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représentant, afin de traiter directement les affaires ecclésiastiques avec le Pape. Soit méfiance, soit manque de volonté de la part des Cisalpins sous prétexte que leur gouvernement n'était encore que provisoire, ils prièrent M. Cacault, ministre de France à Rome, de remplir cette charge jusqu'à l'organisation définitive de la République (1).

République cisalpine.

Milan, 4 brumaire an x. (26 Octobre 1801.)

«Le premier Consul agréerait bien, Citoyen ministre, que les relations diplomatiques entre la République cisalpine et le SaintSiége se rouvrissent incessamment. Le comité du gouvernement se serait hâté de correspondre à ce désir, qui lui a été témoigné par la voie du ministre extraordinaire Petiet, si la République ne se trouvait presque à la veille de son organisation constitutionnelle, et si le gouvernement provisoire n'était dans la disposition de remettre le travail d'un plan diplomatique général au gouvernement qui va s'asseoir à sa place. Cependant l'intention manifestée du premier Consul et les intérêts de la République exigeant qu'on commence à établir, même provisoirement, des sentiments d'amitié et de bonne intelligence avec le Saint-Siége, le gouvernement cisalpin ne saurait mieux remplir ces objets, qu'en s'adressant à vous, Citoyen ministre, qui êtes l'organe des sentiments du gouvernement français, dont les principes et les intérêts sont parfaitement conformes à ceux de la Cisalpine. C'est pourquoi je vous prie, Citoyen ministre, au nom de mon gouvernement, d'avoir la bonté de vous charger provisoirement des objets qui peuvent intéresser la République cisalpine auprès du gouvernement de Rome, jusqu'à ce que cette République, en adoptant ces formes constitutionnelles, soit à même d'y envoyer son ministre. En sollicitant de votre bienveillance ce nouveau trait d'amitié, le

(1)[Archives du ministère des affaires étrangères, à Paris.

gouvernement se flatte que vous voudrez bien remplir ses désirs, et croire en même temps aux expressions de sa reconnaissance dont je m'honore d'être l'organe auprès de vous.

<< Mon gouvernement attend de connaître vos intentions pour s'y conformer, et vous remettre de suite les lettres de créance. En attendant, je vous prie, Citoyen ministre, dans mon particulier, d'agréer de même les témoignages de ma parfaite estime et de ma haute considération.

<< Le ministre des relations extérieures »,

CELENTANI,

Secrétaire général.

PANCALDI.

Pour copie conforme à l'original,

CACAULT.

M. de Talleyrand recevait, le 18 Décembre 1801, l'ordre de se rendre à Lyon, pour préparer avec la consulte extraordinaire de la République cisalpine, les bases définitives de son organisa

tion (1).

L'enthousiasme des Italiens fut à son comble. Quatre cent cinquante-deux personnes furent désignées, au nombre desquelles se trouvaient des prélats vénérables chargés d'années, dont quelques-uns même devaient succomber aux fatigues du voyage. Ils partirent de Milan au mois de Décembre, et traversèrent les Alpes par un des hivers les plus rigoureux qu'on eût essuyés depuis longtemps. Tous voulaient assister à cette proclamation de l'indépendance de leur patrie par le héros qui l'avait affranchie. Les Lyonnais, de leur côté, firent tout pour donner de la splendeur à cette réunion et recevoir les députations italiennes avec la plus grande cordialité. Bonaparte lui-même, qui y arriva le 13 Janvier 1802, fut si vivement ému de ce grand

(1) Correspondance de Napoléon Ier, tom. VII, pag. 445, no 5898.

spectacle, qu'il écrivit le jour suivant à M. Cambacérès, son collègue (1): « Toutes les têtes me paraissent pleines d'activité, non de celle qui désorganise les empires, mais qui les recrée et produit leur prospérité et leur richesse ».

Au milieu des travaux politiques, Bonaparte s'occupa avec la même ardeur des affaires religieuses et chargea M. de Talleyrand d'avoir des conférences fréquentes avec les évêques et les ecclésiastiques, afin de délibérer avec eux sur les moyens de remédier aux maux qui, jusqu'ici, avaient tant affligé l'Eglise de la République. On rédigea donc, le 16 Janvier, une espèce de constitution ecclésiastique, sous le nom de lois organiques pour le clergé, qui devait servir de base pour l'arrangement prochain des affaires ecclésiastiques à entamer incessamment avec le SaintSiége. Cette constitution fut proclamée et sanctionnée en même temps que la nouvelle Constitution civile de la République cisalpine dans la séance finale de ce congrès, qui eut lieu le 26 Janvier.

Tous les membres de la consulte, tant séculiers qu'ecclésiastiques, y assistèrent; au nombre des derniers, on regretta beaucoup le vénérable archevêque de Milan, vieillard octogénaire, qui le matin de ce même jour venait de mourir d'un coup d'apoplexie chez M. de Talleyrand.

Bonaparte, très-satisfait de l'heureuse issue de ces délibérations, en écrivit aux consuls, ses collègues, ce même jour (2) : « A deux heures, je me suis rendu dans la salle des délibérations de la consulte extraordinaire; j'y ai prononcé en italien un petit discours, dont vous trouverez ci-joint la traduction française. On y a lu la Constitution, la première loi organique, celle relative au clergé; les différentes nominations ont été proclamées.

« Les deux ministres, quatre conseillers d'Etat, vingt préfets, des généraux et officiers supérieurs m'ont accompagné. Cette séance a eu de la majesté, une grande unanimité; et j'espère du congrès de Lyon tout le résultat que j'en attendais ».

(1) Correspondance de Napoléon Ier, tom. VII, pag. 458, no 58.

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Ibid.

tom. VII, pag. 471, no 5933.

La consulte proclama avec acclamation Napoléon Bonaparte, Président de la République italienne. C'est la première fois qu'on voit ces deux noms de Napoléon et de Bonaparte réunis l'un à l'autre. Bonaparte devait joindre au titre de premier Consul de la République française celui de la République italienne.

Bonaparte quitta Lyon le 27 Janvier, après avoir constitué le même jour M. Melzi, vice-président de la République italienne, et nommé M. Marescalchi, ministre des relations extérieures, qui, conjointement avec quelques conseillers d'Etat, devait se rendre à Paris, pour y remplir les fonctions de leurs places. MM. Ruga et Sommariva, qui jusqu'ici étaient à la tête du gouvernement à Milan, furent démis de leurs places. Le nouveau gouvernement, ainsi constitué, devait rentrer en fonctions le 20 pluviôse, le 5 Février 1802 (1). Ce fut une grande journée pour le héros de Marengo. On eût dit Charlemagne, assisté des évêques, des grands vassaux de l'empire, des nobles et des généraux, rédigeant des lois pour l'Eglise et pour l'Etat aux comices de Worms, de Mayence et d'Aix-la-Chapelle.

Voici la traduction française des lois organiques pour le clergé de la République italienne, proclamées le 16 Janvier, et sanctionnées le 26 de ce même mois par la consulte de Lyon.

TITRE Ier

Des ministres du culte catholique.

ARTICLE PREMIER.

<< Les évêques de la République italienne sont nommés par le gouvernement et institués par le Saint-Siége avec lequel ils communiquent librement dans les affaires spirituelles.

(1) Voir les pièces y relatives. Correspondance, etc. tom. vII, pag. 471-477, no 5934-5949. M. Thiers nous a donné une magnifique description de cette remarquable assemblée de Lyon. Histoire du Consulat et de l'Empire, tom. 111, pag. 377-404.

ARTICLE 2.

<< Les curés sont élus et institués par l'évêque avec l'agrément du gouvernement. Par l'évêque sont députés (désignés) les coadjuteurs (vicaires) aux paroisses selon le besoin du diocèse.

ARTICLE 3.

« L'évêque est libre d'ordonner sous le titre de bénéfices, de chapellenies et de legs le nombre des clercs qui sont nécessaires pour tous les besoins spirituels du peuple.

TITRE II.

Des établissements ecclésiastiques.

ARTICLE PREMIER.

<< Les limites des diocèses ne sont pas sujettes à des innovations, et, s'il y en a eu, on traitera leur réorganisation avec le Saint-Siége.

ARTICLE 2.

<< Chaque diocèse a son chapitre ou de métropole ou de cathédrale avec sa dotation respective.

ARTICLE 3.

<< Les évêques, les chapitres et les curés resteront en possession des maisons canoniales et autres édifices du culte, qui ne sont pas vendues ou occupées, soit en tout, soit en partie. Aux mêmes seront restitués les archives et les registres qui concernent leurs possessions actuelles et leurs offices respectifs.

ARTICLE 4.

<<< Toutes les cathédrales, sous le titre de la fabrique, ont un fonds pour les dépenses de la restauration et du culte.

ARTICLE 5.

<< Chaque diocèse a son séminaire avec une dotation respective

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