Page images
PDF
EPUB

TITRE PREMIER

DE LA JURISDICTION des Eaux & Forêts.

ARTICLE PREMIER.

LES Juges établis pour le fait de nos Eaux & Forêts, connoîtront tant au Civil qu'au Criminel, de tous différends qui appartiennent à la matiére des Eaux & Forêts, entre quelques perfonnes, & pour quelque caufe qu'ils ayent

été intentés.

Le commencement du quator→ ziéme Siécle fe fentoit encore beaucoup de l'indépendance que différens Etats s'étoient arrogée, ou qu'ils avoient, pour ainsi dire, arrachée dans des tems de calami

tés; car il n'en eft point de plus grande que celle de trouver des obftacles au bon ordre général : Et en effet, Philippe le Long vou lant déterminer, par fon Ordonnance de 1318, la Jurifdiction des

Maîtres des Forêts, dit: Le Roi veut qu'en leurs perfonnes ils connoiffent des excès & délits commis en fes Eaux & Forêts SEULEMENT. Cette difpofition fe trouve confirmée dans le premier Article de l'Ordonnance du Roi Jean de 1355, dans laquelle, Article II. ce même Prince caractérise encore plus diftinctement les réserves qu'il fouffroit mettre à la Jurifdiction de fes Officiers d'Eaux & Forêts. Il s'y explique en ces termes : Nous ordonnons & voulons, & par exprès défendons à nos Maîtres des Eaux & Forêts, que dorefenavant ne prennent la connoiffance ni punition aucune de tels cas en la Terre & ès Eaux & Forêts de nofdits Sujets, ou en la Juftice des Prélats, Barons ou autres Jufticiers. Charles V. femble, quoiqu'en termes moins formels, être entré dans les mêmes principes, Article VII. de l'Ordonnance de 1376, dans lequel il dit: Item, des fautes & meffaits qui feront trouvés en tous cas touchant les Eaux & Forêts qui leur appartiendra, connoîtront les Verdiers, Gruyers, Gardes & Maîtres Sergens tant comme eux touche. Et à la fin il ajoute Et fi ne pourront avoir connoiffance de quelqu'onques actions ou débats, fors que des cas touchant nofdites Eaux & Forêts;& de tous autres connoîtront les Jugés ordinaires

:

JURISDICTION.

Titre Premier de l'Ordonnance de 1669.

Article I.

CHAPITRE PREMIER.

foit des demeurans ès Forêts, & au rein d'icelles, ou autre part..

On peut juger, par la combinaison des dates, que les termes rapportés ci-deffus des Provisions du Grand-Maître en 1360, avoient les mêmes limitations; & que dans ces premiers tems, fon pouvoir, quelqu'ample qu'il fût, n'avoit d'autre objet que les Eaux & Forêts du Roi, & celles où le Roi pouvoit avoir des droits à exercer, lorfqu'on ne lui donnoit pas quelqu'autorisation fpéciale, comme cela arrivoit quelquefois. Mais ces limites n'ont pas fubfifté; elles étoient abolies long-tems avant l'Ordonnance de 1669, comme nous aurons occafion de le dire..

Les difpofitions de l'Ordonnance de 1376, quant aux objets de la Jurifdiction, fe trouvent répétées, prefque mot pour mot, dans l'Ordonnance que François I. fit en 1515, portant Réglement général des Chaffes & Forêts.

Le petit nombre d'Officiers pour les Eaux & Forêts, pouvant donner lieu de traduire les Sujets du Roi trop loin, ce qui leur pouvoit être extrêmement à charge, François I. crut devoir pourvoir à cer inconvénient, en autorifant par l'Article LXVI.. de certe même Ordonnance, les Vicomte, Prevôt ou autre Juge Royal, ou fon Lieutenant, à en prendre connoiffance en tels cas: Mais ce n'étoit point une distraction réelle de la Jurifdiction des Maîtres des Eaux: & Forêts, puifque ce Prince ajoûte à la fin de cer Article: Toutes fois notre intention n'eft pas que lesdits Maîtres foient pour ce exclus d'en connoître; mais en connoîtront fur les lieux convenables à tenir Jurifdic-tion, au plus aife des Parties, & où elles pourront mieux finer de Confeil. Auffi voyons-nous que fur les Commissions ou Ordres du Grand-Maître, ces Maîtres fe tranfportoient quelquefois loin de leur domicile, pour fe mettre à portée des affaires..

Cette Ordonnance de François I. fut fuivie d'une autre de Janvier 1518, contenant plufieurs Réglemens de bonne Police pour les Forêts. L'Article XXX. de cette derniére Ordonnance eft notable,. en ce que fans déroger formellement à l'indépendance tolérée aux Eccléfiaftiques & Seigneurs particuliers, ainfi qu'on l'a vu précé demment, il forme la premiére admonition directe qui leur ait été faite fur la Police de leurs Bois: Ce qui a ouvert le chemin aux Loix précises qu'on leur a impofées depuis pour fixer leur régie & admi

JURISDICTION.

Tire Premier de l'Ordonnance de 1669.

CHAPITRE PREMIER.

Article I.

nistration, felon les vues du bien public, qui forment un des principaux & des plus privilégiés objets de l'exercice de l'autorité. Cet Article après avoir dit : Les Princes, Prélats, Eglifes, Seigneurs, Nobles, Vaffaux, & autres nos Sujets, pourront, fi bon leur femble, user chacun en fon regard, en leurs Bois & Forêts, des Ordonnances deffufdites; ajoute, & aufurplus admoneftons lefdits Princes, Prélats, Eglifes, Seigneurs, Nobles, Vaffaux, & autres nos Sujets, de donner tel ordre & provifion à l'entretennement de leufdits Bois & Forêts, en ayant égard à nos Ordonnances, que par leur faute & négligence n'en advienne inconvénient à la chofe publique, Sujets de notredit Royaume. Cette Ordonnance fut enregistrée au Parlement de Paris au mois de Février de la même année. Or, on obfervera qu'avant 1515. les Ordonnances concernant les Eaux & Forêts n'étoient pas toujours enregistrées aux Parlemens, & ne lais foient cependant pas que d'être obfervées.

Nous voyons ce même Prince, dès le mois de Juin 1537, aller plus loin, du moins avec les Eccléfiaftiques, fur les plaintes qui lui étoient revenues des abus qu'ils commettoient ou toleroient. Avons Statné & ordonné, dit-il, ftatuons & ordonnons par ces Préfentes, que Bois & Forêts de haute futaye appartenans aux Eglifes, devenus indamnes

les

amortis, feront confervés & gardés; & leur inhibons & interdifons les coupes extraordinaires; & fauf toutes fois où il y auroit cause ou néceffité urgente concernant le fait des Eglifes, & fera procédé à la permission, ainfi qu'il appartiendra.

Il femble que François I. ait voulu fignaler la fin de fon régne par des arrangemens en matière d'Eaux & Forêts, encore plus circonftancies & plus étendus que ceux qu'il avoit faits précédemment. Tel fur l'Edit de ce Prince du mois de Décembre 1543, enrégistré au mois de Mars 1544. Le préambule de cet acte fait preuve de ce que nous avons dit, que dans les tems précédens les Grands-Maîtres, leurs Lieutenans & autres Officiers, connoissoient auffi de toutes Eaux & Forêts autres que celles du Roi, MAIS AU MOYEN DE DELEGATIONS ET COMMISSIONS EXTRAORDINAIRES QUI LEUR EN E'TOIENT ADRESSE'es par LE ROI. Il établit en même tems l'intérêt que le Roi & l'Etat ont à la confervation des Eaux & Forêts de tout le Royaume.

Par le premier Article, les Prélats, Princes, Nobles, Communautés, &c. ont la liberté de pouvoir poursuivre leurs droits, causes, ac

JURISDICTION.

Titre Premier de l'Ordonnance de 1669.

Article I.

CHAPITRE PREMIER.:

tions & raifons, tant en demandant, qu'en défendant, concernant leurs Rivieres & Forêts, en première instance, foit devant le Maître Particu Lier des Eaux & Forêts du Roi, ou le leur s'ils en ont dans leurs Justices, &par appel devant le Grand-Maître en fon Siége de la Table de Marbre. Et pour cet effet, François I. crée par l'Article II. fix Confeillers à la Table de Marbre de Paris, pour administrer la Justice ès Eaux & Forêts du Roi & de fes Sujets.

Tel fut enfin l'Edit du mois de Juillet 1544, enregistré au mois de Septembre de la même année, pour la réformation des Eaux &: Forêts de Bretagne, dont l'Article IX. évoque au Roi, & renvoye. aux Officiers des Eaux & Forêts, tous les Procès concernant le fait · d'Eaux & Forêts, & Pêcheries, qui étoient pendants pardevant aucuns Maîtres, Juges & Officiers du Pays de Bretagne.

*

Chaque Régne fucceffivement a perfectionné l'administration des Eaux & Forêts. Et en effet, Henry II. Succeffeur de François I. après avoir, par un Réglement général du mois de Février 1554 gi établi des Grands-Maîtres en chaque Parlement, & des Siéges de. Maîtrise en titre d'Office formé en chaque Bailliage ou Sénéchauf fée, & réglé la Police qu'il vouloit être observée dans ses Forêts, fit au mois de Novembre de la même année, un Edit pour régler la Jurifdiction des Eaux & Forêts en Bretagne; & cet Edit peut & doit être regardé comme une explication de l'Edit de 1543 en fon Article. II. qu'il rappelle nommément. Comme c'eft le premier acte qui se. foit expliqué avec autant de netteté & d'étendue, on croit devoir en rapporter ici les principaux paffages.

Après avoir établi, à l'inftar de celui de Paris, des Siéges d'Eaux & Forêts dans les Villes de Nantes, Rennes & Quimpercorentin Henry II. dit: Et pour totalement employer ledit Grand-Maître, fefdits Lieutenans, nos Procureurs, &c. leurs avons par ces Préfentes, tant en gé néral qu'en particulier, attribué & attribuons la totale Cour, Jurifdiction &connoiffance de toutes les Forêts, Bois, Buffons, Parcs, Garennes, Chaf fes, Ifles, Pátis communs, Communautés, Üfages, Priviléges, Colombiers.

Volieres, Landes, Marais, droits de Grurie, Grairie, & autres droits &appartenances des Eaux & Rivieres, tant grandes que petites, Etangs, Viviers, Palus, Gords, Javeaux, Eclufes, Pêcheries épaves, Entreprifes,

Qa reparlera plus au long de cet Edit au commencement du Titre des Gruyers Royaux

Ufurpations

JURISDICTION.

CHAPITRE PREMIER.

Titre Premier de l'Ordonnance de 1669.

Article I.

Ufurpations, Défrichis, Effartis, Dégats; femblablement de tous les Chemins, Routes, Sentiers, Allaires, Affiettes, Motions & Limites, des excès, injures, crimes & délits qui feront faits, tant dedans que fur les rives des chofes fufdites, &........ .... des baux, contrats, main-levées & délivrances faites pour raifon de ce que deffus, &c. Soit auffi que lesdites Forêts, Bois, Buiffons, Fleuves, Rivieres & chofes fufdites, foient à Nous nuement appartenant, ou aux Princes, Prélats, Gens d'Eglife, Communautés & Seigneurs, & autres nos Sujets particuliers de nofdits Pays & Duchés, & ce fuivant ce qui a été attribué au Grand-Maître des Eaux & Forêts de notre Royaume, & à fefdits Lieutenans à la Table de Marbre de notre Parlement à Paris.

L'étendue de ces attributions fouffrit beaucoup de difficultés au Parlement de Bordeaux, entr'autres lorfqu'on y préfenta l'Edit de 1575, qui en créant fix Grands-Maîtres, répétoit ces mêmes attributions; & enfin il fut dit dans l'Arrêt d'enregistrement qui suivir les Lettres de juffion : Et en outre, connoîtront lefdits Officiers, Grands Maîtres & Reformateurs des Eaux & Forêts, des malverfations & abus commis ès Forêts des Princes du Royaume, Prélats, Colleges, Communau tés, Gentilshommes & autres.

Tels font auffi, avec très-peu de différence, comme nous l'obferverons en fon lieu, les termes du Titre de la Jurifdiction de l'Ordonnance des Eaux & Forêts du mois d'Août 1669.

Cependant Henry II. fit, par rapport aux Eccléfiaftiques, une difpofition particuliére: car, par fon Edit du mois de Février 1558, par lequel il renouvella les défenfes à eux faites de couper aucuns Bois de futaye, il ajouta, fans obtenir fur ce premiérement nos Lettres de provifion adreffantes à notre Cour de Parlement de Paris, & qu'elles foient en icelles vérifiées, après information & enquête dûement faite par fon Ordonnance, fur la néceffité & caufe urgente,&c.

Cette forme particuliére ne fubfifta pas long-tems; & effectivement, cette attribution particuliére ne pouvoit être que fort embarraffante pour l'expédition des affaires de cette efpéce, dans toute l'étendue du Royaume! Auffi en l'année 1579, la Déclaration d'Henry III. fur la coupe des futayes des Eccléfiaftiques, ordonne: Que les Permiffions feront vérifiées aux Cours des Parlemens, & leur exécution y eft renvoyée aux Officiers des Eaux & Forêts exclufivement.

Tome I..

B

« PreviousContinue »