Lorsqu'en 1526 les ambassadeurs suisses vinrent à Genève pour recevoir le serment de combourgeoisie, ils firent un discours en Conseil général, tenu le 12 mars, s'adressant Aux MAGNIFIQUES SEIGNEURS SYNDIQUES, CONSEIL ET COMMUNAUTÉ DE CETTE VILLE NOS SINGULIERS AMIS ET TRÈS-CHERS COMBOURGEOIS (1). En 1792, les députés des treize cantons et alliés de la Confédération helvétique, assemblés en diète à Frauenfeld, adressèrent aux Conseils de Genève une lettre commençant par ces mots: PIEUX, HONORABLES, SAGES ET PRUDENTS PARTICULIÈREMENT BONS AMIS ET RESPECTIVEMENT FIDÈLES ET CHERS CONFÉDÉRÉS (2). Le cérémonial que suivaient les députés de Genève à l'égard des souverains auprès desquels ils se présentaient, mérite également d'être noté, comme preuve du rang distingué de la République entre les Puissances européennes. En 1594, Chevalier, député en France, refusa de fléchir le genou devant le roi (3); en 1610, Anjorrant, se présentant devant Louis XIII et son épouse, fit le même refus, malgré l'assurance que lui donna le duc de Sully que Leurs Majestés le feraient aussitôt relever. Anjorrant se contenta de faire une grande révérence presque jusqu'à terre (4). Postérieurement, les députés de Genève se bornèrent également à la simple ré (1) En 1579, les Seigneurs de Berne se servaient, à l'égard de ceux de Genève, de la formule: Magnifiques, Puissants et Très-Honorés Seigneurs, singuliers Amis et féaux Combourgeois. (2) En 1735, les bourgmestres, avoyers et conseillers de Zurich et Berne s'adressèrent Aux PIEUX, PRUDENS, HONORABLES ET SAGES SINDICS ET CONSEILS DE LA VILLE DE GENÈVE, NOS SINGULIERS AMIS, TRÈSCHERS ALLIEZ ET CONFÉDÉREZ. (3) Reg., du 4 mars. (4) Reg., du 11 mars. On lit dans le Reg., du 7 janvier 1727 : « Il est faux que les Deputez de Genève ayent complimenté Louis XIII à genoux en 1622, comme cela est imprimé dans les Etrennes mignonnes, d'après l'Hist. chron. du père Buffier. vérence (1). Les députés genevois étaient d'ailleurs reçus en France sur le même pied que ceux de Puissances bien plus considérables; ainsi, en 1709, l'ambassade genevoise au prince de Condé fut accueillie avec le même cérémonial que celles de Savoie et de Lorraine (2). CHAPITRE III. DES PRÉROGATIVES HONORIFIQUES DES MAGISTRATS. 1. Des masses ou bâtons d'office. L'institution du Syndicat ne paraît guère remonter au delà du treizième siècle (3), époque où les citoyens se ressaisirent partiellement du pouvoir souverain, exercé en trop grande partie par le prince ecclésiastique depuis que ce dernier, élu par la cour de Rome, pouvait ne plus avoir pour la République l'af-fection d'un enfant de Genève (4). On a peu de renseignements touchant les attributs des syn (1) Reg., du 19 février 1642, etc. (2) Picot, Hist. de Genève, t. III, p. 217. « Une députation, envoyée en Savoie en 1684, reçut du Conseil l'ordre exprès d'exiger du prince qu'il les reçût debout et les saluât en se découvrant au commencement et à la fin de leur discours, et de se retirer sans ménagement, si, au moment de l'audience, le duc leur manquait de parole. >> (Ibid., p. 73.) (3) Voy., sur le syndicat à Genève, l'ouvrage de M. Pictet de Sergy, intitulé: Genève, origine et développement de cette république, t. I, p. 355. D (4) Voy. la protestation de l'évêque Guillaume, prononcée dans l'église de la Madeleine, le 13 mai 1291, contre les citoyens qui avaient dics avant le quinzième siècle; on sait qu'en 1442 ils se revêtirent d'écarlate pour aller au-devant de l'empereur Frédéric, et un inventaire de 1448 (1) nous apprend que dans les processions ils portaient des bâtons rouges. En 1451 (2) ils adoptèrent pour bâton syndical, ou sceptre de justice, comme on l'appelait encore à la fin du siècle dernier, des masses garnies d'argent. La peinture qui est à la fin du cartulaire des Archives figure ces nouveaux bâtons; à côté de l'image du premier syndic sont écrits les noms de ses collègues: Ducarre Roelle et Seruion, avec cette inscription: Ceux quatre furent les prumiers pourtant bastons en lan mcccc li. Ces anciens bâtons, dont l'un est figuré sous le n° 2 de la planche XXI, sont d'une forme très-simple, les garnitures paraissent d'argent ou de vermeil; en 1460 on y ajouta de nouveaux ornements en argent, qui coûtèrent deux écus de Savoie (2). Vingt-sept ans après, on garnit de nouveau les bâtons syndicaux avec le métal d'un gobelet d'argent trouvé en l'arche; huit florins de façon furent payés pour cet ouvrage (3). Jean Sarasin, premier syndic et auteur du Citadin de Genève, prononça en Conseil général, le 7 janvier 1627, un discours dans lequel il développe le sens mystique des bâtons syndicaux, et du nombre quatre, qui était celui des syndics. Une partie de ce discours a été imprimée; nous nous bornerons à en rappeler quelques passages : << J'ai parlé, dit Sarasin, des quatre syndics et des quatre bâtons syndicaux; car, combien que les docteurs en mathématiques fassent un grand état de leur nombre impair, nous n'a élu des recteurs, fait un sceau, imposé des impôts, etc. En 1293, la Communauté fut reconnue par l'évêque. (1) Voy. Mémoires de la Soc. d'Hist. et d'Archéol. de Genève, t. V, p. 167, en note. (2) Fragments hist. de M. le baron de Grenus, au 4 mars. (3) Reg. du Conseil. vons pas en moindre estime notre nombre de quatre plein de force et de mystères, dans lequel, parmi plusieurs autres bons rencontres, nous trouvons, soit dit sans prophanation, les quatre chariots de la vision de Zacharie, les quatre animaux pleins d'yeux de l'Apocalypse, les quatre monarchies, les quatre élémens, les quatre saisons de l'année, les quatre parties du monde, les quatre vents du ciel, les quatre confins de la terre, les quatre angles du carré qui est la plus forte et la plus solide de toutes les formes et mesures. Je n'oublierai point ici les quadriges et les quatre roues, non-seulement des anciens chars de triomphe, mais de tous chars qui ont à porter et à soutenir de grandes machines et de grands fardeaux; et à vrai dire, les quatre syndics sont les quatre roues qui soutiennent, comme sur leurs épaules, le poids de la pesanteur des grandes affaires de la république; ce sont les quatre roues sur lesquelles tourne et roule incessamment le chariot de votre état, conduit et mené par la reine et par la majesté des cieux et de la terre, la providence de Dieu. >>> Puis, parlant des bâtons syndicaux: « On n'a pas choisi, ditil, pour les faire, de l'or ou de l'argent massif, mais seulement de bois monté d'un peu d'argent, en signe que dans ces charges nous n'avons point à chercher ou à espérer, biens, richesses, grands profits ou émoluments, mais plutôt à y rencontrer mille soucis et incommodités et plus encore qu'il convient d'avoir à nos côtés les pauvres, les veuves et les orphelins, plutôt que les riches et nos amis. L'on a pris ce bois léger et caduc, léger en signe que ces charges sont exercées en la crainte de Dieu et suivant les bonnes lois et ordonnances, de sorte qu'elles se rendront légères non-seulement à ceux qui les exercent, mais principalement à ceux sur lesquels elles sont exercées; bois caduc, pour montrer qu'elles sont de petite durée, le cours d'un soleil en faisant la raison; bois derechef frêle et caduc, pour donner à entendre aux magistrats qui ont le bâton en main, c'està-dire l'autorité et dignité, qu'ils doivent néanmoins posséder leur charge en tremblement et en grande humilité devant les yeux et les statuts du Haut Souverain auteur de toutes les puissances, pour ne tomber dans la repréhension du prophète Esaïe : Le bâton s'élèvera-t-il en haut comme s'il n'était pas de bois.> A l'ouverture du dix-huitième siècle, on fit de nouveaux bâtons syndicaux, conservés jusqu'à l'époque de la Révolution (1). En 1794, l'Assemblée nationale proposa au Conseil souverain un projet de loi qui fut adopté le 7 février, et dans lequel on remarque les passages suivants, dont les dispositions furent conservées par la Constitution de 1794-96: « Les marques distinctives particulières aux Syndics sont un manteau noir et le bâton syndical, qui porte les armes de la République surmontées de l'emblème du commandement. « L'épée est la marque distinctive particulière au Syndic du Département de la force publique. » La constitution de 1796 impose le port de l'épée ordinaire aux Syndics, Conseillers d'État et Auditeurs de Police, et celui de l'épée militaire au Syndic de la Garde et aux deux Conseillers-Majors (2). Les bâtons faits d'après cette loi étaient ornés de trois aigles d'argent, que surmontait la main de justice (3). Ceux qui ont servi jusqu'en 1842 sont en ébène; leur longueur est de quatre pieds environ; des garnitures en argent, figurant une couronne royale formée de huit diadèmes fleuronnés et sommés d'un globe, en décorent l'extrémité. [Pl. XXI, fig. 3.] Au-dessous de la couronne, sur la première garniture intermédiaire, sont les armoiries de Genève, puis l'inscription sui vante: (1) Registres du Conseil, de 1699, et de la Chambre des Comptes, du 19 juin 1700. (2) Art. 494. (3) Abrégé de l'histoire de Genève, Neuchâtel, 1798, p. 94. |