Page images
PDF
EPUB

et Phocion n'avaient pas été sans patrimoine, et comme si l'athénien Ménade, qui a vendu sa patrie, n'avait pas été un des plus riches citoyens d'Athènes ?

Devait-on attendre ce langage d'un ministre, dont la lettre de notification de la constitution française ne parle ni de la nation, ni de la liberté, et dont la sécheresse indique assez la haine pour la révolution? Devait-on l'attendre d'un ministre qui est parti sans rendre ses comptes, et en demandant une loi pour la restriction de la presse, sous prétexte que cette liberté indéfinie tendait à indisposer contre nous les gouvernemens étrangers? Ce n'est plus avec les gouvernemens que nous avons à traiter, mais avec les nations, et nous saurons toujours respecter leurs droits. Les fondateurs de la liberté américaine ont obtenu nos hommages; qu'ils les imitent et nous leur éleverons des statues.

Des hommes à conceptions étroites, qui viennent prêcher contre la liberté de la presse, ignorent-ils qu'ils n'armeront plus les nations, pour se venger d'un paragraphe d'une gazette, et tenir pendant trente ans un malheureux gazetier dans une cage de'fer? ignorent-ils que les peuples libres, tels que les Anglais et les Américains, maltraitent aussi les gouvernemens? Ils ne savent donc pas que la liberté de la presse est la base de la liberté politique; que toute atteinte qui y serait portée serait un crime; que si, sous prétexte des égards dus aux gouvernemens étrangers, on pouvait capituler sur cette loi fondamentale, autant vaudrait-il capituler sur toutes les autres. Ce langage aurait peut-être été tenu auprès des gouvernemens étrangers, si les bureaux des affaires étrangères eussent été mieux composés; et à

qui appartenait-il de faire ce changement? au ministre, s'il n'avait voulu soustraire son département à l'influence `de la révolution. Dans tous les actes, au contraire, qui sortent de ses bureaux, on ne voit que le nom du Roi; la nation semble ne pas exister. Dans le discours que le Roi a prononcé le 14 de ce mois dans l'assemblée, il annonce qu'il fait déclarer à l'électeur de Trèves, qu'il le regarderait comme ennemi, s'il ne dispersait les rassemblemens. J'aurais aimé à entendre dans la bouche d'un Roi constitutionnel une expression plus significative; qu'il eût dit: la nation vous regardera comme ennemi; car c'est le vœu de la nation que le Roi exprimait, puisque ce n'est que d'après ce vœu manifesté qu'il peut faire des préparatifs de guerre. Mais que peuvent penser de notre révolution les puissances étrangères, quand elles voient nos ministres jouer une comédie à la face même de la nation; lorsqu'elles ont vu le ministre des affaires étrangères vous cacher les secrets les plus importans, ou ne les révéler que lorsque l'opinion publique l'y avait contraint? A la place de ces communications franches et loyales, je ne vois en effet que des conférences mystérieuses, concertées à l'avance, et auxquelles on a préparé les journaux, pour lesquelles on commande les proclamations, on concerte les applaudissemens, les ajournemens, les motions d'impression, etc. etc.

Ah! s'ils pouvaient se pénétrer qu'au lieu de tant de réserve, ils gagneraient bien plus par la franchise s'ils se concertaient avec nous, s'ils ne nous harcelaient pas par des chicanes, s'ils ne prêchaient pas contre la liberté de la presse, lorsqu'ils en abusent eux-mêmes par des

proclamations incendiaires; s'ils ne nous parlaient pas toujours de la nécessité de l'ordre dans les finances, en même temps qu'ils ne nous rendent pas compte; de leur amour pour la révolution, en même temps qu'ils s'élèvent contre toutes les lois qui tendent à la protéger; en un mot, les affaires iraient bien mieux, si nous ne perdions pas tant de temps à défier les ministres d'être de bonne foi comme nous. Nous voterons la guerre avec eux, qu'ils votent avec nous le décret d'accusation. Nous entreprendrions la guerre pour punir les princes étrangers, et nous laisserions impunis les princes français ! puisqu'il est en votre pouvoir seul de rendre cet hommage aux principes, essayez votre courage pour châtier enfin ces rebelles.

Les conclusions de Brissot furent: 1° que le comité de législation présenterait, dans huit jours, un projet de décret d'accusation contre les princes; 2o que le Roi serait chargé de rappeler les envoyés de France près des cours de Russie, de Suède, de Madrid et de Rome, et de congédier les ministres de ces cours; 3o que Sa Majesté réclamerait auprès de la cour d'Es pagne l'exécution du traité des Pyrénées; et en conséquence, une réparation authentique des procédés injurieux de ce gouvernement, à l'égard de plusieurs français, et du refus de porter des secours dans la partie française de Saint-Domingue; 4° que le Roi réclamerait aussi auprès de l'Empereur l'exécution du traité du 1er mai 1756, et le requerrait en conséquence de réduire les troupes, dans le Brabant, au nombre fixé par les traités, et d'interposer non-seulement ses bons offices, mais ses forces auprès des princes de l'Empire,

pour défendre et empêcher tout rassemblement d'émigrés; 5o que le ministre des affaires étrangères serait tenu de communiquer toutes les nouvelles qui intéresseraient la sûreté de l'état, au comité diplomatique, qui serait chargé d'examiner les différens traités qui liaient la France avec les puissances étrangères, et d'indiquer les changemens qu'il convenait d'y faire.

Extrait du discours prononcé par Isnard,
le 29 novembre 1791..

La voie des armes, a dit M. Isnard, est la seule qui nous reste contre des rebelles. Toute idée de capitulation serait un crime de lèse-patrie. Elevons-nous à toute la hauteur de notre mission. Parlons aux ministres, au Roi, à l'Europe, avec la fermeté qui nous convient. Disons à nos ministres, que jusqu'ici la nation n'est pas très-satisfaite de la conduite de chacun d'eux; que désor. mais ils n'ont à choisir qu'entre la reconnaissance publique et la vengeance des lois, et que par le mot responsabilité nous entendons la mort. Disons au Roi, que son intérêt est de défendre la constitution; que sa couronne tient à ce palladium sacré; qu'il ne règne que par le peuple et pour le peuple; que la nation est son souverain, et qu'il est sujet de la loi. Disons à l'Europe, que le peuple Français, s'il tire l'épée, en jettera le fourreau; qu'il n'ira le chercher que couronné des lauriers de la victoire, et que, si malgré sa puissance et son courage il succombait en défendant sa liberté, ses ennemis ne règneraient que sur des cadavres. Disons à l'Europe, que, si les cabinets engagent les rois dans

une guerre contre les peuples, nous engagerons les peuples dans une guerre contre les rois. Disons-lui que tous les combats que se livrent les peuples par ordre des despotes, ressemblent aux coups, que deux amis, excités par un instigateur perfide, se portent dans l'obscurité. Si la clarté du jour vient à paraître, ils jettent leurs armes, s'embrassent, et châtient celui qui les trompait de même si, au moment que les armées ennemies lutteront avec les nôtres, le jour de la philosophie frappe les yeux, les peuples s'embrasseront à la face des

tyrans détrônés, de la terre consolée et du ciel satisfait.

[ocr errors]

Extrait du discours prononcé par Brissot, le 17 janvier 1792.

Le masque est enfin tombé; votre ennemi véritable » est connu. L'ordre donné au général Bender vous apprend son nom, c'est l'Empereur. Les électeurs n'étaient que ses prête-noms; les émigrans n'étaient qu'un instrument dans sa main. Vous devez maintenant mépriser les émigrans ; c'est à la haute-cour na⚫tionale à venger la nation de la révolte de ces princes › meudians... Les électeurs ne sont pas plus dignes de votre colère, la peur les fait prosterner à vos pieds... • Votre ennemi véritable, c'est l'Empereur... Il cherche . à vous attaquer ou à vous effrayer... Si vous devez ⚫être attaqués, il vous convient de prévenir; si l'on ▸ veut vous amuser, vous ne devez pas vous endormir; ⚫ si l'on ne tend qu'à vous forcer par la terreur à une ▪ capitulation indigne de vous, il faut réaliser ce que • Vous avez cent fois promis: la constitution ou la

[ocr errors]
« PreviousContinue »