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De ce siecle déja vous ont fait le héros.
Soumettez les deux mers aux lois de l'Angleterre,
Allez, soyez l'arbitre et l'amour de la terre;

Je rendrai grace au ciel quand le bruit de vos faits
Viendra dans la retraite où je fuis pour jamais.

ÉDOUARD.

Ah! cruelle, arrêtez: vous avez dû m'entendre;
Tout vous a dit l'ardeur de l'amant le plus tendre;
Et pour prix de mes feux vous fuiriez des climats
Que je veux avec moi soumettre à vos appas!
Ne me dérobez point le seul bien où j'aspire;
Je ne commencerai de compter mon empire,
D'être, d'aimer mon sort, que du moment heureux
Où vous partagerez ma couronne et mes feux...
Mais non... ce sombre accueil m'apprend que je m'abuse;
Et ce n'est point vous seule ici que j'en accuse.

EUGÉNIE.

Ne soupçonnez que moi; sur mon devoir, seigneur,
Je ne connus jamais de maître

que mon cœur.

SCENE V.

ÉDOUARD.

Elle fuit! quelle haine! et quel sensible outrage!
Superbe citoyen, voilà donc ton ouvrage!

On t'accusoit; mon cœur n'osoit te soupçonner:
Ne m'offres-tu donc plus qu'un traître à condamner?

Où me réduit l'ingrat! Que sert ce diadême
Si je ne puis enfin couronner ce que j'aime?
Mais quel est cet hymen dont on défend les droits?
Quels sujets orgueilleux! est-ce un peuple de rois?
Quelles sont ces vertus farouches et bizarres?

Le devoir en ces lieux fait-il donc des barbares?
Par un terrible exemple il faut leur enseigner
Qu'il n'est ici qu'un maître, et que je sais régner.
Holà, gardes!

SCENE VI.

ÉDOUARD, VOLFAX.

ÉDOUARD.

Volfax, venge-moi d'un rebelle.

VOLFAX.

Seigneur, nommez le traître, et cette main fidele... ÉDOUARD.

Au nom du criminel tu frémiras d'effroi.

Ce sage révéré, cet ami de son roi,

Comblé de mes bienfaits, chargé de ma puissance, Le croiras-tu? Vorcestre, oui, Vorcestre m'offense; Il ose me trahir.

VOL FAX.

Vorcestre! lui, seigneur!

Lui qui parut toujours l'oracle de l'honneur!
Peut-être en croyez-vous un douteux témoignage?

ÉDOUARD.

Je n'en crois que moi-même, et j'ai reçu l'outrage;
Cet esprit de révolte éclaire enfin mes yeux,
Et me confirme trop des soupçons odieux.

VOLFAX.

On vient de m'annoncer la trame la plus noire...
Je le justifiois... O ciel! qu'on doit peu croire
Aux dehors imposants des humaines vertus!

ÉDOUARD.

Parle; que t'a-t-on dit? rien ne m'étonne plus.

VOLFAX.

Dispensez-moi, seigneur, d'en dire davantage;
Il est d'autres témoins des maux que j'envisage,
Et je crois avec peine un si noir attentat.

ÉDOUARD.

Acheve, je le veux; je crois tout d'un ingrat.

VOLFAX.

J'obéis, puisqu'enfin ce n'est plus qu'un coupable:
Je vois que son forfait n'est que trop véritable;
Je rapproche les temps, ses projets, ses discours.
Dans le conseil, seigneur, vous l'avez vu toujours
Contraire à vos desseins, contraire à votre gloire;
Il tachoit d'étouffer l'amour de la victoire:
Je vois trop maintenant par quels motifs secrets
Ses dangereux conseils ne tendent qu'à la paix.

ÉDOUARD.

Oui, tu m'ouvres les yeux; aujourd'hui même encore, Trahissant le renom dont l'univers m'honore,

Il m'osoit conseiller un indigne repos.

VOLFAX.

Pour en savoir la cause apprenez ses complots;

Dans la sécurité d'une paix infidele

On vous laisse ignorer que

l'Écosse rebelle...

ÉDOUARD.

Je ne le sais que trop; de fideles sujets

M'ont découvert sans lui ces mouvements secrets.

VOLFAX.

De ces déguisements l'honneur est-il capable?
Qui peut taire un complot lui-même en est coupable.
Peut-être jusqu'au trône osant porter ses vœux,
Appui des Ecossois, il veut régner sur eux;
C'est pour favoriser ces ligues ennemies
Qu'il prétend séparer vos forces réunies,
En des ports différents disperser vos vaisseaux,
Et borner à régner le destin d'un héros.

Il avoit des vertus, il avoit votre estime,

Seigneur; mais pour régner quand il ne faut qu'un crime,
L'honneur est-il un frein à l'orgueil des mortels?
L'espoir du trône a fait les fameux criminels,
Et, fausse trop souvent, cette altiere sagesse
N'attend qu'un crime heureux pour montrer sa bassesse.

Le perfide!

ÉDOUARD.

VOLFAX.

Je crains autant que sa fureur

Ce renom de vertu que lui donne l'erreur;

Par ces vains préjugés, entraînés dans ses brigues,

Tous croiront vous servir en servant ses intrigues;

De la rebellion l'étendard abhorré

Deviendroit dans ses mains un étendard sacré...
ÉDOUARD.

Va; qu'on l'amene ici... Mais que vois-je? il s'avance.

SCENE VII.

ÉDOUARD, VORCESTRE, VOLFAX.

VORCESTRE.

Daignez remplir, seigneur, ma derniere espérance.
Si le ciel m'eût permis de consacrer toujours
Au bien de cet état mes travaux et mes jours,
J'eusse été trop heureux: par un destin contraire,
Forcé, vous le savez, au malheur de déplaire,
Trop vrai pour me trahir, je dois, fuyant ces lieux,
Soustraire à vos regards un objet odieux.
Souffrez donc qu'aujourd'hui dans un obscur asile,
Inutile à l'état, moi-même je m'exile.

Ne tenant plus à rien que par
de tendres vœux
Pour la félicité d'un peuple généreux,
J'attendrai sans regret la fin de ma carriere,
Si, d'un dernier regard honorant ma priere,
Vous conservez, seigneur, par de justes projets,
Le premier bien d'un roi, l'amour de vos sujets.
ÉDOUARD.

Vous apprendrez dans peu ma volonté suprême;
Sortez.

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