Page images
PDF
EPUB

les idées nouvelles, et qui ne voyaient rien audessus d'un gouvernement démocratique.

Des intelligences ménagées par Custine avec quelques clubistes de cette ville, lui apprirent que la place était abandonnée à la garde de 2 mille soldats de l'archevêque, et de 800 Autrichiens vus de mauvais œil. Cette garnison était plus que suffisante, à la vérité, pour lui en fermer l'entrée car, c'était assez d'en lever les ponts: levis pour que la place n'eût rien à craindre d'un corps de 15 à 20 mille hommes, dénué de tout moyen de siége, et hors d'état même de passer le Rhin pour en former l'investissement. Mais les patriotes Mayençais comptaient dans leurs rangs le professeur de mathématiques, Eckmayer, qui, en sa qualité d'ingénieur, exerçait une grande influence sur le général Gymnich; et se flattait de le décider à se rendre. La circonstance était

trop belle pour la laisser échapper (1). Custine, ravi d'ailleurs de trouver un prétexte pour

(1) En publiant, en 1805, un premier aperçu de cette cam pagne, j'ai blâmé cette entreprise comme contraire aux principes, en ce qu'elle s'écartait trop des armées agissantes. J'ignorais alors toutes les circonstances de la négociation de Custine. Certain de la reddition de la place, comme il paraît qu'il le fut, on ne peut qu'approuver la résolution qu'il prit de s'en emparer. Dans toute autre hypothèse, la marche vers la Moselle eû: été plus convenable surtout à la fin de septembre.

ne pas se diriger vers la Moselle, se décida à s'avancer sur Mayence.

L'expédition allait se mettre en marche, lorsque le bruit de l'arrivée de 25 mille Autrichiens, semé par quelques recruteurs dans la vue de se donner de l'importance, jeta l'épouvante dans l'ame du général, et lui fit prendre le parti de revenir sous Landau. Ce singulier contre-temps fut un bonheur pour lui, tant les événemens de la guerre tiennent souvent à de petites causes. Les préparatifs d'armement, ordonnés par la régence électorale au bruit de l'approche de Custine, furent interrompus, aussitôt que par sa retraite, on se crut à l'abri du danger. Mais les invitations des propagandistes devenant plus pressantes, et le général républicain ayant acquis la certitude que, de la Moselle au Rhin il n'existait pas un ennemi, il reprit bientôt son premier projet.

On lui proposa de chercher , par les mêmes moyens, à se faire ouvrir les portes de Manheim: la crainte de porter atteinte à la neutralité de l'Electeur Palatin, l'empêcha, dit-on, de s'y résoudre, et, puisqu'il n'était pas en droit de juger des motifs qu'avait le gouvernement de la respecter, il ne paraît pas qu'il faille l'en blâmer.

Arrivé devant Mayence le 19 octobre, il em- Capitulation de Mayence. ploya d'abord quelques heures à faire parade de ses 21 octobre. forces, en les multipliant par des marches et des

contre-marches aux yeux de la garnison, qu'il fit ensuite sommer. Sachant bien qu'il ne pouvait se rendre maître de la place qu'en inspirant la terreur à son commandant, Custine lui adressa une sommation menaçante, et choisit pour la porter le colonel Houchard, dont la stature colosşale, la figure balafrée et l'éloquence soldatesque, cadraient à merveille pour cette mission. Un conseil fut assemblé : Eckmayer y jouant le rôle convenu, prouva qu'on n'était point en mesure de se défendre; exagéra les suites d'une escalade, et démontra qu'avec des Français entreprenans, le succès en serait infaillible. La place manquait, à la vérité, de la plupart des choses nécessaires à sa défense; mais Custine, loin d'avoir les moyens de commencer un siége, n'était même pas pourvu de ce qu'il fallait pour

un coup de main. Cependant les raisons de l'ingénieur entraînèrent le vieux commandant, dont tous les exploits s'étaient bornés à faire défiler la parade devant le palais de l'Electeur. Par une circonstance assez bizarre, le même ministre Stein, qui, dès-lors a fait tant de bruit en Europe, se trouvant à cette époque, envoyé de Prusse auprès l'Electeur, opina pour la reddition, qui fut résolue malgré les représentations du baron d'Albini, ministre d'Autriche.

La capitulation proposée par Eckmayer, n'éprouva pas d'opposition, et la forteresse fut

remise le 22. La garnison, qui avait un pont pour s'en aller à Cassel sans que Custine pût y mettre le moindre obstacle, et qui n'avait qu'à enlever un ponton pour être à l'abri de toute poursuite, mit bas les armes après s'être engagée à ne pas servir d'un an. Les 800 Autrichiens, seuls, indignés d'une telle lâcheté, quittèrent la place malgré le gouverneur, et s'en allèrent, sous la conduite du lieutenant-colonel Andujar, rejoindre le prince d'Esterhazy.

Par cet accident remarquable, les alliés, qui n'avaient sur le Rhin que le pont de Mayence à l'abri d'insulte, le virent tomber entre les mains de l'ennemi, et furent cruellement punis d'une imprévoyance qui tenait autant à leurs préjugés militaires, qu'à un excès de présomption. Nous avons vu, en 1812, l'armée française marchant sur le Niemen, raser les faubourgs de Magdebourg, et mettre cette ville dans un état formidable de défense, seulement pour s'assurer du passage de l'Elbe, tandis qu'on possédait toutes les places de l'Oder et de la Vistule. Cette précaution louable, bien qu'elle ne fût pas de nature à influer sur les événemens qui se passè rent aux rives du Dniéper, contraste avec la négligence de ces généraux présomptueux, qui se jetaient en Champagne, sans mettre à cou vert le seul point de retraite qu'ils eussent sur la ligne du Rhin.

Embarras des alliés. On

Cet événement eut lieu à l'instant où les Prusnéglige de siens revenaient vers Longwy; et il est aisé de les prévenir sur le juger, d'après cela, dans quel embarras Custine les eût placés, en descendant sur Coblentz, pour y détruire le magasin qui devait les alimenter dans le pays de Trèves. Cette marche était hardie, sans doute, surtout en longeant la gauche du Rhin, sur lequel il n'avait pas de ponts: mais il n'était pas impossible de l'exécuter par la rive droite, en prenant Ehrenbreitstein qui n'était gardé que par une centaine d'invalides de l'Electeur; et en rassemblant à l'embouchure de la Lahn, tous les bateaux nécessaires pour 'aller détruire ou enlever le dépôt de Coblentz. Par ce moyen', l'on eût évité tous les risques d'une marche entre le fleuve et l'armée ennemie. D'ailleurs, ces risques pouvaient n'être qu'apparens: car, outre que l'armée française eût été couverte par la Moselle, le délabrement des Prussiens les portant à songer avant tout à leur salut, les eût empêchés de la troubler dans son entreprise. En effet, on ne juge pas toujours exactement la force d'un corps ennemi qui se jette sur nos communications : le duc de Brunswick, se voyant sérieusement menacé, n'aurait pu croire que 15 mille hommes osassent ainsi s'exposer; et il eût songé à se mettre en sûreté par une retraite sur Wesel, avant de penser à la possibilité d'accabler Custine : il n'était même

« PreviousContinue »