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M. le ministre, de celles enfin de l'honorable M. Germain, que, dans la situation actuelle, toutes les lignes secondaires, qu'elles soient construites par les grandes ou les petites compagnies, ne peuvent donner plus de 2 1/2 p. 100 d'intérêt, et que, dans cette situation, il est matériellement impossible de trouver des capitaux pour continuer votre réseau de chemins de fer.

Il y a encore 20 à 30,000 kilomètres de chemins de fer à construire (Interruption); on a reconnu que 20,000 kilomètres au moins sont nécessaires pour compléter la vicinalité des chemins de fer. Si on adoptait le système proposé par le Gouvernement, on s'embarquerait dans cette entreprise de la construction de 20,000 kilomètres qui représentent environ 300,000 fr. par kilomètre. (Non! non !)

Permettez! Le projet qui vous est proposé représente une moyenne de 328,000 fr. par kilomètre... (Interruptions.) C'est ce que nous dit le rapporteur dans son rapport, et jusqu'à présent les grandes compagnies on construit à un taux plus élevé. Par conséquent, en prenant comme moyenne 300,000 fr., je suis audessous de la vérité. Cela fait 6 milliards engagés, garantis par l'Etat à raison de 4 fr. 65 p. 100. C'est une affaire d'environ 300 millions par an de garantie d'intérêt, si vous voulez continuer le système qu'on vous propose.

Je dis qu'il y a là un péril immense. Faut-il s'arrêter dans cette voie? je ne le pense pas; mais cela indique la nécessité absolue de revenir à la loi de 1865 et à celle de 1871 et de les interprêter dans leur véritable esprit. Non pas qu'il faille s'en servir de manière à annuler tous les avantages des constructions économiques qui peuvent être faites; non, car, messieurs, il ne faut pas se le dissimuler, le projet qui vous est soumis est une tentative de réaction contre ces deux lois. Cela présente un très-grand danger et vous allez voir pourquoi.

On a vanté très-souvent l'intelligence avec laquelle nos ingénieurs des ponts et chaussées et le ministère des travaux publics ont établi les réseaux de chemins de fer; on a dit qu'en aucun cas, il ne fallait permettre qu'il y eût des lignes concurrentes.

Eh bien, dans le projet qui vous est soumis, lorsque viendra la discussion de l'article 1er, vous pourrez voir que ce système, qui consiste à empêcher de 's'établir des lignes concurrentes, n'a pas été du tout respecté dans la convention qu'on vous propose de ratifier. Ainsi, on vous propose un petit embranchement qui paraît bien modeste, c'est celui de Briare à Nemours ou Filay à Bourron.

Eh bien, par ce simple embranchement qu'on présente sous l'aspect d'une nécessité stratégique, vous allez établir une ligne concurrente qui sera tout à fait désastreuse pour la ligne d'Orléans à Châlons.

Aujourd'hui il y a une ligne d'Orléans à Châlons pour laquelle l'Etat a fourni une subvention de 24 millions; elle n'a qu'un point d'attache sur la ligne d'Orléans, à Orléans. Sur la ligne de l'Est à Châlons, et par un simple raccordement qui partira de Briare à Nemours ou de Filay à Bourron, vous allez enlever à une grande ligne subventionnée par l'Etat tout le transit qui pouvait la faire prospérer. Lè système de concurrence que vous condamnez,

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C'est ainsi que, dans beaucoup de cas, par des moyens divers, on arrive à faire de la réaction aux lois de 1865 et de 1871, et à mettre les compagnies d'intérêt général dans des situations tellement difficiles, qu'un jour ou l'autre elles vont se fondre dans les grandes et se trouveront trop heureuses d'être désintéresrées et d'échapper à la ruine et à la faillite.

Vous devez apporter la plus grande attention à la convention qui vous est soumise. Pour ma part, je refuserai de la voter. Non pas que je veuille détruire les grandes compagnies ni les grands réseaux, comme on me l'a reproché; mais je considère que le vote de la convention qu'on vous propose serait un premier pas dans la voie de la réaction contre les lois de 1865 et de 1871. (Très-bien! trèsbien! à gauche.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Cézanne, rapporteur. Je ne veux pas rentrer dans le fond du débat; je veux seulement donner à l'Assemblée l'assurance que le petit, le très-petit embranchement dont a parlé M. Tolain n'a nullement la portée qu'il lui attribue, et quand viendra la question, à propos des détails de la convention, je me fais fort de le démontrer à l'Assemblée. (Trèsbien! très-bien ! La clôture! la clôture!) M. le président. Je consulte l'Assemblée sur la clôture de la discussion.

(La clôture, mise aux voix, est prononcée.) M. le président. Je consulte l'Assemblée pour savoir si elle entend passer à une 2e délibération.

Il y a sur cette question une demande de scrutin.

Cette demande est signée par MM. de Clercq, comte de Bastard, Paris, amiral de Kerjégu, Victor Hamille, comte de Bryas, Achille Adam (Pas-de-Calais), marquis de Partz, Charreyron, Douay, Rainneville, Audren de Kerdrel, E. Adnet, Monnet, Vidal, Bocher, Adrien Bonnet, Henry Bompard, Charles Wartelle, Delisse-Engrand.

Il va être procédé au scrutin.

(Le scrutin est ouvert et les votes sont recueillis.)

Il est procédé au dépouillement par MM. les secrétaires.

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin :

Nombre des votants.....
Majorité absolue.

Pour l'adoption..
Contre......

550 276

536 14

L'Assemblée a adopté la résolution de passer à une 2e délibération.

M. le vicomte de Meaux, ministre de l'agriculture et du commerce. J'ai l'honneur de déposer sur le bureau de l'Assemblée un projet de loi relatif à des dispositions additionnelles au budget de 1876 et tendant à ouvrir un crédit de 600,000 fr. pour l'exposition de Philadelphie.

M. le président. Le projet sera imprimé,

distribué, et, s'il n'y a pas d'opposition?... (Non! non!) renvoyé à la commission du budget.

M. Warnier (Marne). J'ai l'honneur de déposer sur le bureau de l'Assemblée, au nom de la 32 commission d'intérêt local, un rapport sur le projet de loi tendant à autoriser le département de la Charente-Inférieure :

1. A contracter un emprunt de 1,350,000 fr.; 2o A s'imposer extraordinairement pour les travaux d'un chemin de fer d'intérêt local.

M. le président. Le rapport sera imprimé et distribué.

L'ordre du jour appelle la 1re délibération sur le projet de loi ayant pour objet la concession à la compagnie de Picardie et Flandres, des chemins de fer: 1o De Cambrai à Douai; 2o d'Aubigny-au-Bac à Somain avec embranchement sur Abscon; 3o de Douai à Orchies.

M. Plichon. Messieurs, l'honorable M. Krantz, qui est rapporteur de ce projet de loi, est retenu à la commission des lois constitutionnelles; il vous demande de vouloir bien remettre la discussion.... (Non! non! Si! si !) Comme la question ne parait pas comporter une discussion générale, puisque le principe de la concession n'est pas contesté, je vous proposerai et je suis d'accord en cela avec M. le ministre des travaux publics, de vouloir bien décider immédiatement que vous passerez à une seconde délibération. (Assentiment.)

M. le président. La parole est à M. le ministre des travaux publics.

M. Caillaux, ministre des travaux publics. Je suis d'accord avec l'honorable M. Plichon pour demander à l'Assemblée de vouloir bien décider immédiatement qu'elle passera à une seconde délibération. Je suis d'accord avec la commission en ce qui concerne le principe de la concession des trois chemins de Douai à Cambrai, d'Aubigny-au-Bac à Somain et enfin de Douai à Orchies, et en ce qui concerne le caractère d'intérêt général qu'on doit leur attribuer. Le dissentiment porte seulement sur le choix des concessionnaires et sur les conditions de la concession.

Je ferai connaître à l'Assemblée, lorsque la discussion viendra sur les articles, par quels motifs et sur quels points je diffère avec la commission. Sous cette réserve, je propose à l'Assemblée de décider dès aujourd'hui qu'elle passera à une seconde délibération.

Il y a, d'ailleurs, une autre raison sur laquelle j'appelle l'attention de l'Assemblée, parce qu'elle a une réelle importance.

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Les questions de chemins de fer, si intéressantes qu'elles soient, puisqu'elles se rapportent aux plus sérieux intérêts du pays, sont compliquées, elles le paraissent au moins à beaucoup de nos collègues qui ne s'en sont pas particulièrement occupés, et si, dès à présent, entre la 1re et la 2 lecture du projet relatif à la convention de. Paris-Lyon-Méditerranée, vous entamiez la discussion du projet concernant le chemin de fer du Nord, il en pourrait résulter quelque confusion, à cause de l'enchevêtrement des discussions les unes dans les autres.

Par le procédé qu'a indiqué M. Plichon et

que j'accepte, cette confusion ne sera plus à craindre. En déclarant l'urgence au moment de la seconde délibération sur le projet relatif au chemin de fer de Paris-Lyon-Méditerranée, comme j'ai dessein de le demander et comme j'espère que l'Assemblée voudra bien y consentir, il se trouvera que la discussion sur le projet relatif aux chemins du département du Nord n'arrivera en deuxième lecture qu'après que l'Assemblée aura définitivement statué sur le premier projet.

Je crois que nous avons tous, par ces motifs, avantage à ce que la marche que je viens d'indiquer soit adoptée. (Très-bien! trèsbien ! Aux voix!)

M. Paris (Pas-de-Calais). Au nom des auteurs du contre-projet, je viens me ranger à l'opinion exprimée tout à l'heure par l'honorable M. Plichon et à laquelle adhère M. le ministre.

Je crois que l'Assemblée, en décidant immédiatement qu'elle passera à une seconde délibération, économisera du temps. La discussion n'est pas complexe, malgré sa gravité: elle portera uniquement sur la question de savoir à qui la concession devra être faite. (Aux voix! aux voix !)

M. le président. Je mets aux voix la question de savoir si l'Assemblée passera à une 2e délibération.

(L'Assemblée, consultée, décide qu'elle passera à une 2o délibération sur la loi relative à la compagnie de Picardie et Flandres.)

M. le président. L'ordre du jour appelle la 2 délibération sur la proposition de M. Princeteau et plusieurs de ses collègues, ayant pour objet la révision du tarif de 1807, qui régit les taxes des greffiers de justice de paix. La parole est à M. Bardoux.

M. Bardoux, sous-secrétaire d'Etat de la justice. Messieurs, ce matin même, M. le garde des sceaux a fait à la commission chargée d'examiner les tarifs des greffiiers de justices de paix des propositions de nature à modifier profondément le projet de loi qui devrait venir maintenant en deuxième lecture. Ces propositions ont été acceptées. Le rapporteur, qui n'est de retour que depuis peu de jours, va rédiger un rapport supplémentaire qui sera déposé prochainement sur le bureau. Je viens en conséquence, demander à l'Assemblée de vouloir bien surseoir à la 2a délibération jusqu'à ce qu'elle ait pu prendre connaissance de ce rapport supplémentaire. (Assentiment.)

M. le président. Il n'y a pas d'opposition ?...

La discussion est ajournée.

L'ordre du jour appelle la 2o délibération sur le projet de loi relatif au rétablissement du titre de premier avocat général dans les cours d'appel.

La parole est à M. de Ventavon.

M. de Ventavon. Messieurs, l'honorable M. Bertauld, rapporteur de la commission, était fort souffrant hier, et il a demandé à M. de Kerdrel, qui occupait le fauteuil de la présidence, le renvoi de la discussion. Je crois être aujourd'hui l'interprète de M. Ber

tauld auprès de l'Assemblée, en la priant de vouloir bien prononcer l'ajournement.

M. le président. L'Assemblée a entendu la proposition de M. de Ventavon. Il n'y a pas d'opposition?... L'ajournement est prononcé.

L'ordre du jour appelle la 2o délibération sur la proposition de M. Parent, tendant à modifier le code d'instruction criminelle, afin que le prévenu acquitté ne puisse plus être repris ni accusé à raison du même fait.

C'est également M. Bertauld qui est le rapporteur de ce projet de loi; il y a donc la même raison que pour le précédent d'en ajourner la liscussion...

Il n'y a pas d'opposition? (Non! non!)
La discussion est ajournée.

L'ordre du jour appelle la 1re délibération sur la proposition de M. Billy et plusieurs de ses collègues, tendant à faire indemniser les propriétaires de bestiaux morts de la peste bovine dans les départements envahis.

Personne ne demande la parole?...

Avant de consulter l'Assemblée sur la question de savoir si elle entend passer à une 2e délibération, je crois devoir la prévenir que la commission du budget a émis un avis contraire aux conclusions de la commission.

M. Claude (Meurthe-et-Moselle), rapporteur. Je demande la parole.

M. le président. M. Claude a la parole.

M. le rapporteur. Messieurs, la proposition qui vous est soumise en ce moment et qui a pour objet d'accorder quelques dédommagements aux propriétaires des animaux morts de la peste bovine pendant les années calamiteuses de 1870 et 1871, a été signée par un très-grand nombre de nos collègues; elle a été soutenue vivement par nos conseils généraux par nos sociétés d'agriculture, et elle sera accueillie comme un bienfait par toutes nos populations rurales.

Voilà plus de deux ans que cette proposition a été présentée, le rapport a été déposé il y a dix-huit mois; je viens donc vous supplier de lui donner aujourd'hui une prompte solution et de passer à une seconde lecture; ce vote sera pour notre projet de loi un préjugé favorable.

M. Mathieu-Bodet et plusieurs autres membres. Mais non! mais non!

M. le rapporteur. Et d'abord, messieurs, permettez-moi de vous dire que, contrairement à l'opinion émise par M. le rapporteur de la commission du budget, nous n'avons pas entendu, en accueillant avec faveur, mais dans une certaine mesure, la proposition de nos collègues, résoudre une question de droit, mais une simple question d'équité.

La loi du 30 juin 1866 accorde une indemnité des trois quarts de la valeur de l'animal mort par suite de la peste bovine, lorsque deux formalités ont été remplies, c'est-à-dire lorsqu'il y a eu déclaration par le propriétaire de l'animal atteint ou suspect, et lorsque cette déclaration a été suivie d'un abattage de l'animal, en vertu d'un ordre de l'autorité.

Au cas particulier qui nous occupe, la loi de 1866 n'a pu être complétement exécutée. Il y a eu déclaration de la part des propriétaires

ANNALES. T. XXXVIII.

des animaux atteints de la peste bovine; mais il n'y a pas eu abattage de ces animaux. Les propriétaires ne peuvent donc bénéficier de la loi de 1866, cela est incontestable.

Si nous avons rappelé cette loi, c'est uniquement comme un précédent, comme un exemple et comme un argument. Si nous voulions en réclamer le bénéfice, ce n'est pas à l'Assemblée que nous adresserions notre requête, nous nous serions pourvus devant les conseils de préfecture et c'est précisément parce que la loi de 1866 ne peut être appliquée, que nous venons vous demander de faire une loi spéciale visant des situations tout à fait exceptionnelles et imprévues.

Voilà notre but. Laissons donc la question de droit qui n'a rien à faire ici, et contentonsnous de faire une loi d'équité au profit d'ung catégorie de victimes de la guerre, la plus digne de notre sollicitude.

Maintenant, messieurs, permettez-moi de justifier le plus brièvement possible notre projet de loi et de vous exposer les faits qui l'ont rendu nécessaire.

La peste bovine, vous le savez, est le plus terrible des fléaux qui puisse frapper notre agriculture; vous savez aussi qu'elle a toujours été en France la compagne inséparable de la guerre et de l'invasion. En 1870 comme en 1815, comme en l'an V, la peste bovine a fait irruption sur le territoire français, à la suite des armées allemandes. Les ravages qui ont été causés par ce fléau ont été énormes. L'honorable et regretté M. Deseilligny, ministre de l'agriculture, qui avait suivi cette question avec beaucoup d'intérêt et qui avait encouragé, je dois le dire, le travail de votre commission, a fait procéder, sur notre demande, il y a déjà longtemps, à une enquête très-complète et très-minutieuse, afin de connaître exactement l'étendue des ravages causés à notre agriculture par le typhus pendant les années 1870 et 1871.

La lecture de cette enquête volumineuse et très-exacte est navrante; elle a constaté les faits suivants :

A la fin de 1870 et au commencement de 1871, nous avons perdu par suite de la peste bovine 96,565 têtes de bétail, représentant une valeur de 24 millions 796,639 francs. Cette perte a été subie d'une manière fort inégale entre les départements envahis et les départements non envahis limitrophes de l'invasion. Les départements non envahis ont perdu pour 4 millions 070,239 fr. de bétail; les départements envahis en ont perdu pour 20 millions 726,400 fr.

Je dois vous faire observer que, dans les départements non envahis, la perte a été payée presqu'intégralement. Ces départements avaient des administrateurs pour les guider, pour les diriger, et ils purent facilement remplir toutes les formalités légales. Mais, dans les départements qui étaient au pouvoir de l'ennemi, les choses n'ont pu se passer de même; j'expliquerai pourquoi. Dans quelques localités, dans quelques circonstances, les plus heureux, les mieux conseillés ont touché une somme d'environ 8 millions; les plus malheureux, les plus écrasés par l'invasion ont perdu 12 millions 444,199 fr.

A quelles causes générales faut-il attribuer

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cet immense désastre? Je vous ai déjà dit quel était le résultat direct et inévitable de la guerre et de la force majeure qui en a été la conséquence. Non-seulement l'état de guerre nous avait amené le fléau, mais il était un obstacle insurmontable pour l'application des mesures énergiques qui pouvaient seules nous en débarrasser.

Permettez-moi d'entrer dans quelques détails qui sont importants. (Bruit - Interruptions.)

Messieurs, je ne pensais pas trouver dans cette Assemblée de sérieux contradicteurs, et je croyais que l'on passerait sans discussion à la 23 délibération. Les quelques objections qui se sont produites dans cette enceinte m'ont amené à la tribune et m'ont fait penser qu'il était de mon devoir de vous renseigner sur cette question peu connue de la plupart de mes collègues. Si vous voulez me le permettre, je continuerai. (Parlez! parlez !)

J'ai pris connaissance de la volumineuse enquête qui, ainsi que j'ai eu l'honneur de vous le dire, a été faite avec beaucoup de soin par l'honorable ministre de l'agriculture M. Deseilligny. Il résulte de tous les documents fournis par cette enquête que les propriétaires de bestiaux morts de la peste bovine peuvent se partager en deux catégories : La première comprend ceux qui n'ont fait aucune déclaration à l'autorité; la seconde, ceux qui ont fait une déclaration, mais dont la déclaration n'a été suivie d'aucun ordre d'abatage. Dans la première catégorie, il y a les insoumis, c'està-dire ceux qui, connaissant la loi, n'ont pas voulu l'exécuter, ceux qui ont craint de perdre le quart de la valeur de l'animal destiné à être abattu. Beaucoup de ces gens ont voulu éviter aussi la destruction des foins et des fourrages qui se trouvaient à proximité des écuries infestées; ils voulaient s'affranchir de payer un vétérinaire, se flattant de guérir eux-mêmes leurs bestiaux; d'autres, certains bouchers, redoutaient la pertede leur clientèle; quelques fermiers n'avaient pas confiance dans le payement de l'indemnité promise par la loi de 1866; il faut bien le dire aussi, quelques-uns, et cé sont les plus mauvais, au lieu de déclarer leurs animaux, ont cherché à les vendre pour s'en débarrasser, au risque d'empoisonner les étables voisines et le pays environnant. (Mouvement et rumeurs.)

Vous vous récriez, mais je dirai tout de suite à ceux de mes collègues qui éprouveraient quelques craintes, que, pour ces gens-là, la commission ne demande aucune indemnité. Elle n'en demande pas non plus pour les négligents et pour les ignorants, qui sont presque aussi coupables que ceux dont je viens de vous parler. Ils ont tous agi à leurs risques et périls, et ils ne peuvent réclamer le bénéfice d'une loi qu'ils ont méconnue; ils sont indignes de votre commisération.

Mais j'appelle votre attention bienveillante sur les sinistrés de la deuxième catégorie; ce sont ceux qui ont fait à l'autorité la déclaration que la loi mettait à leur charge, qui ont fait, en un mot, leur devoir en déclarant la maladie qui avait pénétré chez eux, et qui, cependant, n'ont pas pu profiter des dispositions de la loi, parce que l'ordre d'abatage qu'ils attendaient n'est pas venu, parce que

l'autorité n'a pas fait ce que la loi lui prescrivait de faire.

Les agriculteurs malheureux sont véritablement dignes d'intérêt. Est-ce leur fait, est-ce leur faute si l'abatage n'a pas eu lieu? S'il n'y a pas eu d'ordre d'abatage, c'est que dans la plupart de nos communes et que dans tous nos départements il n'y avait pas d'autorité. Les préfets, les sous-préfets avaient disparu. L'autorité préfectorale n'existant plus, les autorités locales étaient abandonnées à elles-mêmes, sans instructions, sans ordres; aussi n'osaient-elles pas prescrire l'abatage des animaux déclarés atteints du typhus.

C'est là une des conséquences fatales et funestes de notre centralisation excessive. Espérons que nous saurons en garder bonne mémoire. Beaucoup de nos maires voulaient remplir les prescriptions de la loi, et ils ne savaient pas comment s'y prendre; ils avaient bien le texte de la loi, mais ce texte ne dit rien; il accorde seulement les trois quarts de la valeur de l'animal au propriétaire dont l'animal aura été abattu, sans indiquer la procédure à suivre pour que cet abatage soit fait régulièrement. Quand les instructions arrivėrent tardivement, elles furent souvent contradictoires.

Un grand nombre de nos collègues, alors maires de leur commune, nous ont dit dans quelle situation perplexe ils se sont trouvés pour faire exécuter cette loi de 1866, inappliquée jusqu'à ce jour. Quelques-uns croyaient bien faire en séquestrant les animaux, en les isolant dans les forêts, en les mettant en quarantaine dans les fermes éloignées des autres habitations. Quelques autres croyaient exécuter la loi en faisant abattre le premier des animaux qui était atteint. C'était une interprétation erronée de la loi, mais les circulaires paraissaient indiquer cette solution. En réalité, ce n'était pas seulement le premier animal qu'il fallait abattre, mais tous les animaux, afin de détruire énergiquement la maladie contagieuse dans sa source et d'empêcher la contagion de s'étendre.

En agissant ainsi les maires dont je parle étaient très-soucieux, trop soucieux peut-être des intérêts du Trésor; ils voulaient épargner des charges considérables; ils étaient effrayés des pertes que ces abatages nombreux, répétés, allaient faire subir aux finances de l'Etat.

Qu'en est-il résulté ? C'est que les plus hardis, quelquefois même les moins scrupuleux pour les ordres d'abatage, ont fait toucher à leurs administrés l'indemnité prévue par la loi, tandis que les plus timides et les trop zéles défenseurs des finances de l'Etat ont privé leurs administrés de l'indemnité qui légalement pouvait leur être due.

La force majeure qui a souvent empêché l'abatage a également mis obstacle à l'expertise qui devait le précéder ou amené des expertises tardives et irrégulières. L'autorité reconnaissait bien l'existence de la maladie, elle voulait faire abattre, mais il fallait faire visiter et estimer l'animal, c'est-à-dire trouver un vétérinaire pour faire cette constatation. Qu'étaient devenus nos vétérinaires? Presque tous étaient à l'armée, remplissant un devoir patriotique; nous n'en avions presque plus dans nos campagnes. Ceux qui restaient

étaient souvent éloignés de 15 ou 20 kilomètres et ils ne pouvaient arriver en temps utile partout où on réclamait leurs soins, et, malgré leur zèle à tout faire, les expertises et les abatages ne pouvaient êtres faits utilement.

M. Billy. Il n'y a qu'un seul vétérinaire qui soit passé en Belgique !

M. le rapporteur. Messieurs, je vous ai résumé aussi rapidement que je l'ai pu les faits qui ont été révélés par cette enquête officielle. dont les documents utiles viennent justifier la nécessité de notre projet de loi. Je dois vous dire maintenant ce qu'a fait la commission pour réparer ces désastres. Elle aurait voulu faire plus qu'elle n'a fait réellement; elle aurait voulu pouvoir indemniser tous les malheureux de bonne foi qui ont été victimes de la forco majeure. Et cependant elle s'est cru obligée de refuser toute indemnité à ceux qui, pour un motif quelconque, n'avaient fait aucune déclaration. Elle a repoussé même les absents; il y avait, en effet, beaucoup de nos paysans qui, comme convoyeurs avec leurs propres chevaux et leurs voitures, avaient dû quitter leurs villages pour suivre au loin l'armée allemande. Les chefs de famille manquant, les femmes, les enfants, les vieillards, qui restaient dans les maisons, ne pouvaient pas reconnaître la peste bovine qui envahissait leurs étables; ils ne firent donc aucune déclaration, et, malgré leur situation digne d'intérêt, nous n'avons pas cru devoir comprendre parmi nos indemnitaires, ces pauvres cultivateurs. Pourquoi cette sévérité ? parce qu'il était très-difficile de rechercher et de reconnaitre parmi les non déclarants les hommes de bonne foi et les hommes de mauvaise foi. Si nous avions introduit dans notre loi cette déclaration banale, que tous ceux qui n'avaient pu faire de déclaration, parce qu'ils en avaient été empêchés par une cause de force majeure, auraient droit à l'indemnité, nous aurions pu être trompés par beaucoup de personnes qui auraient allégué, et peut-être justifié la force majeure.

La commission a donc repoussé impitoyablement, et souvent à regret, tous ceux qui, pour une cause quelconque, n'ont pas fait de déclaration à l'autorité de l'existence de la maladie. Elle n'a accordé d'indemnité qu'à ceux qui ont fait cette déclaration indispensable, c'est-à-dire à ceux, je le répète, qui ont fait tous leurs efforts pour exécuter la loi. Ceuxlà nous les relevons d'une déchéance qu'ils n'ont encourue que par le fait d'autrui ou par des circonstances de force majeure. C'est pourquoi nous leur accordons l'indemnité que la loi de 1866 offrait : les trois quarts de la valeur de l'animal déclaré, quoique non abattu.

Est-ce trop? Pour nous qui avons été les témoins de tous ces malheurs et de ces ruines, nous croyons que cette indemnité n'est pas excessive. Nous avons cru qu'elle était suffisante, et nous n'avons pas hésité à repousser les amendements qui nous demandaient davantage.

Quand viendra la 2o délibération du projet de loi, vous fixerez vous-même le quantum de cette indemnité. Aujourd'hui, mes sieurs, contentons-nous de voter le passage de notre projet de loi à une deuxième délibération. (Approbation sur divers bancs. — Aux voix ! aux voix !)

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Si toutes les déclarations relevées dans les dossiers de l'enquête sont exactes, il nous faudrait une somme maximum de 3,448,000 fr. pour faire face aux indemnités accordées par le projet de loi. Mais j'ai constaté qu'il y avait une somme de 694,478 francs qui a été votés par l'Assemblée dans ses budgets précédents pour le même objet et qui n'avait pas été employée; il faut porter cette somme à notre actif. De sorte que le chiffre du crédit nécessaire serait réduit à 2,754,258 francs.

Enfin, il faut bien dire qu'il y a eu nécessairement, lors de l'enquête, quelques inexactitudes, quelques exagérations. Si on compte de ces inexactitudes et de ces exagérations, la dépense réelle ne dépassera pas 2 mi.lions.

Voilà ce qu'il était nécessaire que l'Assemblée sût, car elle n'aurait jamais voulu voter une loi de cette nature sans savoir où cette loi la conduirait.

Le rejet de cette loi serait, permettezmoi de vous le dire, en contradiction avec tous les précédents de l'Assemblée, et remplirait nos concitoyens d'une douleur légitime. Ne seraitce pas une chose graye, de voir certains individus habitant les départements voisins du théâtre de la guerre toucher une indemnité conforme à la loi de 1866, tandis que les cultivateurs des départements envahis, frappés par le même fléau, et plus cruellement encore, ne recevraient rien ? Cette inégalité serait évidemment choquante.

Souvenez-vous aussi, messieurs, de toutes les indemnités qui ont déjà été votées par l'Assemblée, et qui cependant ne s'appliquaient pas à des malheurs aussi grands que ceux que je vous ai signalés.

Quand vous avez voté, en 1871 et 1872, une indemnité de 220 millions au profit des per- . sonnes qui avaient subi des dommages par suite de l'invasion, cette indemnité, il faut bien le dire, est entrée dans la poche de tout le monde, indistinotement, dans celle du riche comme dans celle du pauvre, car vous n'avez point fait de catégories; les dédommagements que nous vous demandons aujourd'hui profiteront uniquement, on ne peut le nier, à nos fermiers et à nos cultivateurs, c'està dire à des personnes peù fortunées et beaucoup plus dignes de notre intérêt et de notre sollicitude qu'un grand nombre des premiers indemnitaires.

ce

Quand vous avez voté aussi des indemnités pour les désastres causés par les armées françaises dans la zone de nos places fortes, qui était chose très équitable,-il faut bien reconnaître que ces victimes des siéges n'avaient pas la loi pour elles, mais qu'elles avaient la loi contre elles, car la loi dit formellement que la destruction des bâtiments cons

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