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cette annonce d'un concert inconnu entre toutes les puissances de l'Europe, la tournure et le ton de l'office ont fait une impression dont les gens les plus sages n'ont pu se défendre, et qu'il n'a pas été au pouvoir du Roi d'effacer.

Je reviens à l'objet essentiel de la guerre. Est-il de l'intérêt de l'Empereur de se laisser entraîner par cette fatale mesure? Je supposerai, si l'on veut, tout ce qu'il y a de plus favorable pour ses armées; eh bien! qu'en résultera-t-il? que l'Empereur finira peut-être par être plus embarrassé de ses succès, qu'il ne l'eût été de ses revers; et que le seul fruit qu'il retirera de cette guerre sera le triste avantage d'avoir détruit son allié, et d'avoir augmenté la puissance de ses ennemis et de ses rivaux.

Je crois donc de la dernière évidence que la paix convient autant à l'Empereur qu'à la France; je crois qu'il lui convient de conserver une alliance qui désormais ne peut avoir aucun inconvénient pour lui, et qui peut lui devenir utile; je crois qu'au lieu de prendre part à des mesures qui tendraient à bouleverser le royaume, il doit au contraire désirer sa force et sa prospérité.

Vous devez, Monsieur, chercher des explications sur trois points: 1o sur l'office du 21 décembre; 2° sur l'intervention de l'Empereur dans nos affaires ultérieures; 3o sur ce que Sa Majesté impériale entend par les souverains réunis en concert pour la sûreté et l'honneur des couronnes.

Chacune de ces explications demandées à sa justice,

peut être donnée avec la dignité qui convient à sa per* sonne et à sa puissance.

Une chose peut-être embarrassera la cour impériale dans l'explication que je la suppose disposée à vous donner, c'est l'affaire des princes possessionnés, dans laquelle l'Empereur s'est cru obligé d'intervenir comme chef de l'Empire. Mais j'observerai d'abord que c'est une affaire à part et qui doit être traitée différemment que celle dont il s'agit actuellement. J'ajouterai que le décret du 14 donne à cette négociation beaucoup plus de latitude qu'elle n'en avait précédemment; car à l'exception de tout ce qui pourrait tendre à rétablir les droits féodaux sur le territoire de France, ce qui était et qui sera toujours impossible; tout le reste devient permis, et certainement le Roi ne se refusera jamais à aucun arrangement raisonnable, et je crois pouvoir espérer que l'assemblée nationale sera disposée à adopter ce que Sa Majesté proposera sur cet objet.

Je me résume, Monsieur, et je vais vous exprimer en un mot le vœu du Roi, celui de son conseil, et je ne crains pas de le dire, celui de la saine partie de la nation. C'est la paix que nous voulons; nous demandons à faire cesser cet état dispendieux de guerre dans lequel on nous a entraînés, nous demandons à revenir à l'état de paix; mais on nous a donné de trop justes sujets d'inquiétudes, pour que nous n'ayons pas besoin d'être pleinement rassurés.

N° 13.

Rapport de Dumouriez au Roi.

Sire, lorsque vous avez juré de maintenir la con >stitution qui a assuré votre couronne, lorsque votre > cœur s'est sincèrement réuni à la volonté d'une grande > nation libre et souveraine, vous êtes devenu l'objet de la haine des ennemis de la liberté. L'orgueil et la tyrannie ont agité toutes les cours; aucun lien natu» rel, aucun traité n'a pu árrêter leur injustice. Vos → anciens alliés vous ont effacé du rang des despotes; » mais les Français vous ont élevé à la dignité glorieuse » et solide de chef suprême d'une nation régénérée. Vos » devoirs sont tracés par la loi, que vous avez acceptée, » et vous les remplirez tous. La nation française est calomniée; sa souveraineté est méconnue; des émi grés rebelles trouvent un asile chez nos voisins; ils » s'assemblent sur nos frontières ; ils menacent ouver»tement de pénétrer dans leur patrie, d'y porter lë » fer et la flamme. Leur rage serait impuissante, ou peut-être elle aurait déjà fait place au repentir, s'ils n'avaient pas trouvé l'appui d'une puissance qui a > brisé tous ses liens avec nous, dès qu'elle a vu qué notre régénération changerait la forme de notre al»liance avec elle, la rendrait nécessairement plus égale.

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Depuis 1756, l'Autriche avait abusé d'un traité d'alliance que la France avait toujours trop respecté,

» Ce traité avait épuisé depuis cette époque notre sang

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» et nos trésors, dans des guerres injustes que l'ambition suscitait, et qui se terminaient par des traités dictés par une politique tortueuse et mensongère, qui lais»sait toujours subsister des moyens d'exciter de nou» velles guerres. Depuis cette fatale époque de 1756, la France s'avilissait au point de jouer un rôle subalterne » dans les sanglantes tragédies du despotisme; elle était » asservie à l'ambition toujours inquiète, toujours agis»sante de la maison d'Autriche, à qui elle avait sacrifié » ses alliances naturelles (1).

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que

la maison d'Autriche a vu dans notre > constitution que la France ne pourrait plus être le » servile instrument de son ambition, elle a juré la des>truction de cette œuvre de la raison; elle a oublié tous » les services que la France lui avait rendus; enfin, ne » pouvant plus dominer la nation française, elle est de» venue son ennemie implacable.

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» La mort de Joseph II semblait présager plus de tranquillité de la part de son successeur; Léopold qui avait appelé la philosophie dans son gouvernement » de Toscane, paraissait ne devoir s'occuper que de ré>> parer les calamités que l'ambition, démesurée de son prédécesseur avait attirées sur ses états. Léopold n'a >> fait que paraître sur le trône impérial, et cependant » c'est lui qui a cherché à exciter sans cesse contre >> nous toutes les puissances de l'Europe. C'est lui qui

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(1) Rien de si dangereux en diplomatie que ces phrases éloquentes dénuées de tout fondement; le sang français qui a coulé depuis 1756 à Minden, Crevelt, Wilhemsthal, a coulé pour avoir le Hanovre, et non pour l'Autriche.

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a tracé dans les conférences de Padoue, de Reichenbach, de La Haye et de Pilnitz, les projets les » plus funestes contre nous; projets qu'il a couverts, Sire, du prétexte avilissant d'une fausse compassion » pour Votre Majesté, pendant que vous déclariez » à tout l'univers que vous étiez libre; pendant que > vous déclariez que vous aviez accepté franchement, » et que vous soutiendriez de tout votre pouvoir la ⚫ constitution. C'est alors, que calomniant la nation dont vous êtes le représentant héréditaire, et vous faisant l'outrage de feindre de ne pas croire à votre » liberté et à la pureté de vos intentions, ce prince employait tous les ressorts d'une politique sombre et astucieuse, pour grossir le nombre des ennemis de la France, sous les prétextes les moins faits pour autoriser une ligue aussi menaçante. C'est Léopold qui, lié depuis long-temps avec la Russie, pour partager les dépouilles de la Pologne et de la Turquie, a détaché de notre alliance ce roi du Nord, dont l'inquiète activité n'a pu être arrêtée que par la mort, >> au moment où il allait devenir l'instrument de la fu>> reur de la maison d'Autriche.

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» C'est Léopold qui a animé contre la France le suc>cesseur de l'immortel Frédéric, contre lequel, par » une fidélité à des traités imprudens, nous avions, » depuis près de quarante ans, défendu la maison d'Autriche. C'est Léopold qui s'est déclaré le chef d'une ligue qui tend au renversement de notre constitution. C'est lui qui, dans des pièces officielles que l'Europe jugera, invite une partie de la nation française à » s'armer contre l'autre, cherchant à réunir sur la

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