Deux aigles, ornées de la même manière que la précédente, servent de supports à cet écusson, qui est timbré de la couronne impériale antique, ayant pour cimier un soleil, au centre duquel est écrit le nom de Jésus. L'écu est placé sur une tenture de pourpre, couverte d'arabesques d'or et tenant lieu de manteau; le cordon porte la légende: POST TENEBRAS LVX; telles sont du moins les armoiries de Genève, d'après les monuments les plus authentiques. Empruntées à la fois à l'Empire et à l'Église, il en est peu qui l'emportent en noblesse sur celles-là: suivant les héraldistes, le champ d'or indique aussi bien la splendeur que la stabilité et la durée; le parti de gueules, emblème de zèle ardent, de souveraineté (1), de vaillance et de grandeur, est encore le symbole de la force, de la richesse et de la vie, de même que l'or est celui du soleil et des choses les plus saintes et les plus précieuses (2). L'aigle essorante et couronnée indique l'indépen (1) D'après l'Arbre des batailles, ouvrage composé sous le règne de Charles V et imprimé à Paris en 1493, homme ne doit porter cette couleur, sinon les princes seulement. Part. IV, S CxxxI. - Cette couleur était tellement réputée en excellence, que le peintre qui enlumina la porte fortifiée du paradis, qui se voit dans le Chevalier de la Tour, y fait flotter le pennon rouge ou de gueules. (Feuillet xxii de l'édition de 1514.) (2) Item il resplendist comme le tres beau soleil en lumiere en le representant et la loy dist nest au monde plus noble chose que lamiere et clarte et a ceste excellance que le soleil et lor sont concordant la saincte escripture qui dit ainsi que les benoistz iustes resplendiront ou royaulme de paradiz comme le beau cler soleil en lumiere semblablement aussi en monstrant la haulte et noble nature du soleil nostre maistre ihesucrist le benoist filz de dieu quant il se transfigura au mont de tabor deuant les appostres sa face resplendissoit comme le beau cler soleil et pour ce que lor en sa propre nature represente cy en terre entre nous le cler soleil en clarté et couleur. Aussi les loix anciennes ordonnerent que homme du monde ne portast or fors que les princes et ainsi doncques par consequent lor est la plus noble couleur du monde. (Arbre des batailles, part. IV, Scxxx.) - Voy. aussi dance et confirme la souveraineté; la clef rappelle les promesses et le pouvoir conférés par le Christ à son Église (1); enfin la légende et le soleil, formant ensemble une devise complète, font de l'écusson genevois un tout plein d'harmonie. Les trois premiers livres de cet ouvrage se rapportent à l'histoire des armoiries de la République; les autres traiteront des insignes de Genève épiscopale et des armoiries des grands feudataires qui ont rempli un rôle important dans notre histoire. Hierome de Bara, Blason des armoiries, Lyon, 1581, p. 15 et 16: « En blason d'armoiries, des vertus, dit cet auteur, l'or signifie, foy, force, et constance. Et estoit anciennement prins pour marque de noblesse, richesse, bon vouloir, reconfort, hautesse, solidité, pureté, splendeur, et perfection. Et a dire vérité l'or est vn corps doué de toute perfection, composé de substances d'égale vertu conformées proportionnement, meslange comprins sous vn temperamment esgal, receuant l'vnion et l'admirable texture des premieres vertus, tant superieures que inférieures, auquel nul mixte peut estre comparé; bref pour tenir le premier rang des choses créées. » D (1) La Sainte Bible nous montre dans plusieurs passages la clef comme symbole de la puissance suprême. (Voy. Ésaïe XXII, 22; Apoc. I, 18; III, 7, etc.) ARMORIAL GENEVOIS. Sivre Premier. ANCIENNES ARMOIRIES DE GENÈVE. CHAPITRE PREMIER. DU SOLEIL, PREMIÈRES ARMOIRIES DE GENÈVE. Au dire de nos chroniqueurs, Genève avait pris pour emblème, dès l'époque romaine, l'astre vivifiant dont les bienfaisantes influences répandent partout la lumière, la chaleur et la vie. Aucun monument ne vient, il est vrai, confirmer ce fait d'une manière positive; mais des vœux à Apollon, gravés sur des pierres antiques et d'anciens bronzes (1), témoignent que, dans les temps anciens, cette divinité était adorée chez nous, et si, à une époque plus rapprochée que la nôtre de ces tempslà, des traditions ont pu conduire à la conservation de la figure du Soleil sur les armoiries de Genève, il semble qu'on soit en droit d'accorder une certaine confiance à des assertions qui d'ailleurs ne paraissent point dénuées de vraisemblance. (1) Spon, Histoire de Genève, t. II, édit. de 1730.- Journal Helvétique, juin 1750, p. 510. Quoi qu'il en soit, le Soleil se trouve comme armoiries sur l'une des parties postérieures de l'église de Saint-Pierre, où il formait une sorte de revers ou contrescel pour l'Aigle impériale sculptée au frontispice du même monument (1): ce fut probablement lors de son agrégation à l'Empire, agrégation qui suivit de près la chute du second royaume de Bourgogne, et qui fut solennellement confirmée au milieu du douzième siècle, que Genève, à l'exemple de grand nombre d'autres villes impériales (2), ajouta l'aigle à son ancien symbole païen. Nous étudierons ces deux insignes en suivant le Soleil dans les modifications qu'il a subies jusqu'à nos jours, où nous le retrouvons en cimier de l'écusson moderne, puis l'aigle, dont l'emploi cessa à la fin du dix-huitième siècle; mais, avant de commencer cette étude, il convient peut-être de dire un mot des emblèmes choisis par les rois de Bourgogne, dont les états comprenaient Genève; ces souverains, au dire de Senebier (3), portaient un griffon pour symbole : à l'appui de son assertion, ce savant cite d'anciens marbres que l'on voit à Genève et qui, effectivement, offrent des fragments de griffons; mais ces pierres, dont l'une est conservée au Musée, sont de facture romaine et faisaient vraisemblablement partie de la frise d'un grand monument; l'on ne possède à Genève, à notre connaissance du moins, aucun autre renseignement touchant cet emblème; plu- (1) Cette aigle, dont les gravures de Diodati (1675) et de Gardelle (1748) nous ont conservé le souvenir, fut détruite lors de la démolition de l'ancienne façade de l'église au milieu du dix-huitième siècle. (2) L'aigle, en cimier sur les armoiries d'un très-grand nombre de villes impériales, entre comme partie intégrante dans l'écusson de la plupart d'entre elles. Voy. Einleitung zu der Wapen-Kunst, von J. Wolfgang Triers, p. 585 à 597. Voy., sur l'adoption de l'aigle impériale par Genève, le Journal Helvétique de mai 1745, p. 473. (3) Journal de Genève, du 21 novembre 1789. - M. Picot, Hist. de Genève, t. I, p. 12, estime que ces griffons étaient les armoiries de la famille de Gondebaud. |