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22 Octobre.

Ses conventions rétablissant les choses sur le pied où elles étaient avant l'approche des troupes françaises, ne satisfirent point Clavières, qui voulait le triomphe du parti populaire dans toute son étendue. On imposa d'autres conditions qui auraient tout brouillé en renversant les anciens traités de Genève avec la Suisse; et des agens de confiance de la faction de la Gironde, furent chargés de hâter le dénouement de la nouvelle négociation, ou pour parler plus juste, de déterminer la rupture. Montesquiou sut détourner le coup instruit qu'on agitait à Berne, le renvoi de l'ambassadeur de France, Barthélemy; que la diète était restée assemblée; que malgré les décla rations de neutralité, un nouveau renfort allait entrer à Genève; enfin prévenu que l'envoyé anglais s'était rendu dans cette ville pour encourager le sénat à la résistance, en lui promettant l'appui de la Grande-Bretagne ; il crut devoir encore 2 Novemb. rendre un service à son pays, en signant une seconde convention peu différente de la première :

Accusation et fuite de ce général.

il appuya ces mesures de raisonnemens si victorieux qu'il parvint aisément à convaincre le conseil.

Cependant ses ennemis, furieux de ne pouvoir triompher de sa prudence et de sa modération, l'attaquèrent plus ouvertement en l'accusant de trahison ou de péculat, et Clavières ne rougit pas de leur prêter son ministère pour

le perdre. Sur un rapport plein de faussetés, fait par Rovère, et appuyé par Tallien, le brave général fut mis en accusation par un décret de la Convention. Informé à temps par ses amis, il évita par la fuite, le sort réservé à ceux qui, dans ces jours désastreux, avaient le malheur 'de résister ou de déplaire aux anarchistes: il se réfugia en Suisse, emportant avec lui l'estime universelle, les regrets de tous les bons Français, la reconnaissance et la vénération des Genevois.

tions sont

Débarrassés de toutes entraves, les diplomates Ses négociarévolutionnaires, exaltés par les succès de Du- néanmoins mouriez, persistèrent à insister sur le départ des approuvées. Suisses, sans admettre aucun des autres articles, et provoquèrent, le 21 novembre, un décret à la suite duquel les troupes des deux partis se retirèrent le premier décembre. Celles de l'armée des Alpes cantonnèrent en Savoie; les contingens Bernois furent licenciés et renvoyés dans leurs foyers. Ainsi la France redevable à Montesquiou du service le plus éminent qui lui eût été rendu dans le cours de cette année, après l'expulsion des coalisés, l'en paya d'ingratitude, comme cela n'arrive que trop souvent dans les républiques.

A la vérité, le parti de Clavières triompha à Genève aussitôt que les troupes suisses l'eurent quitté la révolution opérée sans seccusse re

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marquable, se fit le 7 janvier, sous l'influence de M. de Châteauneuf; le parti plébéien reprit dans les affaires une supériorité décidée, et il en fit du moins usage sans commettre d'excès.

La victoire de Jemmapes remportée sur ces entrefaites, avait sans doute beaucoup contribué à la tournure heureuse que prirent ces affaires; cependant le général n'en conserva pas moins tout l'honneur de cette négociation, car si l'on eût tiré un coup de fusil, on ne saurait trop calculer quelles en auraient été les suites. Il est permis de croire que des succès en Belgique, n'eussent point arrêté le cours d'une guerre, commencée avec acharnement par une nation belliqueuse, sur la frontière dégarnie de la Franche-Comté et de l'Ain.

Le colonel Weiss contribua de son côté, par la modération et la sagesse qu'il développa dans uue mission de la même nature, à rapprocher les deux républiques; leurs rapports furent plusieurs années sans nuage, jusqu'à ce que la tourmente révolutionnaire entraînant tout dans son cours, vint jeter en Suisse de nouveaux élémens de discorde.

Armée du Var.

Tandis que ces choses se passaient à l'armée des Alpes, celle du Var était soumise à de plus

rudes épreuves. Les plaintes occasionnées par les désordres des troupes furent si multipliées, et d'une nature si grave, que la Convention chargea plusieurs de ses membres de faire une enquête sur la conduite du général en chef Anselme. Les militaires lui reprochaient de s'être endormi à Nice, sans penser à occuper Saorgio, quand il en était encore temps. Les amis de l'ordre lui attribuaient la destruction de tous les liens de la discipline, les sociétés populaires voulaient le rendre responsable des dilapidations des magasins et des friponneries de ses administrations, dont l'esprit de rapine avait, selon elles, arrêté l'élan des Niçards vers la liberté.

Assez adroit pour conjurer ce nouvel orage, le général attira l'attention des commissaires sur les affaires intérieures de la province, en opposant aux griefs portés contre lui, le vœu émis par quelques affidés pour la réunion du comté de Nice à la France, désir qui semblait confondre ses accusateurs.

Au moment où il jouait cette comédie, les Sardes réunis au nombre de 7 à 8 mille hommes, sous les ordres du comte Saint-André, partaient de Saorgio pour enlever le général Brunet dans Sospello. Cette entreprise, exécutée par plusieurs petites colonnes, courant en direction divergente depuis la Vésubia jusqu'à la mer, ne pouvait avoir qu'un succès éphémère. Suivant quel

ques versions, le plan des Piémontais n'était pas de s'étendre autant qu'ils le firent; leur colonne de droite s'égara, et au lieu de descendre du Moulinet sur le col de Braus, s'en alla vers Luceram. Ces petits détachemens, traversant des vallées difficiles par Breglio et Bevera sur Castiglione contre la droite, par Brouis sur Sospello au centre, par Moulinet et Luceram contre la gauche, opérèrent sans ensemble. Brunet poussé de front et menacé de loin, se replia de Sospello sur l'Escarena, sans autre perte que celle d'une centaine d'hommes et de 3 petites pièces de canon. Anselme accouru de Nice à son secours avec 4 bataillons, ayant repris Sospello, les Sardes se replièrent sur Breglio et Saorgio, d'autant plus inquiets de ce retour de fortune qu'ils n'avaient aucune communication entre eux. Dumerbion était resté dans Levenzo, contenu par les démonstrations de l'ennemi.

Le général Anselme, craignant désormais de pousser ses détachemens trop loin, se décida à évacuer Sospello, porta la brigade Brunet à l'Escarena et au col de Braous; puis il confia le commandement au général Dagobert, vieillard aussi respectable par son courage que par la noblesse de son caractère, et auquel nous verrons jouer un rôle plus digne de lui aux Pyrénées dans la campagne suivante.

Enhardis par cette retraite des postes français,

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