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chaque vacance de la magistrature, si les lois portent expressément qu'il peut être déposé, sinon puni, par ses sujets, un pareil système éblouira peut-être, comme offrant la perfection de la liberté : il aura une apparence satisfaisante, quand on le considèrera tracé sur le papier; mais, dans la pratique, il produira toujours le trouble, la dissension et l'anarchie. Et d'autre part, le droit héréditaire divin et immuable associé à la doctrine d'une obéissance passive, illimitée, c'est assurément de toutes les constitutions la plus servile et la plus à craindre. Mais, quand un droit héréditaire, tel que nos lois l'ont créé et placé dans la ligne du sang royal, est étroitement entrelacé avec les droits et libertés qui sont également l'héritage des sujets, comme nous l'avons vu précédemment, cette union doit former la constitution la plus belle en théorie, la meilleure dans la pratique, et, nous l'espérons, la plus durable » (a).

(a) BLACKSTONE, Comment. des lois anglaises, vol, i, liv. 1, chap. 111, pag. 369, 385, 387, 391, 401, 402 et 403. Trad. de M. Chompré.

pu- Transmission

On trouve, dans les Maximes du Droit blic français, un grand nombre de textes tirés de la Vulgate, du Deutéronome, de l'Ecclésiaste, et des autres livres saints, qui tous nous montrent les rois comme ayant été originairement établis par l'élection du peuple (a). Il en fut de même parmi les nations modernes.

Nous en citerons au hasard quelques exemples. Après la mort de Martin, unique du nom, roi d'Arragon et de Valence, et prince de Catalogne, arrivée le 30 mai 1410, les États de Catalogne, d'Arragon et de Valence s'assemblèrent et nommèrent neuf électeurs qui déférèrent, le 28 juin 1410, la Couronne à l'infant Ferdinand de Castille (2 (b).

Les premières lois faites à Lamégo, par les États-généraux de Portugal assemblés dans cette ville depuis que le royaume fut séparé

(a) Maxim. du Dr. publ. fr., tom. v, chap. vi, p. 150; 2° édit. in-12, 1775.

(b) On peut voir les détails de cette élection dans l'ouvrage ayant pour titre Révolution d'Espagne, par le père d'Orléans, Brunoi et Rouillé.

Tome IX.

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de

la Couronne

par voie d'Élection, en - cas d'extinction de la fa

mille régnante

du côté paternel et à défaut

de successeur

adoptif.

de la domination espagnole, veulent << que les enfans du Roi (don Alphonse) règnent après sa mort; que le fils succède au père; après le fils, le petit-fils; ensuite, le fils du petit-fils; et ainsi à perpétuité dans leurs descendans; que, si le fils aîné du roi meurt pendant la vie de son père, le second fils, après la mort de son père, soit Roi; que le troisième fils succède au second; le quatrième, au troisième; et ainsi des autres fils du Roi; que, si le Roi meurt sans enfans mâles, et qu'il ait un frère, ce frère soit Roi; mais qu'après la mort de ce dernier Roi, son fils ne soit pas Roi, à moins que les évéques, les gouverneurs des villes et les chefs de la noblesse ne l'élisent ».

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A la mort de Jean-Louis, abbé d'Orléans, duc de Longueville, dernier mâle de la maison d'Orléans-Longueville, les États de la Principauté de Neufchâtel rejetèrent la demande du prince de Conti, fondée sur un testament fait par Jean-Louis d'Orléans en sa faveur, et reconnurent, le 18 mars 1696, la duchesse de Nemours, et à la mort de celle-ci, ils éloignèrent de nouveau le prince de Conti, et re

connurent le Roi de Prusse, le 3 novembre 1707 (a).

En France, sous les Rois de la seconde race, la Couronne était élective; et c'était le peuple qui choisissait, mais il devait choisir dans la même famille. On peut voir à ce sujet le testament de Charlemagne, et le partage que Louisle-Débonnaire fit à ses enfans dans l'assemblée des États, tenue à Quiercy, rapportée par Goldast. On y lit ces propres paroles : « Quem Populus eligere velit, ut patri suo succedat in regni hereditate » (b).

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On peut voir encore, dans le Capitulaire de 877 (c), le serment que Louis-le-Bègue fit à Compiègne lorsqu'il fut couronné; il s'y exprimait en ces termes : «Misericordiá Domini et electione Populi rex constitutus.—Moi, Louis, constitué Roi par la miséricorde de Dieu et par l'élection du Peuple, je promets, etc. (d).

(a) Voy., entre autres, la Science du Gouvernement, tom. 11, chap. VII, sect. 3, et tom. iv, chap. 11, sect. 11. (b) Voy. aussi l'Esprit des Lois, liv. xxx1, chap. xvi

et XVII.

(c) Édit. de Baluze, tom. 11, pag. 272 et 273.
(d) Voy. encore l'Esprit des Lois, liv. xxxi, ch.

XVII.

Au commencement de la troisième race, on voit le Roi Robert s'avouer redevable de la royauté à la bonté divine et à la libéralité des Français: « Quoniam, diviná propitiante clementiá, nos gallica liberalitas ad regni provehit fastigia » (a).

Depuis Hugues Capet jusqu'à Louis XIV inclusivement, la nation n'a pas exercé son droit d'élection, et la Couronne s'est transmise par ordre de primogéniture dans la ligne agnatique. Mais le droit d'élection n'a pas cessé pour cela d'exister; seulement, il est resté sans application.

Ce qui prouve que ce droit a toujours existé virtuellement, ce sont les actes mêmes des couronnemens qui ont eu lieu depuis. En effet, le formulaire établi pour le sacre des Rois de France présente encore toutes les formes électorales.

Deux évêques interrogent le peuple dans l'Église, et demandent quelle est sa volonté. («Duo episcopi alloquuntur populum in ecclesiá inquirentes eorum voluntatem »).

(a) Gallia Christiana, tom. x, coll, 243. De Prob.

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