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lens en tous genres, qu'il était réserve de voir exécuter la première communication des deux mers, ce fameux Canal de Languedoc, le plus grand monument de la navigation intérieure de la France, qui suffirait pour immortaliser la magnificence de ce prince, et l'administration de Colbert; mais on oublia de régler l'administration des Chemins, qui se détérioraient de plus en plus : il semble cependant que ce grand ministre aurait dû sentir, mieux qu'un autre, tous les avantages que retirerait, de la réparation des chemins, ce commerce dont il était le salutaire restaurateur. Il est vrai que de son tems les sciences étaient encore au berceau : les Mathématiques, en général, n'avaient point été assez cultivées, pour élever un nombre suffisant de sujets, capables de former un corps d'Ingénieurs; l'Architecture publique était encore informe et grossière, et le pont de Moulins, bâti par le célèbre Mansard, nous en fournit un exemple: il n'avait pas mesuré l'ouverture des arches au volume d'eau qu'elles devaient contenir dans le tems des crues, et son édifice, bientôt renversé, servit de leçon à l'ignorance téméraire. Quoi qu'il en soit, Colbert ne porta pas, sur la direction des chemins, cette main bienfaisante à qui tant d'autres entreprises ont dû leur exécution.

Après lui, les chemins furent condamnés à l'abandon, et restèrent dans ce déplorable état jusqu'au ministre Desmarets, qui prit à cœur de les tirer de l'oubli; secouru de l'infatigable activité d'un magistrat éclairé, M. de Bercy, auquel il en confia le détail : cette direction se serait sans doute illustrée sans les guerres cruelles qui agitaient la France, et qui contrariaient ses vues réparatrices. On sait qu'il débuta par des entreprises vastes et éclatantes; c'est lui qui conçut le projet de la route d'Orléans, (1) dont il fit tirer les alignemens aux abords de la Capitale : il entreprit de relever des ponts; mais ce qui doit surtout ajouter à sa gloire, c'est l'institution qu'il créa pour la première fois, d'un Corps de génie.

Sous la régence du duc d'Orléans, époque à laquelle toutes les administrations snbirent des changemens, il entrait dans les intérêts du conseil qu'il établit, de suivre les traces que Desmarets avait frayées, et de s'avancer même au-delà : il devait d'autant plus s'attacher à l'entretien des Ponts et Chaussées, que c'était un moyen de donner du lustre à ses autres opérations, en favorisant le commerce, dont il s'était déclaré hautement le protecteur. Ce conseil était d'ailleurs dirigé par un de ces genies vifs, à la sagacité desquels rien n'échappe, et capable plus que tous, d'achever les grandes entreprises dont il avait sous les yeux les premiers essais. Aussi fit-il concevoir les plus hautes idées de ses desseins, par les sommes immenses qu'il fit destiner à leur exécution; mais deux obstacles insurmontables vinrent traverser ses projets : le premier, et le plus puissant, fut Tincapacité d'un grand nombre d'Ingénieurs, et l'autre naquit de la révocation des Conseils,

(1) Cette route impraticable en 1727, a été entièrement remise à neuf, en pavés carrés; ce travail non interrompu, a duré onze ans, et a été exécuté sur un seul marché.

A cette époque, il n'y avait aux environs de Paris, que des parties de routes pavées en grès; mais le Gouvernement, sentant la nécessité de rendre praticables tous les chemins qui environnaient la Capitale, passa un bail général, avec deux Entrepreneurs, pour leur en confier l'entier rétablissement. Jamais Entrepreneur ne fut chargé d'un travail si considérable, et nous nous proposons d'insérer, dans un de nos cahiers suivans, les clauses détaillées de ce bail, pour mettre nos lecteurs à portée de juger de son importance, et des travaux comme des conditions des prix et des marchés de ce tems.

C'est à cette époque que, le systême des billets de banque ayant été adopté, les formes du Gouvernement changèrent pour l'administration des finances, et que celle des Ponts et Chaussées fut mise en direction. Cette nouvelle institution sembla procurer un nouvel essor aux entreprises: on ouvrit plusieurs routes; et parmi les travaux remarquables, on construisit le pont de Blois, très-digne d'illustrer cette époque. Si les efforts du Gouvernement avaient alors secondé cette administration, elle n'eût pas, sans doute, laissé à ses successeurs la gloire d'achever de si louables travaux ; mais l'abondance et le discrédit du papier-monnaie, avaient détruit la confiance, et produit une énorme cherté sur les matériaux et la main-d'œuvre. On devait des sommes considérables aux Entrepreneurs ; le service n'était plus que précaire, et des inconvéniens en résultèrent bientôt : les Fournisseurs et les ouvriers, mal payés, se sauvaient sur le prix et la légèreté de l'ouvrage; enfin, le désordre régnait au plus haut point dans cette Administration.

Telle était, en 1726, la situation des Ponts et Chaussées, lorsque le frère du cardinal Dubois entreprit de les liquider, et s'efforça de réprimer tous les abus qui s'y étaient introduits. Il parvint à cette liquidation par l'économie, ressource la plus efficace que puisse mettre en œuvre l'esprit humain, en de semblables operations l'exactitude à satisfaire au courant, procura une diminution sensible sur les prix, et tout en travaillant à cette liquidation, on ne laissait pas de fonder la théorie et la pratique du travail sur les meilleurs principes. On formait une Ecole d'élèves d'Architecture, d'où l'on tira un nombre suffisant de Chefs et de sous-ordres, pour la conduite des ateliers. Il est déjà facile de reconnaître, dans ce court apperçu, que les plus belles institutions doivent leurs succès à de faibles commencemens, et que les progrès les progrès en sont toujours rapides quand leurs principes, loin d'être destructeurs de l'humanité, ne peuvent aboutir qu'à la rendre plus riche et plus heureuse.

Le Département des Ponts et Chaussées fut réuni aux finances en 1735; mais comme les usages et l'ordre de l'Administration ne changèrent point, non plus que les membres qui la dirigeaient, on ne saurait faire de cet évènement une nouvelle époque; on avait entrepris depuis 1723, date de cette nouvelle institution, des travaux qui se continuaient heureusement, et qui sont tout à-la-fois aujourd'hui solides et magnifiques. Ce sont des témoignages que l'on doit au mérite des inventeurs, dont la mémoire ne doit point s'effacer de l'esprit des hommes, et moins encore de celui d'un Gouvernement juste, qui les récompense par tout ce qu'il y a de plus propre à exciter l'émulation.

Nous arrivons enfin à la dernière époque, la plus brillante, et dont l'éclat et le mérite se sont depuis constamment soutenus; c'est celle où l'Administration des Ponts et Chaussées fut confiée, en 1747, aux soins des célèbres Trudaine et Perronet; alors les sciences et les arts prirent, dans cette école, un nouvel essor; on s'y livra à des travaux immenses, et ce Corps d'Ingénieurs qui avait pris naissance sous de fragiles auspices, s'accrut rapidement à l'aide des lumières qu'il avait acquises. Mais c'est sur-tout de nos jours que cette Administration réunit tout ce qu'il faut pour réussir l'instruction y est ouverte à tous les aspirans qui ont des attestations de bonne conduite. L'examen et le discernement y assurent la préférence au plus digne. La probité y est regardée comme la première vertu ; le savoir y est exigé comme la seconde ; et il faut que l'amour du travail les étaye toutes deux. Il y a peu de Corps où la subordination soit plus sagement distribuée par la distinction des grades et des

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fonctions; il y en a peu où la discipline soit mieux gardée on conçoit qu'en partant de si bons principes, on ne pouvait manquer de pousser très-loin la perfection des Ponts et Chaussées, que de nos jours on a déjà portée à un point auquel aucun empire n'est jamais parvenu en si peu de tems. C'est sous les auspices et les soins paternels des citoyens Prony, Directeur, et Lesage, Inspecteur, que l'Ecole des Ponts et Chaussées marche continuellement vers le but de son

institution.

Nous souhaitons que cet ouvrage puisse offrir quelques vues sages, et nos efforts personnels, à cet égard, sont déjà secondés de l'empressement d'un grand nombre d'Ingénieurs des Départemens, qui se proposent de nous communiquer les résultats de leurs méditations et de leurs travaux. Nous avons également cherché à intéresser, au succès de notre entreprise, les avis des Architectes, Entrepreneurs et Constructeurs en général; leur expérience acquise par de longs et pénibles travaux, doit être d'une autorité irrévocable: on en trouvera des preuves dans un de nos prochains cahiers, où nous donnerons une notice historique des progrès de l'Architecture; c'est en remontant à l'origine des arts, que l'on peut se faire de justes idées du degré de perfection qu'ils ont acquis. Nous nous attacherons aussi, avec scrupule, aux ouvertures salutaires des Cultivateurs et d s Directeurs de manufactures; cette classe honorable de citoyens est la plus à portée d'indiquer les moyens économiques, qui sont la bàse essentielle de toute entreprise. Enfin, nous n'aurions pu choisir un moment plus favorable pour publier les moyens d'amélioration, proposés par l'administration des Ponts et Chaussées, et exécutés par tous les citoyens des professions honorables dont nous venons de parler la construction de plusieurs ponts du premier et du second ordre, les deux extrémités de la République unies par des communications praticables en tout tems: tels sont les heureux résultats de leurs travaux, qui doivent faire l'admiration de la postérité.

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Puisse notre ouvrage devenir un nouveau moyen d'émulation, offert à tous les Ingénieurs, Architectes, Entrepreneurs et Constructeurs, qui chacun en particulier, diront un jour avec Horace : Exegi monumentum ære perennius.

RECUEIL

POLYTECHNIQUE

rapportant l'ancienne organisation de cette Administration, nous avons

pensé faire plaisir à nos lecteurs :

En 1724, les Ponts et Chaussées faisaient partie de l'administration des bâti-
mens du roi, ne formant qu'un seul et même bureau administré par un Sur-
Intendant, et trois Intendans ordonnateurs, ayant sous eux plusieurs Archi-
tectes, Inspecteurs et Contrôleurs des bâtimens du roi, etc.

Et il y avait particulièrement pour les Ponts et Chaussées deux Trésoriers

généraux, un Inspecteur général, un Ier. Ingénieur (M. Gabriel), et trois

Inspecteurs.

En 1728, il y eut de plus deux Inspecteurs et quatre Commissaires pour la

généralité de Paris. En 1735 l'Administration des Ponts et Chaussées fut com-

posée d'un Directeur général, de deux Trésoriers généraux, d'un Inspecteur

général, d'un Ier. Ingénieur, quatre Inspecteurs et trois Commissaires du

Conseil.

Elle a été composée depuis, savoir: en 1750, sous le ministre Trudaine et

l'Ingénieur Perronet, d'un Directeur général, un Conseiller d'Etat chargé des
détails de cette partie; d'un Ier. Ingénieur de France, Architecte du Roi; un Ier.
Commis des finances; cinq Inspecteurs, dont l'un était Perronet, directeur du
bureau des Plans et des élèves; trois Trésoriers généraux ; quatre Contrôleurs
généraux ; trois Commissaires du Conseil ; et enfin plusieurs autres Officiers par-
ticulièrement chargés des turcies et levées, et pavé de Paris.

En l'an 7e. de la République française, cette partie fut réunie à la 3e. divi-
sion du Ministre de l'Intérieur, et le Directoire avait réduit son administration
à un Chef de bureau, et neuf Inspecteurs généraux.

Depuis la constitution de l'an 8, sous le consulat de Bonaparte, d'après la

nouvelle organisation de l'Etat, les bureaux de cette administration ont été com-

posés suivant le tableau qui suit :

B

TABLEAU GÉNÉRAL

Des Bureaux de l'Administration des Ponts et Chaussées de France, an XI de la République française.

C. CHAPTAL, MINISTRE DE L'INTÉRIEUR.

C. CRETET, Conseiller d'Etat, rue de Grenelle, faubourg St.-Germain, n°. 370.

G. COURTIN, Secrétaire en chef.

PREMIERE DIVISION. C. CADET-CHAMBINE fils, Chef.

1er. Bureau. C. BOUDET, Chef; Nord et Midi. 2me. Bureau. C. CAIROLE, Chef; Nord et Ouest. 3me. Bureau. C. CHEVALIER, Chef; Est et Midi. C. ARNAUD, Chef

des travaux de canaux, navigation des riC. POTERLET, le je., sous-Chef ritimes de commerce. vières, usines, moulins et quais, ports ma

C. VIAL, Chef des Inspecteurs généraux, des Ingénieurs et de l'Ecole des Ponts et Chaussées.

C. MOROY, Chef S de la comptabilité de la dépense des Ponts et Chaus-
C. POTERLET aîné, Chef sées et de la navigation intérieure.
DEUXIEME DIVISION. C. BAUNIER, Chef.

1er. Bureau. C. LAGALISSERIE, Chef; taxe de navigation intérieure, fleuves, rivières et canaux, personnel de la régie, fermes, contentieux; taxe des ports, affermage des bacs et bateaux de passage.

2me. Bureau. C. RAVINET, Chef; taxe et entretien des routes, emplacement des barrières, règlemens locaux, franchises et modérations, fermes, contentieux et liquidation des années 6, 7, 8 et 9.

3me. Bureau. C. BADENIER, Chef; comptabilité de la recette des taxes, des routes et de la navigation intérieure.

4me. Bureau. C. DABADIE, Chef; tenue des livres en parties doubles, pour recettes et dépenses, et pour l'arriéré.

5me. Bureau. C. LEMOINE, Chef; approvisionnement, en combustibles, pour la ville de Paris et navigation relative.

C. MAGIN, Commissaire général, rue Notre-Dame-des-Champs.

MEMBRES DU CONSEIL DES PONTS ET CHAUSSÉES.

C. CADET-CHAMBINE père, rue de Grenelle, vis-à-vis la fontaine.

C. CESSART, rue St.-Honoré, vis-à-vis celle St.-Florentin.

C. GARDEUR-LEERUN, rue Poissonnière, vis-à-vis la petite rue St.-Roch. C. GAUTHEY rue de Vaugirard, vis-à-vis les ci-dev. Carmes.

C. BESNARD, rue des Sts.-Pères, faubourg St.-Germain, no. 140.

C. LE FEBURE, faubourg St.-Honoré, n°. 36.

C. LAMANDE, rue de Belle-Chasse, n°. 221.

C. ROLLAND, rue Neuve du Luxembourg, no. 157.

C. LECREULX, rue St.-Honoré.

C. BECQUET - BEAUPRÉ, Ingénieur en chef, secrétaire de l'assemblée et du conseil, et directeur du Dépôt des Plans, rue de Savoie. (Ce dernier vient de remplacer le C. Dumoustier, Ingénieur en chef du département de la Seine).

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