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d'une route qui passe avec une voiture attelée de chevaux sur une pièce de terre ensemencée, doit être poursuivi devant le tribuual de police. Ainsi l'entrepreneur de travaux relatifs à un chemin de fer, qui a inondé plusieurs propriétés en interceptant le cours d'un ruisseau par le dépôt de matériaux, doit également être traduit devant la juridiction répressive ". Cette règle a été établie avec une grande netteté dans une espèce où les entrepreneurs d'un pont étaient poursuivis devant le tribunal de police, à raison d'un accident causé à un cheval par suite de l'état de dégradation du pont. La Cour de cassation a déclaré ce tribunal compétent : « attendu qu'aux termes de l'art. 5, tit IV, de la loi du 16-24 août 1790 et de l'art. 3 du C. d'inst. cr., les tribunaux civils et les tribunaux de répression, accessoirement à une action publique, sont compétents pour prononcer sur toutes les actions en dommages-intérêts; qu'il n'a été dérogé à cette règle générale par la loi du 28 pluviôse an 8, art. 4, § 3, que relativement aux réclamations des particuliers qui se plaignent des torts et dommages procédant du fait personnel des entrepreneurs de travaux publics; que cette dérogation limitée n'est que la conséquence du principe constitutionnel qui interdit à l'autorité judiciaire de troubler, de quelque manière que ce soit, les opérations de l'autorité administrative et de connaître des actes d'administration; qu'elle doit donc être renfermée dans le but que le législateur a seulement voulu atteindre en l'édictant; que si les adjudicataires et concessionnaires de travaux publics conservent la qualité d'entrepreneurs de ces travaux, même après leur achèvement et leur réception, et pendant toute la durée de la concession qu'ils en ont obtenue, il ne s'ensuit point que le privilége de la juridiction administrative leur soit acquis indistinctement contre toutes les réclamations dont ils sont l'objet ; que la loi ayant subordonné l'attribution de cette juridiction à la double con

1 Cass. 3 août 1837, rapp. M. Rives. Bull. n. 249.

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Cass, 23 fév. 1856, rapp. M. Caussin de Perceval. Bull. n. 82.

dition de l'existence d'un acte administratif auquel la plainte serait susceptible de porter une atteinte quelconque et de la qualité du défendeur, il faut nécessairement que ces deux choses se trouvent réunies et en quelque sorte indivisibles dans le débat, pour que l'incompétence des tribunaux soit péremptoire à raison de la matière; que le privilége dont il s'agit appartient sans doute aux entrepreneurs et concessionnaires de travaux publics toutes les fois que la poursuite en réparation civile provient soit de la construction même dont ils ont été chargés ou des obligations qui leur sont imposées par le cahier des charges ou le devis de l'adjudication, soit de tout autre acte général ou spécial de l'administration qui détermine leurs obligations, puisque alors les tribunaux ne pourraient faire droit à la demande qu'en s'immisçant dans la connaissance et l'appréciation de l'acte dont l'exécution aurait occasionné le dommage sur lequel est fondée l'action de la partie lésée; mais que, lorsqu'ils n'ont à se prévaloir que de leur qualité contre le fait qui leur est reproché, et que ce fait ne présente qu'une contravention prévue et punie par le Code pénal, qu'il rentre dans les attributions légales de la justice ordinaire, et n'implique ou n'exige la connaissance ni l'appréciation d'aucune mesure administrative, ces entrepreneurs ou concessionnaires sont sans droit pour revendiquer la juridiction exceptionnelle 1. »

Cette distinction a été appliquée au fait d'extraction de matériaux. Les arrêts du conseil des 3 octobre 1667, 3 décembre 1672 et 22 juin 1706, ainsi que l'art. 55 de la loi du 16 septembre 1807 confèrent aux entrepreneurs des travaux publics le droit d'extraire des matériaux, pierres, grés, sables dans les fonds voisins qui leur sont indiqués par leurs devis, à charge d'indemnité, et l'art. 145 du C. for. dispose <«< qu'il n'est point dérogé au droit conféré à l'administration des ponts et chaussées d'indiquer les lieux où doivent être faites les extractions de matériaux pour les travaux publics. »

Cass. 16 fév. 1855, rapp. M. Rives. Bull. n. 45.

Enfin, l'art. 175 de l'ordonnance du 1er août 1827 ajoute que les réclamations qui pourront s'élever relativement à l'exécution des travaux d'extraction et à l'évaluation des indemnités seront soumises aux conseils de préfecture, conformément à l'art. 4 de la loi du 28 pluviôse an 8. » Mais il a été jugé « que la compétence exclusive des conseils de préfecture n'a lieu que lorsque l'extraction a été faite dans les localités expressément désignées aux cahiers des charges ou aux devis y annexés, seul cas où il y ait lieu de juger des conséquences et des effets d'un acte administratif, ce qui est interdit aux corps judiciaires; mais que cette compétence cesse lorsque les extractions ont été faites sur d'autres terrains que ceux indiqués à l'entrepreneur, puisqu'elles peuvent alors ètre appréciées et réprimées sans porter atteinte a aucun acte administratif'. >>

Il y a des cas où les contraventions imputées aux entrepreneurs semblent tenir à la fois de la grande et de la petite voirie et dans lesquels la juridiction compétente est difficile à reconnaître. Un entrepreneur, par exemple, fait sur la voie publique d'une ville un dépôt de matériaux destinés à la construction d'un pont; si ce dépôt est autorisé par les travaux, s'il est motive par la construction, il n'appartient qu'à l'administration d'en vérifier la nécessité; mais si, effectué longtemps avant le commencement des travaux et sur une portion de la voie publique où il gêne la circulation, il constitue un véritable embarras, ne peut-il pas être considéré comme une infraction à l'art. 471, no 4 du C. pén.? Telle est la solution. d'un arrêt qui déclare que par la loi du 29 floréal an x, art. 1o, et par le décret du 16 décembre 1811, art. 114, sur la compétence en matière de grande voirie, l'autorité administrative n'a été investie que du pouvoir et de la compétence nécessaires à la conservation des travaux publics, routes royales et départementales et canaux ; que dès lors la compétence des conseils de préfecture est restreinte aux cas où il

*Cass. 16 avril 1836, rapp. M. Vincens St-Laurent. Bull. n. 421.

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s'agit de faits expressément commandés par l'administration ou d'amendes à prononcer pour réprimer la dégradation ou détérioration des ouvrages d'art ou travaux publics du ressort de la grande voirie; que cette attribution ne peut être étendue aux cas qui intéressent exclusivement la sûreté des habitants et la libre circulation dans les rues des villes servant de traverse aux routes, ou de chemins de halage aux canaux et rivières navigables ou flottables; que les attributions de la police municipale doivent être conciliées avec celles de l'autorité administrative proprement dite, et que la préférence, quant à la compétence, appartient à l'intérêt prédominant '. »>

V. Dans l'enceinte même des villes, bourgs et villages, les conflits entre l'autorité administrative et la juridiction de police s'élèvent encore en matière de petite voirie.

L'autorité municipale, chargée de la petite voirie, se trouve, par une conséquence plus ou moins directe, en possession du droit d'autoriser les constructions nouvelles élevées le long des places, quais et rues et de fixer la ligne qu'elles doivent suivre. Ce droit, quelquefois contesté, mais incessamment maintenu, a cherché successivement ses appuis, d'après trois phases distinctes de la jurisprudence, d'abord dans le n° 1, art. 3, tit. XI de la loi du 16-24 août 1790, qui confie à la vigilance de l'autorité municipale tout ce qui intéresse la sûreté et la commodité du passage dans rues, quais, places et voies publiques; ensuite dans l'article 52 de la loi du 16 septembre 1807, qui dispose que les alignements seront donnés dans les villes par les maires conformément aux plans arrêtés en conseil d'État ; enfin dans les art. 4 et 5 de l'édit de décembre 1607, implicitement

les

Cass. 7 juillet 1838, rapp. M. Isambert. Bull. n. 197.

Cass. 29 mars 1824, rapp. M. Aumont, J, P., t. XVI, p. 492; 11 sept. 1827, rapp. M. Mangin, t. XXI, p. 801.

3 Cass. 26 juillet 1827. rapp. M. Gary, J. P., t. XXI, p. 662; 2 août 1828, rapp. M. Gray, t. XXII, p. 468.

maintenus par l'art. 29, tit. 1er de la loi du 19-22 juillet 1791, et qui attribuent au grand-voyer et à ses commis, aujourd'hui en partie remplacés par les maires, le droit de déterminer les alignements et d'accorder les permissions pour les constructions nouvelles. La conséquence de ce droit est que les tribunaux de police, compétents pour prononcer sur toutes les contraventions de petite voirie, sont incompétents pour statuer sur toutes les exceptions et défenses qui tiennent à l'alignement lui-même, à sa fixation ou à son interprétation, et à la régularité de l'arrêté qui l'a déterminé. Ils ne peuvent donc examiner si l'alignement est contraire au droit de propriété, s'il a été régulièrement donné, si le prévenu s'y est conformé ou s'en est écarté*, s'il doit être excusé à raison de sa bonne foi ou de son ignorance, si l'arrêté d'alignement est susceptible de telle ou telle interprétation", s'il peut être appliqué avant d'avoir été approuvé par l'autorité supérieure". C'est un acte administratif qu'il n'appartient qu'à l'autorité de laquelle il émane d'improuver, d'expliquer et d'interpréter.

Une autre conséquence du même principe s'étend encore à l'appréciation des réparations faites aux édifices situés sur et joignant la voie publique et sujets à reculement. L'édit de décembre 1607, pour conserver aux voies publiques leur largeur actuelle ou pour les élargir ou les redresser selon les besoins de la circulation générale, défend à tous les propriétaires adjacents d'édifier aucune construction sans le congé et l'alignement du grand-voyer ou de ses commis, dont les fonctions se trouvent aujourd'hui, en partie du moins, remplies

Cass. 17 nov. 1831, rapp. M. Rives. J. P., t. XXIV, p. 328.

2 Cass. 21 déc. 1824, rapp. M. Ruperou. J. P., t. XVIII, p. 1243.

3 Cass. 3 janv. 1855, rapp. M. Rives. Bull. n. 1.

Cass. 7 mars 1834, rapp. M. Rives. Bull. n. 84; 2 mai 1845, rapp.

M. Mérilhou, n. 160.

Cass. 19 juill. 1815, rapp. M. Vincens St-Laurent. Bull. n. 236.

Cass. 13 août 1853, rapp. M. Nouguier. Bull. n. 404.

7 Cass. 3 août 1838, rapp. M. Rives. Bull. n. 258.

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