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aux prétentions politiques de leur nouveau chef, portaient encore pour signe de ralliement l'ancienne Croix de Genève (1). En 1557, le 13 octobre, on publia dans les carrefours de la cité une ordonnance du Petit-Conseil, portant que la devise de Genève est la croix blanche, comme les Suisses, que l'écharpe sera noire et les croisons blancs dessus. » Il y avait, dans cet arrêté, et liaison avec nos combourgeois suisses et tradition de l'ancienne armoirie de Genève.

Depuis l'adoption de la Clef et l'Aigle, la Croix servit de contrescel au nouvel écusson; c'est pourquoi on la trouve au revers de la plupart des monnaies frappées depuis la Réformation jusqu'à la fin du dix-huitième siècle; ce sont ces monnaies qui nous fournissent l'exemple le plus fréquent du complément de nos armoiries, qui déjà avait place sur celles frappées par les évêques de Genève (2).

En 1536, une belle pièce, probablement un quart ou trois deniers [pl. XIII, fig. 6], présente une Croix feuillée avec le monogramme de Jésus en cœur, symbolique image de la crucifixion; les mots, MIHI SESE FLECTET OMNE GNV · (Tout genou se fléchira devant moi) sont écrits autour de cette Croix, qui est l'un des monuments les plus intéressants des premières années de la Réforme genevoise (3).

Cette empreinte est unique, on retrouve, à la vérité, la Croix

(1) Roset, Chroniques de Genève, liv. V, chap. xix.

(2) Ce fait est remarquable si on le rapproche de la participation des citoyens à la frappe des monnaies de Genève avant la Réforme. Quelques épiscopales sont gravées dans l'Histoire de Genève de Spon, édition in-4°, 1730, t. I, p. 264, et dans la Revue numismatique de 1841, p. 394. Malheureusement ces figures laissent beaucoup à désirer; en parlant des monnaies de nos évêques (liv. IV, chap. 11), nous donnerons les plus intéressantes.

(3) On peut juger des modifications apportées à la Réforme par Calvin, en comparant le monument de 1536 avec les expressions des hommes de son école, qui ne craignaient point de qualifier l'image de la Croix de reste de l'idolatrie papistique.

feuillée soit dans un denier d'une époque contemporaine [pl. XIII, fig. 5] (1), soit sur quelques trois-quarts du dixhuitième siècle (2), mais le passage important de 1536 ne fut jamais reproduit.

La Croix à fourchette [pl. V, fig. 1-5] se trouve, avec plusieurs variantes, sur les testons, les demis et quarts de testons. On la rencontre également sur de nombreuses pièces frappées jusqu'au dix-septième siècle, telles que les sols et les gringallets [fig. 1 et 5]; en parlant du Soleil, nous avons étudié une variante de son rayonnement qui l'assimile en quelque sorte à la Croix dont nous nous occupons (3). Quelques petites pièces de billon, probablement des mailles ou forts [pl. XIII, fig. 2], reproduisent la Croix patée des monnaies épiscopales. On retrouve cette Croix, mais svelte et traversant la légende, sur la plupart des parpaillots [pl. V, fig. 6]; sur les mêmes pièces, au millésime de 1678, elle est restreinte dans le champ; sur un neufdeniers de 1708 elle est plus courte encore; cet exemple [fig. 7] présente la Croix vidée et cernée par le quatre feuilles de la figure précédente. La Croix à balustre est celle dont l'emploi a persisté le plus longtemps, car les trois-sols de 1791 [fig. 12], qui furent les dernières pièces croisées, la présentent ainsi (4). En examinant nos monnaies, on est frappé de cette variété

(1) Médailler de M. le docteur Ch. Coindet.

(2) Ces trois-quarts ou neuf-deniers portent la Croix feuillée et vidée, chargée en cœur du nom de Jésus [pl. V, fig. 13]. Un sol six deniers de 1766 présente une croix à fleurons, dont la forme est fort altérée et qui peut être classée avec la Croix vidée. [Voy. fig. 10.]

(3) La Croix à fourchette flamboyante, formée par la réunion des rayons du soleil en quatre gerbes, expliquerait fort bien, à elle seule, la présence des diverses Croix sur nos monnaies, si l'on n'avait pas, soit par le missel que nous avons cité, soit par d'autres monuments, la preuve que la Croix fait partie intégrante des armoiries de Genève. (4) La Croix à balustre, anglée de flammes, se voit sur les dix-huitdeniers ou six-quarts du dix-septième siècle.

de formes dans la Croix, et l'on est tenté de se demander si cette Croix est véritablement une armoirie, mais nous rappellerons que l'on attachait peu d'importance anciennement à certains détails dans les meubles des écussons et que, pour des monnaies souvent de grandeur et de poids trop semblables pour l'usage ordinaire, on fut conduit à varier les empreintes autant qu'on pouvait le faire; ainsi la Croix, entourée d'un quatre feuilles pour les trois-sols [voy. pl. V, fig. 8 et 10], et cercelée [voy. fig. 15] pour les six-sols, était simple pour les petites pièces de billon et pour celles d'argent qui ne pouvaient pas être confondues avec ces dernières.

Il est à remarquer que, par suite de la disposition adoptée pour les légendes des monnaies, c'est toujours sur la face où la Croix se trouve que se lit la devise, Post tenebras lux.

De ce que nous avons dit touchant les monnaies, il ne faudrait pas conclure que les croix des revers soient toujours des armoiries (1); ce serait s'exposer à de grandes méprises; nous avons seulement voulu constater sur celles de notre ville l'emploi de la Croix de Genève, dont l'usage ne se borna point à ce genre de monuments, car les anciens drapeaux de la République offrent aussi cet insigne; dans ceux que l'on conserve à l'Arsenal il en est dont le drap, tantôt rouge, tantôt flammé de sable et de gueules [pl. VI, nos 4 et 3] porte une Croix d'or; l'étendard de la Remasse, dont nous avons parlé, offre aussi une croix, de même qu'une bannière faite pendant que Pierre Vandel était capitaine-général, c'est-à-dire de 1535 à 1537. Ce drapeau est semblable au no 4, à cette différence près que, dans chacun des cantons de la Croix on voit un van à vanner le blé, instrument qui rappelle les armoiries de la famille Vandel ou Vandelys, qui avait pour armes un van et trois fleurs de lys (2).

(1) Depuis Charlemagne les princes chrétiens ont presque tous empreint la croix au revers de leurs monnaies.

(2) Il est possible que la disposition en croix ait quelquefois été adopAu dix-septième siècle, l'usage de la Croix cessa sur les bannières; celles de Villmergen présentent la Clef et l'Aigle dans un soleil placé sur une bande d'azur. Ces derniers drapeaux, dont l'un porte en devise, PATRIÆ ET AMICIS (1), et l'autre, VTROQ. POTIOR (2), sont ceux des troupes genevoises qui, en 1712, combattirent si bien à Villmergen que le général Frisching, qui avait assisté à la bataille, écrivait : Ceux de Genève ont combattu en lions; on leur doit la gloire de la journée, peu s'en faut, tout entière (3).

A leur retour, les compagnies furent passées en revue à Plainpalais, et leurs glorieux drapeaux appendus dans l'Arsenal. Quelque temps après, des médailles commémoratives en or et en argent furent distribuées aux chefs qui avaient fait partie de cette expédition (4).

tée pour les drapeaux, en souvenir du labarum de Constantin; cependant, si cela a eu lieu, les exemples en sont rares. Voy. Wappen desz heiligen Römischen Reichs; les bannières représentées dans cet ouvrage ne sont jamais disposées en croix, lorsque celle-ci ne se trouve pas dans l'écusson.

(1) A la Patrie et aux Amis.

(2) Préférable à l'un et à l'autre.

(3) On trouve diverses pièces relatives à l'affaire de Villmergen dans les Fragments historiques de M. le baron de Grenus, t. II, p. 242. « Illustres et Magnifiques Seigneurs, écrivait à cette occasion le bailli de Morges aux syndies, j'ai l'honneur de féliciter Vos Seigneuries de la gloire immortelle que leurs troupes ont acquise, tant à l'affaire du pont de Seiss, qu'en la fameuse journée de Vilmergue, où les officiers et les soldats ont fait des actions de héros, qui ont même rejailli jusque sur le chef qui a eu le bonheur de les avoir sous son commande

ment. >

(4) On rencontre de ces médailles qui furent envoyées par la ville de Berne dans plusieurs collections. D'un côté elles représentent un ours tenant dans ses pattes une épée avec deux couronnes de laurier, une corne d'abondance et cette devise, STRENUIS MILITIBUS, et de l'autre côté un trophée d'armes avec une pyramide entourée de lauriers, l'écu de Berne, les armoiries des villes conquises et ces mots, VICTOR. AD

PL. VI.

Abandonnée pendant un certain temps, la Croix reparut sur nos drapeaux par suite de l'agrégation de Genève comme vingtdeuxième canton de la Suisse (1). La Clef et l'Aigle fut alors placée en cœur d'une Croix blanche triomphante, des angles de laquelle partent des flammes alternativement rouges et jaunes (2). Les drapeaux du contingent présentent la Croix blanche alézée sur un drap rouge [voy. pl. VII, fig. 5] (3); sur ceux offerts en 1839 aux milices de Vaud et de Genève par le canton de Zurich, la Croix rayonne de vingt flammes argent et gueules [voy. fig. 3]; les accessoires de celui qui est à Genève sont, de même que la cravate des drapeaux du contingent, aux couleurs de la Clef et l'Aigle (4).

BREMGART. DIE XXVI MAII, AD VILMERG. DIE XXV JULY MDCCXI, et autour du trophée d'armes, INDULGENTIA SUPREMIS NUMINIS.

(1) Cette agrégation eut lieu le 12 septembre 1814; ce ne fut que dix ans après (13 septembre 1824), que les milices reçurent du Conseil d'État le drapeau cantonal traversé de la Croix fédérale.

(2) Les flammes sont anciennes dans nos bannières; celle de la Remasse [voy. pl. III] en offre six : 2, 2 et 2, les intermédiaires sous la traverse de la Croix.

(3) Diverses propositions ont été faites depuis la Restauration pour changer les couleurs du drapeau et de la cocarde que l'on proposait de faire aux couleurs fédérales; mais des arrêtés de la Diète déterminant que les couleurs cantonales devaient être employées pour les cravates et les cocardes, aucune mesure n'a été prise en modification de l'usage adopté en 1824.

(4) Le drapeau de Zurich est orné d'une peinture placée au centre de la Croix, et représentant la République de Zurich sous la figure d'une femme tenant un bouclier aux couleurs zuricoises, et déposant une couronne de lauriers sur un rocher, où sont gravés les écus de Vaud et de Genève. Sur la face opposée on lit, dans une couronne de laurier et de chêne, l'inscription suivante en lettres d'or: AUX MILICES DES CANTONS DE GENÈVE ET DE VAUD LEURS FRÈRES D'ARMES ZURICOIS. La hampe se termine par une couronne civique traversée par un faisceau d'armes dont la hache est ornée de la Croix d'argent; cet amortissement, entièrement doré, porte la date, остOBER MDCCCXXXVIII.

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