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ENCYCLOPÉDIE

POÉTIQUE,

OU

CHOIX DE POÉSIES

DANS TOUS LES GENRES;

PAR UNE SOCIÉTÉ DE GENS DE LETTRES,

OUVRAGE MIS EN ORDRE ET PUBLIÉ

PAR P. CAPELLE.

DISCOURS, PORTRAITS OU CARACTÈRES,
PENSÉES OU MAXIMES.

PARIS,

FERRA, LIBRAIRE, rue des G.ds-Augustins, N.o 23,

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Stechert 2-19-37

DISCOURS

25694

TRADUITS

DES TROIS TRAGIQUES GRECS.

ELECTREportant des libations et des offrandes au tombeau d'Agamemnon, et suivie d'un chœur de femmes esclaves, chargées aussi de vases et de présens.

Vous, qu'en mon infortune il m'est permis de voir, Esclaves, qui m'aidez dans ce triste devoir,

Quels vœux puis-je former sur le tombeau d'un père?
En épanchant les eaux du vase funéraire,

Dirai-je : « Agamemnon, c'est ton épouse en pleurs
» Qui t'offre, par mes mains, les dons de ses douleurs ;
» Aux mânes d'un époux elle offre cet hommage ? »
Non, je ne l'ose pas: hélas! et quel langage,
Quelle prière encore, et quel souhait pieux
Conviennent à sa fille en ces funèbres lieux?
Parlez qu'en ce moment vos avis m'encouragent.
Ah! sur les meurtriers dont les présens l'outragent,

Si ma voix, appelant sa vengeance et ses coups,

De ses mânes trahis attestait le courroux !

Si mon cœur en croyait ce transport qui l'anime!....
Enfin, puisque je viens pour expier un crime,
Dois-je jeter au loin ces vases odieux,

Et fuir avec horreur en détournant les yeux?
J'implore vos conseils ; je les suivrai sans peine.
Vous partagez ici mes malheurs et ma chaîne :
Ne craignez rien; songez que, sous les lois du sort,
L'esclave et le tyran sont égaux dans la mort.

Eh bien donc, ô Mercure! ô dieu des sombres bords!
Toi dont le caducée est redouté des morts!
Va présenter mes vœux à ces dieux inflexibles,
Dont mon père aujourd'hui subit les lois terribles,
A la terre par qui tout naît et se détruit,

Qui rappelle en son sein tout ce qu'elle a produit.
O mon père! reçois cette liqueur sacrée.

Je t'appelle, ô grande ombre en mon cœur adorée !
Jette un œil de pitié sur tes tristes enfans;
Fais que dans ton palais ils rentrent triomphans.`
Maintenant poursuivis, trahis par une mère,
Ils ne peuvent trouver d'asile sur la terre.
On a souillé ton lit; et ton épouse, ô ciel !
Y reçoit dans ses bras ton assassin cruel.
Oreste est fugitif, et moi je suis esclave ;
Et ce lâche oppresseur, Egisthe qui nous brave,

Qui s'assied sur ton trône et rit de nos soupirs,
Livrant aux voluptés ses coupables loisirs,
Riche de tes trésors, tranquille sur sa proie,
Dévore insolemment les dépouilles de Troie.

Mon père, entends ma voix ; fais qu'Electre à jamais
Eloigne de son cœur l'exemple des forfaits;
Des destins ennemis supporte les injures,
Et conserve des mains innocentes et pures.
Tels sont mes vœux pour moi, pour ton malheureux fils.
Exauce d'autres vœux contre tes ennemis.
Parais, élève-toi de ta tombe insultée;
Parais; qu'à ton aspect leur âme épouvantée
Ressente cet effroi précurseur du trépas;
Lance sur eux ces traits que l'on n'évite pas,
Que prépare et conduit Némésis indignée.

Viens, donne-leur la mort comme ils te l'ont donnée. faites entendre autour de ce cercueil

Et vous,

Les chants de la tristesse et les hymnes du deuil.

LA HARPE. Traduit d'Eschyle. ( Les Coëphores, acte II, scène Ire).

ELECTRE à CHRYSOSTHÉMIS, sa sœur, portant les présens de Clytemnestre au tombeau d'Agamemnon.

AH! ma sœur, loin de vous ce ministère impie; Loin, loin de ce tombeau ces dons d'une ennemie!

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