décimales de 1839, où l'on a cherché à reproduire les beaux types monétaires du seizième siècle. CHAPITRE II. NOTICE SUR LA MONNAIE DE GENÈVE. Appelé souvent, dans le cours de cet ouvrage, à citer, comme preuves à l'appui de notre texte, les monnaies nationales, nous dirons ici quelques mots sur les divers systèmes monétaires qui ont été en vigueur chez nous. Lorsqu'en 1535 le peuple genevois reconquit son indépendance sur la maison de Savoie, qui depuis longtemps dominait à Genève par le moyen de l'évêché, que sa politique savait toujours faire tomber entre les mains de ses membres ou de personnages à elle dévoués, l'on ne se servait chez nous que des monnaies de Savoie ou ayant cours dans cette contrée; cet état durait depuis deux siècles environ : jaloux de faire valoir ses prérogatives et de jouir des avantages attachés au droit de battre monnaie, le Conseil s'occupa activement de cette importante question; la Réforme avait été consommée au milieu d'août, et dès le 10 octobre on trouve une ordonnance chargeant le trésorier de se procurer de la matière pour faire de la monnaie aux armes de la république; le 4 décembre, le Conseil ordinaire, chargé d'élire un maître de la monnaie, choisit pour remplir cette fonction, conférée pour dix ans, noble Claude Savoie, ancien syndic; il arrêta en même temps que la nouvelle monnaie porterait d'un côté, GENEVA CIVITAS, avec les mots, POST TENEBRAS SPERO LUCEM (1) en légende, et de l'autre, DEUS NOSTER (1) Le mot spero fut bâtonné plus tard sur le Registre du Conseil. PUGNAT PRO NOBIS. Le lendemain ces diverses déterminations furent approuvées dans le sein du Deux-Cents. Des priviléges assez importants furent accordés au maître de la monnaie: Attendu, est-il dit dans les registres, qu'il fait luimême le premier établissement, qui est accompagné de frais considérables, pour qu'il ne puisse pas douter de son salaire pour l'avenir et pour qu'il fasse de la bonne monnaie, c'est-àdire telle qu'elle ne puisse nulle part être condamnée, le Conseil le crée maître de la monnaie, lui et ses enfants mâles et légitimes, à perpétuité, lui donnant, en tant qu'il est en son pouvoir, toute autorité de battre monnoye, se réservant toutefois l'élection de ses officiers, et lui enjoignant de se contenter de ses gages accoutumés, de rendre bon et fidèle compte, etc. Il paraît que ces diverses clauses furent mal observées : en 1538 le Conseil dut ordonner à Claude Savoie de ne plus battre de monnaie sans ordre exprès, et, dès le commencement de 1542, on lui avait donné pour successeur Henri Goulaz. La même année ou l'année suivante, la Monnoyerie fut établie près du pont du Rhône. Cet atelier jouissait de franchises particulières: le 27 février 1571, le Petit Conseil reconnut que nulle exécution pour cause civile ne pouvait avoir lieu dans la Maison de la Monnaie, attendu qu'elle est privilégiée, et il envoya en prison pour vingt-quatre heures, au pain et à l'eau, un huissier qui avait violé ce privilége malgré les remontrances qui lui avaient été faites par le maître de la monnaie. Depuis l'époque de la Réforme jusqu'à nos jours, on s'est servi à Genève de quatre systèmes monétaires différents ayant pour base le Florin, la Livre courante, la genEVOISE et le FRANC. Ne devant traiter que ce qui se rapporte aux armoiries genevoises, nous ne dirons rien ici de la livre courante, qui était une monnaie de compte (1). (1) En 1831, on grava des coins pour des livres courantes; les exemplaires frappés ne furent jamais mis en circulation; ils se trouvent I. LE FLORIN. La base du système monétaire adopté à Genève, en 1535, fut le Florin, vingt-septième partie du marc d'argent fin, et correspondant à une valeur actuelle d'un franc 48 centimes environ (1). aujourd'hui en très-petit nombre dans quelques médaillers. A l'avers sont les armes de Genève, ayant pour cimier l'œil rayonnant de la Providence; les mots, RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE, se lisent autour. Au revers deux rameaux de palmes, surmontés du cimier et de la devise genevoise, entourent l'indication, 42 sols. Les coins de cette pièce ont été gravés par M. L. Ferrière. (1) Antérieurement à 1535, on comptait à Genève par florins; c'é tait la division à laquelle se rapportaient les monnaies de Savoie; presque exclusivement en usage chez nous depuis le quatorzième siècle (a), en 1415, le florin se divisait déjà en 12 gros ou sols, le sol en 12 deniers et le denier en 2 oboles. En 1503, on avait des pièces de 6, de 3 et de 2 sols, de 10, de 11 et de 14 quarts; en 1513, on avait des forts, soit 1/8 de sol, et des mailles, pièces valant 2 deniers. Il y avait alors deux sortes de florins, le florin d'or de petit poids, c'était le florin ordinaire (b), et le florin de bon poids, peut-être composé de 12 sols épiscopaux; le florin du Chat, qui valait 16 gros ou sols (1489); celui du Chien, 15 gros (id.); celui de Liège, 13 gros (id.), étaient des monnaies étrangères. (a) Voy. un acte de 1364, donné par M. E. Mallet, dans le tome II des Mém. de la Soc. d'Hist., p. 381. (b) Ce florin, probablement celui de Savoie, est souvent mentionné dans les actes du quinzième siècle. Ainsi l'on voit en 1484, le Conseil général autoriser la construction de l'arcade du Terraillet, moyennant une finance de 50 florins d'or petit poids (Registre). Il est fort probable que la Communauté faisait frapper, à la Monnoyerie de Cornavin, du numéraire au coin de Savoie. En 1512, Messire François Mallet, commandeur de Berne et archiprêtre de la chapelle des Macchabées, présenta au Conseil sa vaisselle d'argent, afin d'acheter du blé pour les pauvres; les anciens documents nous apprennent que le Conseil fit convertir cette argenterie en monnaie, et comme on n'a aucune pièce genevoise de ce temps, il est presque certain que les monnaies provenant de la munificence du charitable prêtre furent frappées en Savoie, et qu'il en fut de même lorsqu'en 1477 les chanoines de la cathédrale et les curés des paroisses firent fondre tous leurs joyaux pour préserver, par une rançon, la ville de l'incendie et du pillage, dont elle était menacée par les Suisses. Le florin se divisait en douze sols, le sol en douze deniers, le denier en deux oboles, et l'obole en deux pites. Cette dernière valeur, la 576me partie du florin, n'équivalait qu'à un quart de nos centimes actuels. Plus tard on renonça à ces dernières subdivisions, diminuant la valeur de l'unité monétaire qui, tout en conservant sa dénomination primitive, fut successivement réduite et qui, à l'époque de l'abolition du système, n'était pas le quart de celle de 1535, puisque nos florins ne valaient que 46 centimes, nous ne pouvons mieux faire sentir la diminution progressive de la valeur du florin qu'en donnant à diverses dates l'indication de celle du marc d'argent. Pour rendre ce tableau plus complet, nous donnerons cette valeur à quelques époques antérieures à celle qui nous occupe. En 1485 le marc valait 18 florins. (C'était de l'orfévrerie; on paya ce prix pour un gobelet d'argent offert à la duchesse de Savoie.) En 1530 il valait 23 florins. En 1584 il valait 43 florins. On a frappé suivant ce système des pièces de billon, d'argent, d'or, et même des monnaies de cuivre dans les temps de détresse extraordinaire. Nous examinerons successivement ces diverses catégories de monnaies, en commençant par les plus anciennes, qui sont celles de billon. Pièces de billon. Oboles et Pites. - Ces monnaies bractéates, ou formées d'une feuille très-mince de métal, ne portent d'empreintes que d'un côté, où le relief est formé par l'enfoncement de l'autre face; elles sont très-rares; nous en avons figuré une sous le numéro 7 de la planche II; on voit qu'elles ont pour empreinte la Clef et l'Aigle dans le disque du soleil (1). Deniers. - La seule monnaie qui paraît avoir été battue en 1535, en suite de l'arrêt de frappe, rendu le 17 décembre de cette année, est un Denier, figuré sous le numéro 3 de la planche XIII (2). Des monnaies analogues sont représentées sous les numéros 4 et 5 de la même planche; la dernière, portant la signature G, paraît avoir été frappée entre les années 1542 et 1552, époque où Henri Goulaz était maître de la monnaie (3). On a des arrêts de frappe de Deniers se rapportant aux années 1542, 43, 48, 57, 61, 62, 70, 73 et 1583. En 1590, on frappa des Deniers en cuivre; on en possède en billon frappés en 1609 avec la Clef et l'Aigle, et au revers les mots, POVR VN DENIER. Il est assez probable que les petites pièces portant à l'avers la Clef et l'Aigle et au revers la croix à balustre avec les millésimes 1601, 6, 8, 9, 10, 15, 19, 34 et 1678, sont des Deniers. Forts. - Les Forts valaient 11/, denier; on sait qu'on en frappait à Genève au milieu du seizième siècle (4); mais il (1) On ne connaît que trois bractéates de Genève: l'Obole conservée au Musée de cette ville; la Pite ou Pougeoise, qui se trouve dans le médailler de M. Revilliod-Fæsch, et un autre exemplaire conservé à Zurich. (2) Cette monnaie fut exécutée à la hâte, ce qui explique sa malfaçon et les plaintes du Conseil qui, lorsque Savoyo la lui présenta, la trouva mal marquée; l'arrêt de frappe est du 17 décembre, la présentation du 24, et le 28 son émission fut publiée à son de trompe. (3) Entre les années 1542 et 1550 on ne trouve aucune pièce de Genève datée; mais ce n'est point à dire que toutes les monnaies sans date soient de cette époque; car pendant tout le cours du seizième siècle on a battu de petites pièces sans millésime. (4) Voy. l'Édit de frappe du 9 juillet 1554, celui de 1561, 9 mars |