargés de cette partie, les tribunaux ne peuvent punir cette infraction qu'autant que les réglements se rattachent à l'exécution d'une loi existante et portant une peine contre les contrevenants, ou qu'ils rentrent dans les objets confiés à la vigilance et à l'autorité des administrations municipales 1».

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Un grand nombre d'arrêtés ont tenté de donner une sanction pénale aux taxes municipales établies, soit dans les halles et marchés, soit dans les lieux publics. La Cour de cassation, quoiqu'elle ait hésité un moment sur ce point, a posé et maintenu comme une règle que les tribunaux de police sont incompétents pour connaître des contraventions aux réglements faits pour la perception des recettes communales. Ses motifs sont : « que la loi du 18 juillet 1837, qui range parmi les recettes ordinaires des communes, par son art. 31, no 6,

Cass. 2 juillet 1813, rapp. M. Aumont. J. P., t. II, p. 516.
Cass. 26 floréal an xin, rapp. M. Cassaigne, J. P., t. IV, p. 545.

le produit des places dont elle autorise la perception dans les halles, foires, marchés et abattoirs, autorise sans doute les maires à prendre les mesures nécessaires dans le but d'assurer le recouvrement de ces droits, suivant les tarifs qui les ont régulièrement fixés; mais que le bail qu'ils eu font n'est qu'un contrat régi par les règles du droit civil, puisqu'aucune loi spéciale ne charge la juridiction répressive d'assurer son exécution contre les redevables qui refusent au fermier ce qu'il lui permet d'exiger d'eux; qu'il suit de là que l'action résultant de leur refus ne doit être exercée que devant la juridiction civile et qu'elle n'appartient pas dès lors au ministère public1. »>

D'autres arrêtés enfin ont soumis la concession d'une autorisation ou d'une permission à certaines conditions dont l'inexécution peut entraîner le retrait de la concession, mais non l'application des peines de police. Un maire, par exemple, impose aux entrepreneurs de voitures en commun stationnant sur la voie publique l'obligation de faire une certaine construction; or, il a été jugé « qu'une semblable disposition peut bien constituer une des conditions de l'autorisation dont le non accomplissement peut entraîner des conséquences légales, notamment le retrait de ladite autorisation, mais ne peut être considérée comme une mesure de police sanctionnée par les peines de l'art. 471, no 15 dụ C. pén. *. » Dans un autre cas, un arrêté de police impose aux boulangers l'obligation d'avoir constamment en réserve un certain approvisionnement de farine; or, l'infraction à cette disposition de prévoyance administrative ne peut être attribuée aux juges de police, « attendu que les art. 137 et 138 du C. d'inst. cr. n'attribuent aux tribunaux de simple police que la connaissance des contraventions de police prévues et

'Cass. 9 mars 1854, rapp. M, Rives. Bull. n. 67; et Conf. 15 janv. 1820, rapp. M. Aumont. J. P., t. XV, p. 701; 27 déc. 1851, rapp. M. Foucher. Bull, n. 542.

Cass, 27 avril 1850, rapp. M. de Boissieux. Bull. n. 188.

punies par le C. pén, ou par des lois spéciales; d'où il suit que ces tribunaux doivent d'office s'abstenir de réprimer l'infraction de toute disposition administrative qui n'a pas été prescrite comme mesure réglementaire de police proprement dite, et qui dès lors n'a point pour unique sanction légale les peines édictées par l'art. 471, n° 15 du C. pénal 1. »

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1. Compétence du tribunal de police dans l'application des réglements de police. II. Droit général d'examen de la légalité et du sens des réglements. III. Droit de vérification s'ils émanent d'une autorité compétente; - IV. s'ils sont pris dans le cercle des attributions de cette autorité; V. s'ils sont contraires aux lois ; — VI. s'ils sont revêtus des formes légales et exécutoires. d'interpréter leurs dispositions.

. VII. Droit

I. Quel est le pouvoir du juge de police sur les réglements qu'il est chargé de faire appliquer? Ne peut-il, comme à l'égard des actes administratifs, ni vérifier leur régularité, ni procéder à leur interprétation? ou peut-il à la fois interroger la validité de leur titre et leur vrai sens? Doit-il les appliquer tels qu'ils sont, illégaux ou valables, réguliers ou informes, ou ne doit-il leur reconnaitre une force légale qu'après avoir vérifié toutes les conditions qui leur donnent cette force?

Cette question, si on la prend dans ses termes les plus généraux, est depuis longtemps résolue, et il ne reste qu'à indiquer les raisons de sa solution qui peut-être n'ont pas encore été nettement précisées; mais, si on la considère ensuite dans les diverses hypothèses où elle se présente, on trouve quelques difficultés qui doivent être examinées avec attention.

II. Le juge de police est, en général, investi du droit de vérifier la légalité et le sens des réglements de police.

Le premier fondement de ce droit est dans le caractère

'Cass. 7 mars 1856, rapp. M. Rives. Bull. n. 101.

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