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établi que l'aîné succèderait; le prince en pourrait toujours choisir un autre. Le successeur est déclaré par le prince lui-même ou par ses ministres, ou par une guerre civile. Ainsi cet État a une raison de dissolution de plus qu'une Monarchie.

Chaque prince de la famille royale ayant une égale capacité pour être élu, il arrive que celui qui monte sur le trône fait d'abord étrangler ses frères, comme en Turquie; ou les fait aveugler, comme en Perse (a); ou les rend fous, comme chez le Mogol (b): ou, si l'on ne prend point ces précautions, comme à Maroc, chaque vacance du trône est suivie d'une affreuse guerre civile.

<< Par les constitutions de Moscovie, le Czar

(a) « A la mort du roi, lorsque le prince successeur est sorti du fond du sérail pour monter sur le trône, il fait perdre la vue à ses frères avec un fer rouge qu'on leur passe devant les yeux. Ce moyen barbare qu'on emploie pour les empêcher d'aspirer à la couronne, paraît si raisonnable et d'un si bel usage aux Perses, qu'ils se 'moquent du Grand-Seigneur et du Mogol qui ne suivent pas la même coutume ». (Voy. le Dictionnaire de la Martinière, au mot Perse).

(b) Voy., à ce sujet, ci-dessus, vol. v, pag. 152 et 153.

peut choisir qui il veut pour son successeur, soit dans sa famille, soit hors de sa famille (a).

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(a) (Voy. particulièrement la Constitution de 1722). Les aînés étaient ordinairement les héritiers du trône; les filles y succédaient au défaut des mâles, et la couronne passait entre les mains du plus proche parent de celui qui le laissait vacant mais les souverains ont plus d'une fois dérangé cet ordre, et l'histoire fournit plusieurs exemples de la préférence accordée au petitfils sur le fils, au puîné sur le fils aîné, et même à un étranger sur des princes de la famille régnante. Les Czars prétendaient avoir le droit de disposer de la souveraineté à leur gré. Jean Basilowitz Ier, mort en 1584, avait d'abord appelé à la succession de la couronne son petitfils, au préjudice de son fils; il y rappela ensuite son fils. Le Czar Alexis, mort en 1676, laissa entre autres enfans, trois fils et une fille : le fils aîné, nommé Théodore, lui succéda et mourut sans enfans en 1682. Il resta deux fils, Jean sorti d'un premier lit en 1663, et Pierre, d'un second, et une fille appelée Sophie, laquelle était née du premier lit. Pierre, âgé seulement de dix ans, fut proclamé Czar, à l'exclusion de Jean son aîné. Sophie s'opposa à l'élévation de Pierre, soit par attachemeut pour Jean, né de la même mère qu'elle, soit dans l'espérance de gouverner sous son nom. Les intrigues de cette princesse soulevèrent, en faveur de Jean, les Strélitz qui étaient en Moscovie. Pour éteindre la guerre civile, il fut réglé que les deux frères règneraient ensemble. Les Grands-Ducs, Pierre et Jean, partagèrent donc l'autorité

Un tel établissement de succession cause mille révolutions, et rend le trône aussi chancelant que la succession est arbitraire....

«

Lorsque la succession est établie par une loi fondamentale, un seul prince est le successeur, et ses frères n'ont aucun droit réel ou apparent de lui disputer la couronne. On ne peut présumer ni faire valoir une volonté particulière du père. Il n'est donc pas plus

du Gouvernement, ou plutôt Pierre la partagea avec Sophie, qui s'était rendue maîtresse absolue de l'esprit de Jean. Dans la suite, Pierre faisant le siége de Précop, son régiment même se mutina. Les officiers les plus considérables prirent part à la sédition; la désunion se mit dans l'armée, et il fallut que Pierre songeât à la retraite sans avoir rien exécuté. Dès qu'il fut de retour, il prétendit que sa sœur avait été la principale cause de la rébellion, et il la fit enfermer en 1688 dans le monastère de Novodievitz, où elle mourut en 1704; il fit aussi mourir quelques nobles et fit publiquement, dans les marchés et dans les rues de Moscow, hacher en pièces douze mille Strélitz, comme des bêtes sauvages. Depuis, il ådministra seul les affaires publiques, et il ne laissa à son frère de la souveraineté que les honneurs et le titre.

Le 25 juin 1710, il fit, condamner à mort son fils Alexis Petrowitz, qu'il avait eu d'Eudoxia Federowna, sa première femme, pour avoir voulu conspirer contre

question d'arrêter ou de faire mourir le frère du roi, que quelqu'autre sujet que ce soit. <<< Mais dans les États despotiques, où les frères du prince sont également ses esclaves et ses rivaux, la prudence veut que l'on s'assure de leurs personnes; surtout dans les pays mahométans, où la religion regarde la victoire ou le succès comme un jugement de Dieu; de sorte que personne n'y est souverain de droit, mais seulement de fait.

sa vie. Un grand nombre de personnes de l'un et l'autre sexe, périrent comme prévenus d'avoir favorisé cette conspiration; et, le 5 février 1722, il publia un ukase ou édit, portant qu'il dépendrait toujours du souverain regnant de disposer du trône en faveur de qui il voudrait, et même de déposer celui qu'il aurait nommé, s'il le jugeait, dans la suite, incapable de porter la couronne. Lorsque ce prince mourut, la couronne passa à sa seconde femme, Catherine, laquelle règna plusieurs années et mourut sur le trône, quoique le Czar eût des filles de ce second mariage. Ce fut le second exemple qu'une femme eût gouverné la Moscovie. Rien de semblable n'était arrivé depuis Olka, mère du troisième Grand-Duc, laquelle, après la mort de son fils, règna avec courage, mais avec inhumanité. La Czarine Catherine mourut le 15 mai 1727: outre un fils nommé Alexiowitz, qui fut tué au berceau d'un coup de tonnerre, elle avait eu deux filles, du Czar Pierre.

« L'ambition est bien plus irritée dans les États où des princes du sang voient que, s'ils ne montent pas sur le trône, ils seront renfermés ou mis à mort, que parmi nous où les princes du sang jouissent d'une condition qui, si elle n'est pas si satisfaisante pour l'ambition, l'est peut-être plus pour les désirs modérés.

<«< Les princes des États despotiques ont toujours abusé du mariage. Ils prennent ordinairement plusieurs femmes, surtout dans la partie du monde où le despotisme est pour ainsi dire naturalisé, qui est l'Asie. Ils en ont tant d'enfans, qu'ils ne peuvent guère avoir d'affection pour eux, ni ceux-ci pour leurs frères.

<«<La famille règnante ressemble à l'État : elle est trop faible, et son chef est trop fort; elle paraît étendue, et elle se réduit à rien. Artaxerxès fit mourir tous ses enfans (a) pour avoir conjuré contre lui. Il n'est pas vraisemblable que cinquante enfans conspirent contre leur père; et encore moins qu'ils conspirent, parce qu'il n'a pas voulu céder sa concubine

(a) Voy. Justin.

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