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leurs de la Seigneurie, on lui donna du drap noir et violet pour le faire (1). La figure 5 de la planche XXIII représente un huissier portant le manteau noir et violet, d'après une gravure peinte datant de 1789 (2).

Les vêtements à ces couleurs et avec des garnitures et des parements bleus furent en usage jusqu'à la fin du dix-huitième siècle (3). On voit également jusqu'alors ces mêmes couleurs servir dans les drapeaux, soit comme pièces de blason, soit pour les ornements de la Clef et l'Aigle. Ainsi nous avons vu que le drap des étendards de Vilmergen était chargé d'une bande d'azur, et plusieurs drapeaux présentent, dans leur devise, tantôt le pourpre, tantôt l'azur mêlé d'or; ces trois couleurs sont réunies sur celle du drapeau de l'ancienne garnison de Genève [Arsenal, no 27]. Sur celui de 1728, l'écu repose sur un cartouche d'azur, orné de feuilles de pourpre et bordé d'un filet d'or, qui rappelle l'engrelure du revers de la Clef et l'Aigle [voy. pl. XXIII, no 4]. Le drapeau de la Garde soldée, que nous venons de citer, et qui est de la même époque, offre une disposition analogue. En 1713, les palmes qui entourent l'écu sont liées par un ruban de pourpre, et en 1794 une bordure de la même couleur se voit autour de l'écusson.

La Constitution de 1794-96 fit cesser l'emploi de ces couleurs, de l'origine desquelles on avait perdu le souvenir; l'article 616 du titre XI de cette constitution ordonne même que « les Pavillons et les banderolles des barques équipées, ainsi que les guidons des Arquebusiers et des Matelots soient aux couleurs Genevoises (c'est-à-dire jaune et rouge) et aux armes de la République. »

(1) Reg. de la Chambre des Comptes. Voy. aussi Reg. des Conseils, du 23 septembre 1699.

(2) Retour du Conseil général tenu le 1er février 1789, par Geissler. (3) En 1788, on augmenta le salaire des Huissiers de cent florins, à condition qu'ils fussent proprement vêtus de bleu, toutes les fois qu'ils seraient de service. (Reg. de la Chambre des Comptes, au 9 sept.)

Dès lors on ne retrouve presque plus les couleurs de la Croix, à moins toutefois que les rubans bleus, employés exclusivement pour réunir les feuilles de plusieurs actes (1) et les pompons bleu et amaranthe de nos milices n'en soient une tradition.

La constitution de 1794 ordonne que les syndics, le procureur général et les présidents de la Cour de justice criminelle et de l'Audience soient suivis d'un huissier (2). Ces derniers prirent alors le manteau aux couleurs de la Clef et l'Aigle (3),

(1) Ces rubans, en usage durant tout le dix-huitième siècle, se retrouvent sur plusieurs actes modernes.

(2) Titre IX, art. 498. Le 3 décembre 1540, le Petit Conseil arrête que M. le lieutenant aura quatre huissiers qui porteront la livrée de la ville et une verge blanche dans la main droite. (Noël, Extrait des Registres.)

(3) Le port du manteau à ces couleurs, au lieu du manteau noir et violet, avait été arrêté en Conseil dès 1699 et à l'occasion du commencement du dix-huitième siècle; mais cette décision n'eut pas de suite. (Reg., du 23 septembre.)

L'ouverture du siècle, époque fixée pour l'adoption de certaines mesures d'amélioration fut célébrée avec solennité. Aux derniers jours du dix-septième siècle on frappa la médaille portant, CONCORDIA ET UNO, ANNO 1699; puis au commencement du suivant, la médaille dite de la Truite, dont l'avers présente un festin, avec les mots, VNO SPIRITV DVCE, et au revers la légende, DE SECULO IN SECULUM IN SECULA SECULORUM, accompagnée de l'inscription suivante :

QUOD

INEUNTE SECULO XVIII. SENAT. REIP. GENEVEN.

PUBLICUM CUM SACRO PASTORUM

PROFESSORUM Q

ORD CONVIVILIM

MUTUI AMORIS ET HONORIS SYMBOLU.

INSTAURAVERIT

UT ET SECULARE FIAT NOTUMQUE
NEPOTIBUS. SIQUIDEM ΝΕΜΟ

TESTATURUS

NUMISMATE TESTARI

CURAVIT

B. LECTIUS. I. C.

SENATOR.

qui leur a été régulièrement afffecté par un arrêté du 1er mars 1816; ce mauteau, d'abord rouge, jaune et noir, est aujourd'hui mi-parti rouge et jaune avec le collet rouge [pl. XXIII, fig. 6]; un autre arrêté de 1835 enjoint aux huisssiers exploitants de porter un habillement noir complet, avec une plaque de métal aux armoiries de l'État, suspendue au col par un cordon rouge et jaune.

Dès le seizième siècle, les Huissiers et les Guets étaient munis de hallebardes (1); en 1797, les premiers la portaient encore lors des exécutions criminelles (2). En parlant du Soleil et de la Clef et l'Aigle, nous avons dit quelques mots de l'une de ces hallebardes. Sa hampe est noire, le fer, dessiné au sixième de l'exécution, est représenté par la 2o figure de la planche XXII. C'est sur le plat de la lame, entre le soleil et la douille, que sont figurés, d'un côté le nom de Jésus et de l'autre la Clef et l'Aigle. Jusqu'à la fin du dix-huitième siècle, les huissiers et les sergents ont conservé la hallebarde. La figure 1re de la planche XXI représente, d'après le dessin de Saint-Ours dont nous avons parlé, une enseigne que les huissiers auraient portée, à l'époque de la Révolution, devant les syndics remplissant publiquement les offices de leur charge.

:

2. Du Sautier.

L'office de Sautier, ou chef des Guets de service auprès des magistrats, remonte à la fin du quinzième siècle; en 1483, on voit Jean de Passu être nommé «Guet en la maison-de-ville où il aura sa demeure pour obéir à MM. les syndics (3), et le 9 février 1496, le Conseil ordonner qu'il soit fait un guichet à la

(1) Voy. Jeanne de Jussie, Levain du calvinisme, p. 48.

(2) Art. VII de l'Ordonnance du 15 mai.
(3) Voy. De la Corbière, Antiq. de Genève.

porte de la salle de ses séances et que Michel Léonard soit nommé pour huissier ou chancelier, suivant l'ancienne acception de ces mots (1); ce n'est toutefois que depuis 1509 que chaque syndic eut un guet ou huissier (2), et depuis 1528 seulement que le mot de Sautier (Salterius) est employé dans les registres du Conseil. L'office de cet employé était d'abord à vie; mais depuis 1556 la durée de ses fonctions fut fixée à trois ans (3). Dès l'origine le Sautier porta la livrée de la Seigneurie; c'était une robe de drap gris et noir de même forme que celle des Guets, seulement un peu plus longue; mais en 1568, il fut arrêté que cet officier ne porterait plus la robe de livrée, « afin de donner occasion à gens honorables de servir à cet office plus allégrement, et que pour être remarqué, il porterait une petite gaule noire (4). » Cette gaule noire est l'origine des masses garnies d'argent, dont le Sautier a fait usage jusqu'en 1842. Deux de ces masses, représentées par les figures 1 et 3 de la planche XXII, existent encore; l'une porte la date de 1687, l'autre celle de 1720; cette dernière est d'un travail fin et remarquable; à la base de la pomme on voit une suite de symboles, parmi lesquels on remarque une oreille et un œil ouvert, une main écrivant, etc.

Depuis 1659, le Sautier accompagnait le premier syndic en tenant la masse haute lorsque celui-ci se rendait au temple ou remplissait publiquement les fonctions de sa charge (5).

En 1664, il fut décidé que le Sautier serait placé sur le rôle des Conseils avant les Auditeurs; mais au mois d'avril suivant,

(1) Garde de l'huis ou du chancel, de la porte ou de la clôture; le salaire de cet huissier, auquel le plus absolu secret était imposé, était d'un gros par séance, comme pour les Conseillers. (Extr. des Reg.) (2) Reg., du 24 août.

(3) Reg., du 1er juillet.

(4) De la Corbière, Antiq. de Genève. Noël, Extr. des Reg., au 20 février 1568.

(5) Reg., au 4 novembre.

PL. XXII.

on lui refusa le titre de Monsieur, et il fut inscrit au dernier rang sur le rôle des membres du Deux-Cents (1).

On conserve encore le lion sculpté [pl. XXII, fig. 4], qui, placé à l'entrée de la salle du Conseil, servait de siége au Sautier; ce lion indiquait à la fois, d'une manière allégorique, et le lieu consacré pour les assemblées de la magistrature et la garde de ce lieu; plusieurs anciennes églises (2) ont au portail des figures de lions placées là comme gardiens continuels des saints lieux; le lion, suivant la croyance du moyen âge, dormait l'œil ouvert, témoin ce vers d'Alciat :

Le Lyon est dormant, l'œil ouuert, ample :
Et pource il est mis au portail du temple (3).

D'anciens actes, passés à la porte de quelques églises et inter leones, indiquent le caractère judiciaire tout particulier que la présence de ces figures donnait à ces lieux, caractère dont l'origine paraît remonter à une haute antiquité; car nous voyons, dans le livre des Rois (4), Salomon faire construire, pour rendre la justice, un trône d'or et d'ivoire décoré de quatorze figures de lions, et placer ce trône sous un porche, qui prit le nom de porche du Jugement.

Nous pourrions citer plusieurs exemples à l'appui de l'idée de garde, attachée à des figures de lions; nous nous bornerons à rappeler qu'au dire des rabbins, le nom mystérieux de Dieu, au secret duquel était attaché la conservation de la Ville sainte, était gardé dans le temple de Jérusalem par deux lions construits par art magique, placés à l'entrée du lieu Très-Saint, et qui, lorsqu'on sortait de ce lieu, rugissaient d'une manière si épou

(1) Voy. Noël, Extr. des Reg., au 21 avril.

(2) L'église de Samoëns présente un exemple de porche dont les

colonnes reposent sur des figures de lion.

-(3) Emblèmes d'Alciat, édit. de 1564, p. 36.

(4) 1 Rois, chap. VII, v. 7, et chap. X, v. 18 et suiv.

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