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La loi du 15 août de la même année porte, art. 3, qu'à la peine de confiscation, sera ajoutée celle d'une amende qui, dans tous les cas, même dans celui de l'entrepôt, sera de 500 livres.

La loi du 12 pluviôse an 3 maintient la défense d'exporter les matières servant à la fa brication du papier et de la colle, papier blanc et gris, cartons et groisil.

Ce sont les juges de paix qui connaissent des contraventions à ces lois, sauf l'appel aux tribunaux d'arrondissement.

V. Douanes, et mon Recueil de Questions de droit, au mot Douanes, §. 6. ]]

* CHIRURGIEN. La Chirurgie est une branche de médecine pratique, qui, suivant l'étymologie grecque du mot, consiste dans l'art de guérir avec le secours de la main. Le Chirurgien est celui qui possède cet art, et qui en fait profession.

[[ Pour traiter cette matière sous les rapports qu'elle a maintenant avec la jurisprudence, nous parlerons,

1o. Des actions que les lois donnent aux Chirurgiens contre ceux qu'ils ont panses; des priviléges dont ils jouissent dans l'exercice de ces actions, et des libéralités qu'ils peuvent ou ne peuvent pas recevoir;

2o. Des obligations que contractent envers le public, ceux qui s'adonnent à la Chirurgie, et des fautes dont ils sont responsables;

3o. Nous finirons par quelques observations sur ceux qui s'immiscent dans l'exercice de cet art, sans titre ni capacité.

S. I. Des actions des Chirurgiens, de leurs priviléges, et de leur capacité ou incapacité de recevoir des donations. ]]

I. Les Chirurgiens ont le même privilége que les médecins et les apothicaires, sur le mobilier de ceux qu'ils ont traités.

[C'est ce qui a été jugé par arrêt du 8 février 1596. Les nommés Colot, Chirurgiens, demandaient paiement d'une somme de 500 écus qu'un sieur d'O leur avait promis pendant sa dernière maladie, pour les soins qu'ils lui avaient donnés, et les pansemens qu'ils lui avaient faits. La succession étant en déconfiture, il fut question de savoir qui, d'eux ou de la veuve, créancière de ses conventions matrimoniales, devait être colloqué au premier rang. L'arrêt jugea en leur faveur, en réduisant, néanmoins, à la somme de trois cents livres, la promesse que le défunt leur avait faite. (Louet, lettre C, S. 29.)

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Mais, si le débiteur était vivant, ou qu'il s'agit de pansemens faits pendant une maladie antérieure à celle dont il serait mort, le Chirurgien n'aurait aucune préférence. C'est ce qui a été jugé par arrêt du 30 mars 1638, confirmatif d'une sentence rendue au bailliage de Troyes, le 24 septembre 1636, entre le sieur Fauveau, conseiller en ce siége, et le sieur Millet, Chirurgien en la même ville. (Brodeau sur Louet, à l'endroit cité. )]

[[Le Code civil, art. 2101, no 3, et 2105, veut que les frais quelconques de la dernière maladie soient (concurremment entre ceux à qui ils sont dus, ce qui comprend les médecins, les Chirurgiens, les apothicaires et les gardes), colloques par privilege sur les meubles et les immeubles, après les frais de justice et les frais funéraires. ]]

Au reste, il faut que les Chirurgiens forment leur action dans l'année, à compter du dernier traitement de la maladie. Ils doivent tenir un registre exact, jour par jour, de leurs opérations, de leurs pansemens et de leurs médicamens. L'extrait de ce registre, qu'on appelle mémoire de Chirurgien, n'est point sujet au controle, pour être signifié. Pendant l'année, ils en sont crus à leur mémoire; ce temps passé, ils sont obligés de s'en rapporter au serment du défendeur, sur le paiement que celui-ci prétend qu'ils ont reçu.

[Cela résulte d'un arrêt du parlement de Bordeaux, que la Peyrère, au mot Prescription, nous retrace en ces termes : « La pres»cription, pour le paiement des marchan» dises vendues en détail, est annale. Il en a » été jugé de même contre les Chirurgiens » qui n'ont pas fait demande, dans l'an, des pan>> semens et médicamens, par arrêt du 4 mars » 1697, rendu au rapport de M. de Constan» tin, entre la veuve de Chety, maître Chi>>rurgien, et la dame de la Salle du Girou. » Cet arrêt est fondé sur l'ordonnance de » Louis XII, de 1510, art. 68; sur la coutume » de Paris, art. 125 et 126, et sur l'ordon»nance de 1673, tit. 1, art. 7, 11 ».

Il paraît, par un arrêt du 25 novembre 1675, inséré dans le recueil de Boniface, tome 4, liv. 9, tit. 1, ch. 4, que, dans le ressort du parlement de Provence, la prescription s'acquiert par le seul espace de six mois, et cela, parceque l'on applique aux Chirurgiens l'art. 8 du tit. 1er de l'ordonnance de 1673, qui porte : « L'action sera intentée » dans six mois, pour marchandises et den-> »rées vendues en détail, par boulangers, "pâtissiers, bouchers, rótisseurs, cuisiniers,

» couturiers, passementiers, sèlliers, bour» reliers, et autres semblables ».

Dans les Pays-Bas, le terme de la prescription n'est pas aussi court: le placard de Charles-Quint, du 8 octobre 1540, le fixe à deux ans, pour tous salaires de médecins, Chirurgiens, apothicaires.... ]

[[L'art. 2270 et l'art. 2274 du Code civil déclarent l'action des Chirurgiens prescrite par une année, encore qu'il y ait eu continuation de services et travaux. ]]

II. Lorsque les mémoires qu'ils produisent sont exorbitans, on peut faire des offres sur ce que l'on croit leur être dû légitimement, et demander que ces mémoires soient taxes par un ancien Chirurgien. Cette taxe doit se faire sommairement. Elle se met au bas du mémoire, et le juge prononce en conséquence.

Le sieur P...., maître en Chirurgie à Paris, ayant présenté un mémoire de cinq mille cinq cents livres à la dame de Châteauvillars, légataire universelle du sieur de Launai, pour en être payé sur le montant de la succession, à raison des traitemens et des pansemens qu'il disait avoir faits au défunt, pendant deux ans; ce mémoire a été trouvé excessif par les juges du châtelet, qui l'ont réduit à dix-huit cents livres. Le Chirurgien ayant appelé de leur sentence au parlement, cette voie, bien loin de lui réussir, a donné lieu à une nouvelle modération; de sorte que la dame de Châteauvillars, par arrêt du 5'août 1766, n'a été condamnée à lui payer qu'une somme de douze cents livres, dépens compensés.

à une contestation au châtelet, sur laquelle on ordonna que la femme serait visitée. Le rapport du Chirurgien commis pour la visite, fut que la femme était parfaitement guérie. Le mari observa alors que le traitement avait été bien prompt, qu'on n'avait pas employé beaucoup de médicamens, et qu'on avait fait peu de visites à la malade.

conde sentence, par laquelle il fut dit Sur cette observation, il intervint une seque le Chirurgien fournirait un mémoire détaillé des drogues qu'il avait employées, et des visites qu'il avait faites. Cette sentence a été confirmée au parlement, le 5 septembre 1776.

III. Quand le mobilier du défunt ne suffit pas pour tous les frais de maladie, les médecins, les Chirurgiens, les apothicaires n'ont point de préférence entre eux ; ils partagent au proratá de leur dû. [[ On a déjà vu que telle est la disposition expresse du Code civil. V. privilége de créance. ]]

[ IV. A l'égard des libéralités que les Chirurgiens peuvent recevoir de leurs malades, il est un principe connu de tout le monde, qui semble devoir en faire prononcer indistinctement la nullité.

L'essence de toute donation est qu'elle soit l'effet de la volonté seule de la personne qui donne, et non d'un empire étranger: donatio est liberalitas nullo jure cogente facta.

Il suit de cette vérité, que quiconque a, par son état ou par ses fonctions, sur la personne qui dépend de lui, une domination telle que cette personne ne puisse lui rien refuser, est, par cette seule circonstance, incapable d'en rien recevoir.

L'art. 131 de l'ordonnance de François Ier,

Lorsqu'il se présente des contestations de cette espèce, autant les juges doivent répri- de 1539, déclare «< toute disposition entre

mer la cupidité, autant ils doivent craindre de favoriser l'ingratitude ordinaire des malades; et le Chirurgien mérite un degré de faveur, lorsque ses soins et ses talens ont

réussi.

Voici un préjugé qui prouve aussi qu'il n'est point permis aux Chirurgiens de faire de convention avec leurs malades, pour les traitemens qui leur sont confiés.

Un Chirurgien de Chaillot fut appelé pour panser d'une maladie la femme d'un menuisier. Le Chirurgien, avant d'entreprendre aucun traitement, exigea un billet de trois cents livres; quand il fut muni de ce billet, la guérison ne tarda pas à s'effectuer; il ne tarda pas non plus à demander le paiement des trois cents livres. Le menuisier, qui ne pouvait croire que sa femme fût aussi promptement guérie, refusa le paiement. Ceci donna lieu

>> vifs ou testamentaire, faite au profit des » tuteurs, curateurs, gardiens, baillistes et » autres administrateurs, nulle et de nul >> effet et valeur ». Cette disposition est aussi consignée dans l'art. 276 de la coutume de Paris.

Les lois particulières des Pays-Bas ont adopté la même prohibition. L'art. 14 de l'é-, dit perpétuel de 1611 y est exprès.

Quoique ces lois ne parlent pas nommément des médecins et Chirurgiens, on n'a jamais douté qu'ils ne fussent compris sous la dénomination générale d'administrateurs.

L'ascendant qu'ils acquièrent sur l'esprit des malades, est même plus fort, plus nécessaire et plus commun, que n'est toute autre espèce d'empire. A qui sera-t-on plus soumis, qu'à celui dont les soins, l'attention et les ressources semblent devoir prolonger la vie? L'autorité de cet état est sans bornes :

il commande à ceux même qui ne connaissent point d'égaux: imperatoribus una medecina imperat.

Un homme de cet état n'a pas même besoin d'employer la suggestion; un simple désir de sa part devient un ordre souverain: la persua sion est attachée à tout ce qu'il dit; il captive la volonté avec d'autant plus de succès, que le malade ne croit pas qu'il soit permis de résister: persuadere plus est quàm cogi sibi parere. L'empire attaché à ses fonctions sur la faiblesse du malade, fait vouloir à celui-ci tout ce que l'homme de l'art, dont il espère sa guérison, veut exiger: rapuit me nolen. tem, et fecit ut vellem.

« Nous comprenons aussi (dit Ricard), sous la prohibition de l'ordonnance, les médecins, Chirurgiens et apothicaires, à cause du genre de pouvoir qu'ils ont sur l'esprit de ceux qu'ils traitent ; et leur autorité est d'autant plus à craindre, que la faiblesse des malades est ordinairement extrême, lorsqu'ils ont besoin de leurs secours; de sorte qu'il n'y a rien qu'ils ne puissent exiger, dans l'espérance qu'ils leur donnent de les guérir.

» L'inconvénient auquel on a voulu remédier (ajoute Ricard), n'est pas seulement de conséquence, par la considération de ce que l'objet d'un grand danger, d'un côté, et l'espérance de la douceur de la vie, de l'autre, peut naturellement émouvoir ses passions, pour nous porter à suivre la volonté de celui que nous nous sommes figuré être capable de nous satisfaire en ce que nous souhaitons le plus, mais encore en ce que les médecins nous persuadent eux-mêmes que l'effet de leur art est si puissant, qu'ils peuvent, dans la pratique, gouverner l'esprit comme le corps, lui donner les qualités contraires à celles qu'il a, et émouvoir ou apaiser ses passions à leur volonté; de sorte que l'obscurité de leur art se rencontrant avec la facilité de ceux qu'ils traitent, ce n'est pas sans raison, que pour ne leur pas laisser un plus grand sujet d'en abuser, on ne leur permet pas de recevoir des dispositions de la part des malades qu'ils pansent ».

Toutes les fois que le ministère public a eu occasion de traiter cette question, il a toujours soutenu que les médecins et Chirurgiens devaient être compris sous le terme général d'administrateurs, et conséquemment frappés de l'incapacité prononcée par l'ordonnance et la coutume.

Le célèbre d'Aguesseau, depuis chancelier de France, s'exprimait en ces termes, lors de l'arrêt du 19 février 1691:«< La loi voulant » que les donations et les testamens fussent

>> l'ouvrage d'une volonté libre et entière, » n'a pas cru que la libéralité d'un pupille » envers ses administrateurs, pût porter avec » elle les caractères d'une parfaite liberté » qu'elle demande dans tous les actes qui ten» dent à dépouiller des héritiers. C'est parce» que la raison de l'ordonnance est générale, » qu'elle comprend également tous ceux qui » peuvent avoir quelqu'empire sur l'esprit » des donateurs. Vos arrêts en ont étendu la > disposition aux maîtres, aux médecins, >> aux confesseurs. Ces principes ne sont ni » douteux, ni incertains, ni arbitraires; ils » sont écrits dans les ordonnances, dans les » coutumes et dans vos arrêts ».

»res,

M. Joly de Fleury, depuis procureur gé néral, développa ces verites avec la plus grande étendue, lors de l'arrêt du 22 juin 1700, recueilli par Augeard. Après avoir rapporté les textes, cité les lois romaines, et distingué les différens genres d'administration, ce magistrat continuait en ces termes : << Dans la prohibition de l'ordonnance, sont » aussi compris les maîtres qui ne peuvent » recevoir de donations de leurs apprentis; » les couvens, qui ne peuvent recevoir de » leurs novices; enfin les confesseurs, les » médecins, les Chirurgiens et les apothicaià l'égard des donations qui leur sont » faites par leurs malades. Dans tous ces cas, » les avantages sont censés faits à des person» nes prohibées. La relation nécessaire qui se » trouve entre ces sortes d'administrateurs et » ceux qui sont sous leur dépendance, fait » présumer qu'il y a eu de la séduction d'un » côté, et de la contrainte de l'autre........ » Le danger qu'il y a que des médecins, Chi»rurgiens ou apothicaires n'abusent de la » confiance de leurs malades, souvent affai» blis par de longues douleurs, et toujours » prêts à sacrifier tout à l'espérance d'une » prompte guérison, tous ces motifs pressans » d'ordre public, rendent ces donations inu» tiles, comme étant l'effet de l'artifice de » ceux qui les extorquent ». Tel est le point de vue, le seul juste, sous lequel la jurisprudence a envisagé la prohibition prononcée par les ordonnances et la coutume, contre quiconque a profité de la supériorité que lui donne son état, pour acquérir des droits excessifs sur la fortune des personnes confiées à ses soins.

Le vœu général de nos coutumes est de conserver les biens dans les familles; et le premier caractère de toute libéralité est d'avoir la liberté pour base: donc toute donation qui n'est pas censée l'ouvrage d'une volonté parfaitement libre, doit être proscrite.

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. Cependant la jurisprudence, en admettant la présomption tirée de l'empire et de l'espèce d'administration attachés à l'état de Chirurgien sur ses malades, n'a pas entendu rompre tous les autres genres de liaisons qui peuvent exister entr'eux. Ainsi, un Chirurgien sera le parent, l'héritier, l'ami intime et ancien de son malade, il lui aura rendu des services d'une autre espèce que ce dernier voudra reconnaître; alors, comme il y a un motif connu et indépendant des fonctions de son état, l'incapacité légale cessera.

Voilà le principe dans toute sa pureté ; et, comme l'on voit, les circonstances peuvent le modifier, sans que, pour cela, il perde de sa force.

Il n'y a peut-être pas d'arrêt rendu pour ou contre les Chirurgiens, qui ne soit calque sur ce principe ainsi modifié.

Le sieur de Casanave, prêtre, avait fait, pendant sa dernière maladie, un legs à Arnaud de Gareste, son Chirurgien, et un autre à Gabriel de Gareste, fils de celui-ci. Arnaud et Pierre de Casanave, neveux et héritiers du testateur, demandèrent la nullité de ces deux dispositions; et elle fut prononcée par arrêt du parlement de Bordeaux, du 2 juillet 1609, rapporté dans le recueil de Maynard, liv. 9, chap. 12.

Le parlement de Paris, par arrêt du 1er mars 1646, a pareillement annullé un legs fait par une femme malade au profit de son Chirurgien. On alléguait pour celui-ci un arrêt qui avait confirmé une disposition faite en faveur du sieur Halin, médecin. Mais M. l'avocat général fit voir que cet arrêt ne devait pas être tiré à conséquence, parcequ'il était fondé sur le mérite particulier du médecin, qui exerçait son art fort honorablement, sans en demander aucune rétribution. (Ricard, des donations, part. 1, n° 299.)

Le 31 août 1665, la même cour confirma le legs de 25,000 livres fait par le sieur Pilet de la Mesnardière, au sieur Lirot, Chirurgien, qui l'avait saigné douze fois pendant sa dernière maladie, celui de ses bijoux à sa femme, et encore celui de sa bibliothèque à son fils, parcequ'il paraissait que, depuis long-temps, il y avait eu une amitié trèsétroite entre le Chirurgien et le défunt. L'arrêt contient le plaidoyer de M. l'avocat général Talon, qui portait la parole dans cette affaire. Voici comment s'est expliqué ce grand magistrat : « Il s'agit de la validité du testa»ment et codicille du sieur de la Mesnar» dière....................... Ils sont contestés par les héri» tiers collatéraux du défunt, à cause de » l'incapacité de Lirot........... Les ordonnan

» ces et arrêts ont perpétuellement réprouvé » les donations faites aux médecins, Chirur»giens et apothicaires: de plus Lirot était » hôte du défunt: ces deux qualités l'avaient » réduit en sa dépendance, et en état de ne » pouvoir lui refuser aucune chose; en sorte » qu'il lui aurait été facile de suggérer au dé>> funt le testament et codicille dont est ques» tion; et après sa mort, ayant tous ses effets » en sa disposition, d'en divertir la meilleure » partie. Ces moyens nous paraissent peu con» sidérables: les médecins, Chirurgiens et » apothicaires n'ayant jamais été jugés par » les arrêts incapables d'accepter les legs » lorsqu'il s'est rencontré d'autres causes que » leur art seul, qui les pouvait avoir mérités, » comme en l'espèce qui se présente, où il » est constant et justifié que le défunt et Lirot » ont vécu ensemble pendant plusieurs années >> avec une civilité et une confiance toute en» tière. La qualité d'hôte, loin de faire pré» judice à Lirot, rend au contraire la dona» tion plus favorable et la justifie. Encore que » ce ne soit pas le lieu d'examiner présente»ment ce qui peut résulter de l'enquête d'exa>> men à futur......, néanmoins, nous n'avons >> pas laissé de la voir et la preuve de la sug» gestion se trouve fort légère: le testateur a » survécu près de deux mois après le testa» ment, et il l'a confirmé et expliqué par son » codicille..... ».

Le recueil de Soefve, tome 2, cent. 4, chap. 11, nous offre un autre arrêt du 14 mars 1668, qui confirme « un testament fait >> par un médecin au profit de son Chirur» gien, duquel il se servait depuis vingt à » vingt-cinq ans.................. Ce qu'il y avait de par>> ticulier en la cause, et qui peut avoir servi » de fondement à l'arrêt, était que le testa»teur n'était pas décédé de la maladie dans » laquelle il avait fait le testament, mais » avait vécu depuis pendant deux ou trois » ans sans le révoquer, comme on prétendait » qu'il aurait fait, si cette disposition eût été » l'effet de quelqu'impression faite par le Chi»rurgien sur son esprit ».

Cet arrêt et le précédent sont, comme on voit, dans le cas de l'exception. Celui dont il nous reste à rendre compte, rentre dans la thèse générale.

La dame de Gay de Ramecourt, veuve du sieur de Servins des Avènes, gentilhomme d'une noblesse fort ancienne en Artois, fut, à l'âge de cinquante ans, attaquée d'un cancer. Les gens de l'art les plus habiles et de la province et de la capitale, furent consultés sur la nature de ce mal. Le célèbre Louis décida qu'il tenait à un vice du sang qu'il fallait

guérir, et que l'opération ne produirait aucun effet.

Le régiment de Condé était alors en garnison à Arras; le sieur Raymondon, attaché à la suite de ce corps en qualité de Chirurgien, fut vanté par plusieurs officiers de ce régiment, qui étaient reçus chez la dame de Servins. Elle le fit appeler; le sieur Raymondon la flatta d'une guérison absolue, si elle se faisait opérer. La dame de Servins s'y détermina; il lui fit l'opération avec un succès apparent. La plaie se cicatrisa; mais le vice interne subsistait. Le sieur Raymondon ne sut pas le déraciner; peut-être n'était-il pas possible d'y parvenir. La dame de Servins n'eut, depuis cette dernière opération, qu'une santé languissante et mauvaise; toujours obligée de faire des remèdes et de suivre un traitement, son Chirurgien lui devint de jour en jour plus intéressant, plus nécessaire..

Le sieur Raymondon profita rapidement de ces circonstances. Le 12 avril 1777, il fut passé, entre lui et la dame de Servins, un contrat de mariage, par lequel il se faisait donner la propriété de tous les meubles et effets mobiliers de celle-ci, avec une pension viagère de 2,000 livres, à prendre sur ses autres biens.

Les parens collatéraux de la dame de Servins formerent opposition au mariage; et, assignés par elle en main-levée, ils demanderent qu'elle fût interdite.

Pendant le procès, au moment où la dame de Servins était sans espérance, et frappée d'un coup qui la conduisit, six jours après, au tombeau, elle fit au Chirurgien Raymon

don une donation entre-vifs d'une rente viagère de 3,000 livres, et cela (portait l'acte) pour s'acquitter envers lui de toutes les obligations qu'elle lui avait, et le dédommager des dépenses qu'il avait faites pour l'établis sement qu'ils avaient l'un et l'autre en vue.

Cet acte fut passé le 22 juillet 1777. Le 24 du même mois, il intervint, au conseil d'Artois, une sentence qui prononçait la mainlevée de l'opposition au mariage, et cependant ordonnait que le contrat ne pourrait être fait que de l'avis de Me Cornuel, avocat, nommé pour conseil à la dame de Servins.

La dame de Servins mourut le 28. Les sieurs d'Anbrine, ses neveux, lui succédé

rent.

Le sieur Raymondon voulut faire valoir contre eux la donation; et, le 18 décembre de la même année, il les fit assigner en paiement de la rente viagère de 3,000 livres.

Il fut rendu une première sentence, le 9 janvier 1778, à l'échevinage d'Arras, qui orTOME IV.

donna l'exécution de l'acte du 22 juillet précédent.

Appel au conseil provincial d'Artois. Un jugement du 18 mars 1780, parties ouïes pendant neuf audiences, ensemble le substitut de l'avocat général du roi, a confirmé la sentence de l'échevinage, et néanmoins réduit la donation dont il s'agit à 1500 livres de rente viagère.

Cette réduction arbitraire passait visiblement les bornes de l'autorité des premiers juges. L'acte était-il nul ou valable? Dans le premier cas, il fallait l'anéantir; et dans le second, l'exécuter. On ne devait pas diviser un tel titre et le restreindre arbitrairement à la moitié de sa valeur. Aussi les deux parties ont appelé de la sentence.

Le défenseur des héritiers employait deux moyens : l'un, que la donation était nulle en soi, comme faite dans la dernière maladie, dix jours avant le décès, et en vue de la mort, quoique faussement qualifiée entre-vifs; l'autre, que le sieur Raymondon, en qualité de Chirurgien, n'avait pu recevoir cette dona

tion.

Le premier de ces moyens était dénué de tout fondement. La coutume d'Artois ne répute pas donations à cause de mort, celles qui sont faites pendant la dernière maladie; et le droit commun les fait valoir comme donations entre-vifs, lorsqu'elles en ont la qualité et le caractère. (V. Donation, s. 1, §. 2. )

héritiers avaient encore l'avantage de pouMais le second moyen était décisif, et les voir l'appuyer par toutes les circonstances qui prouvaient la suggestion.

Par arrêt du 31 décembre 1782, le parlement de Paris a infirmé la sentence du conseil d'Artois, et annullé la donation en totalité.

On peut encore consulter, sur cette matière, les articles Apothicaire et Médecin.] [[Voici ce que porte là-dessus l'art. 909 du

Code civil:

« Les docteurs en médecine ou en chirurgie, les officiers de santé et les pharmaciens qui auront traité une personne pendant la maladie dont elle meurt, ne pourront profiter des dispositions entre-vifs ou testamentaires, qu'elle aurait faites en leur faveur pendant le cours de cette maladie.

» Sont exceptées, 1o les dispositions rémunératoires faites à titre particulier, eu égard aux facultés du disposant et aux services rendus; 2o les dispositions universelles, dans le cas de parenté, jusqu'au quatrième degré inclusivement, pourvu toutefois que le décédé

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