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n'est également qu'à partir de cette époque qu'elle fut employée chez nous. Antérieurement on la trouve toujours à une seule tête. C'est probablement ainsi qu'elle était représentée sur le frontispice de la cathédrale avant les accidents qui, en 1430 et 1441, nécessitèrent la reconstruction du pignon de cette église; la même figure se retrouvait sur la porte d'entrée de la cour ou grand cloître de Saint-Pierre. Cette arcade, démolie en 1705 (1), était au haut de la rue du Perron; une gravure de Diodati, faite vers 1675 (2) en a conservé le souvenir, et Sarasin dit que l'Aigle était en escusson iaulne pennée de sable et armée de gueules (3). Suivant les uns, ces armoiries auraient été peintes par ordre de l'empereur Frédéric III, qui arriva à Genève en 1442 (4); suivant d'autres, ce seraient les syndics qui, pour honorer l'empereur, auraient fait exécuter cette peinture qui se trouvait précisément sur son passage lorsque, de la maison où il séjourna, il se rendit à la cathédrale (5). Ni l'une ni l'autre de ces assertions ne paraissent exactes: en 1442 l'on ne représentait plus l'Aigle simple, le pignon de Saint-Pierre en est la preuve; il est bien plus naturel de croire que cette porte avait reçu cet insigne antérieurement et vu son importance, étant l'entrée de l'enceinte qui environnait alors l'église, le cloître et le palais épiscopal (6).

(1) Journal Helvét., août 1745, p. 133.

(2) Journal Helvét., août 1745, р. 134.

(3) Citadin de Genève, p. 50. Les armes de l'Empire sont d'or à l'aigle de sable becquée, lampassée, membrée et diadémée de gueules. (Encyclopédie méthodique, article Aigle.)

(4) Citadin de Genève, p. 50.

(5) Baulacre, Journal Helvét., août 1745, Lettre sur l'Aigle impériale sculptée sur le frontispice de la cathédrale de Genève, p. 136. La maison qu'habitait l'empereur se trouvait à l'entrée du pont du

Rhône.

(6) Suivant Bonivard, Chroniques de Genève, t. I, 2o part., p. 95 et

Les travaux qui ont eu lieu dernièrement dans l'église de la Magdeleine ont amené la découverte d'un bel exemple de l'ancienne Aigle impériale moulée sur des carreaux en terre cuite, et qui paraissent appartenir au commencement du quinzième siècle [pl. IV, no 1]. Cette Aigle est sans couronne, de même que celle qui se voit sur les sceaux de l'empereur Sigismond, conservés aux Archives de Genève et appendus à des pièces datant de 1420 (1). L'empreinte de ce dernier est donnée, mais d'une manière peu fidèle, dans l'Histoire de Genève par Spòn, publiée en 1730, t. II, no XL des planches.

Depuis 1535 on attacha une grande importance aux prérogatives que conférait à Genève sa qualité de ville impériale; dans plusieurs traités faits avec les cantons suisses, en particulier dans celui passé en 1558 avec les villes de Berne et de Zurich, on voit que les prérogatives du Saint-Empire romain sont expressément réservées, et les insignes qui indiquaient cette relation furent soigneusement conservés : depuis l'époque de la Réformation jusque vers la fin du siècle dernier on voit l'Aigle impériale sur la plupart des anciennes monnaies, et lorsqu'en 1570 il fut question d'apposer le sceau de la République sur le Mode de Vivre, passé avec le duc de Savoie le 24 juillet de la même année, on discuta longtemps pour savoir si l'on emploierait les sceaux anciens qui n'avaient que la Clef et l'Aigle sans le cimier impérial; on prit même la résolution de faire pour cela un sceau nouveau, qui aurait porté les armes de Genève

96, cette enceinte fut construite de 1307 à 1309. En 1690, une partie de la peinture fut enlevée par suite de l'abaissement du mur où elle se trouvait, et elle disparut entièrement avec l'arcade qu'elle surmontait en 1707 ou 1708, suivant Senebier.

(1) Nos 436 et 437 des Portefeuilles historiques des Archives. Ces pièces sont des patentes accordant protection à l'évêque contre le duc de Savoie; elles ont été publiées dans le 2a volume de Spon, p. 163.

complètes avec la légende, SIGILLUM MAGNUM CIVITATIS GENEVE; mais le temps manqua, et l'on fit usage du grand sceau gravé en 1526.

CHAPITRE III.

DE LA CROIX, ARMOIRIES PRIMITIVES DE LA COMMUNAUTÉ GENEVOISE.

Dès le treizième siècle on voit la Commune de Genève se constituer: un acte, daté de 1291 (1), montre que les citoyens, réunis en corps municipal, avaient formé une communauté qu'ils cherchaient à rendre indépendante de l'autorité du PrinceEvêque. Le même acte prouve que cette communauté avait des insignes et un sceau dont l'évêque ordonna la destruction.

Que représentait ce sceau? quels étaient les insignes primitifs de la Communauté genevoise? C'est ce qu'il est difficile de déterminer d'une manière certaine, car les actes émanant de ce corps furent, pendant de longues années, et sans doute par suite de l'opposition épiscopale, privés de cette marque de souveraineté.

De nombreux indices, que nous exposerons dans les lignes suivantes, nous portent à croire, sans toutefois que nous puissions affirmer ce fait d'une manière positive, que la première armoirie municipale fut la Croix de Saint-Maurice, d'azur en champ d'argent [pl. V, fig. 14].

D'abord symbole religieux, la Croix fut prise ensuite comme

(1) Archives de Genève, Pièces hist., no 108. Spon, Preuves, no XXV. Mémoires de la Société d'Histoire et d'Archéol., t. I, 2o part., p. 67.

marque d'autorité (1) et aussi comme signe de liberté acquise (2). C'est à ces titres réunis que paraît dû le choix de ce symbole dont le premier exemple se voit dans un missel conservé à la Bibliothèque publique (3) et qui paraît l'une des plus anciennes autorités que l'on puisse invoquer touchant nos armoiries; ce missel offre sur le même folio, et peinte côte à côte avec la Clef et l'Aigle, la Croix d'azur en champ de pourpre (4), en

(1) Natalis de Wailly, Éléments de paléogr., t. II, p. 77. Voy. aussi Réplique d'Antoine de la Faye à François de Sales, 1603, p. 122. (2) Menestrier, Le véritable Art du blason, 1671, p. 312. Voy. encore Roset, Chronique de la noble et fameuse cité de Geneve, liv. I, chap. LXXXIX.

(3) Manuscrits latins, no 29.

(4) Cette Croix est en champ de pourpre au lieu d'être en champ d'argent; mais il est très-probable que l'ancienne couleur, altérée par le temps sur les vieux écussons, a été méconnue au quinzième siècle, lors de l'exécution de la peinture du missel. Le peu de durée de la couleur argentée qui, au bout d'un certain temps, devient grise ou purpurine (a), et l'origine moderne du pourpre, dont l'existence n'est mentionnée sur aucun ancien livre d'armoiries (b), semblent le prouver d'une manière irrécusable; de plus, l'ancien écusson communal de Genève devait porter, à son origine, une couleur secondaire et non-seulement l'argent, image de la lune, indique, suivant les hérauts d'armes, une puissance subalterne et dépendante (c), mais on observe que la couleur blanche, qui compte aujourd'hui parmi les métaux, n'était anciennement qu'un émail qui occupait l'avant-dernier rang de no

(a) Il y a à Genève d'anciens écussons où l'argent est devenu presque noir; tels étaient ceux de Florence dans l'église de Saint-Pierre; le père Menestrier cite des exemples où l'argent a pris une teinte violette. Voy. L'Art du blason iustifié, p. 47 et 64.

(b) L'Arbre des batailles ne compte que le gueules, l'azur et le sable au nombre des émaux héraldiques. Un manuscrit de l'an 1400, cité dans l'ouvrage de Menestrier [voy. p. 47, et chap. III), ajoute le sinople, mais ne parle point du pourpre. Le gueules était encore quelquefois qualifié de pourpre au dix-septième siècle: la croix blanche est en champ de pourpre romain, dit Humbert Dv Fovr, en parlant de l'écu de Savoie, dans son épître dédicatoire du Levain du calvinisme, Chambéry, 1611.

(c) Voy. le Palais de l'honneur, par le père Anselme, p. 33.

tourée d'une filière de sable engrelée d'or [pl. V, fig. 11] (1). Quelques faits de notre histoire montrent l'usage de la Croix dans certains cas, où ceux qui s'en servaient soutenaient d'une manière toute particulière les intérêts de la Communauté. Ainsi, pendant la guerre de 1530, les Genevois, joints à leurs alliés de Berne et de Fribourg, portaient pour devise de guerre cette Croix cousue sur leurs habits et répétée sur l'estomach et derrière les épaules (2); antérieurement, les premiers partisans de l'alliance des Suisses avaient pour signal, dit Roset (3), vne Croix taillée à leur pourpoint, et les anciens Genevois qui, du temps de Calvin, s'opposèrent avec tant d'énergie et si peu de bonheur

blesse (a). Il y a entre les armes de Savoie, d'azur à la croix d'argent, et celles de Genève ancienne, d'argent à la croix d'azur, une similitude dont il est difficile de découvrir la véritable cause, qui peut être une protestation d'indépendance de la part de la Communauté vis-à-vis de la Savoie, ou bien un souvenir de l'alliance qui, en 1291, unit, au préjudice de la souveraineté épiscopale, les citoyens avec le comte de Savoie.

(1) Senebier est le premier qui ait entrevu, quoique d'une manière un peu vague, les rapports de la Croix du missel avec les armoiries de Genève; voici ses expressions, en parlant de cette peinture, dans son Catalogue raisonné des manuscrits de la Bibliothèque, p. 111: « On a mis au bas de la page une grande croix bleue, dans une autre « croix peinte en couleur brune très-foncée et rapprochée du violet. Ne < serait-ce point la couleur des armoiries de la ville de Genève qu'on < s'est proposé d'y placer? »

(2) Voy. Jeanne de Jussie, Levain du calvinisme, p. 19. A la même époque, quelques soldats genevois portaient sur leur équipement la Croix de Savoie, placée de travers en manière d'insulte; car Balard nous apprend dans son journal que, le 15 mars 1529, les ambassadeurs suisses s'étant rendus à Gaillard pour prier le châtelain de cesser ses hostilités, ils ne trouvèrent que « le capitayne lequel tenant fort sa gravité et orgueil respondit quil y avoyt aucuns de ceulx de Geneve lesquelz alloyent sur leur terre portans croyx blanches en leurs abis a mode de derrision de travers laquelle chose ne voulloyent souffrir ny endurer..

(3) Chroniques de Genève, liv. I, chap. LxxxIx.

(a) Arbre des batailles, § Cxxx.

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