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D'ailleurs l'administration de ce premier ministre est assez connue, elle fut sage, modérée; mais l'âge avancé du cardinal lui imprima une pusillanimité constante (il avait alors 73 ans.) Sa politique porta l'empreinte de sa faiblesse, il sacrifiait tout au désir de ne pas faire la guerre. Le traité de Vienne amena des hostilités entre l'Angleterre et l'Espagne, alliée de l'Autriche : le mier soin du cardinal fut de réconcilier la France avec Philippe V, et d'intervenir comme médiateur; il fit signer un arrangement à Paris, et la compagnie d'Ostende fut suspendue pour sept ans, à la sollicitation de la France. L'habile Walpole obtint ainsi, de la faiblesse et de la vanité du cardinal, ce qu'il avait obtenu, par ses guinées, de Dubois et de la marquise de Prie.

La paix dura jusqu'en 1733, année où la mort du roi de Pologne, Auguste III, alluma une guerre aussi singulière que tout ce qui se passait dans cette période remarquable.

Le ministère de Versailles soutint faiblement Stanislas Leczinsky, beau-père du roi, appelé au trône de Pologne par ses droits, et, ce qui vaut mieux encore, par les voeux de toute la nation. L'Autriche soutint un roi donné par la Russie, et contribua ainsi à consolider l'empire de cette puissance en Pologne: elle paya cette faute par la perte de l'Italie et par des revers sur le Rhin. La France, qui n'envoya que 1500 hommes avec Sta

nislas, fit entrer ses armées en Lombardie pour soutenir ces mêmes droits de la maison de Bourbon, que l'Autriche avait reconnus huit ans auparavant, et, ce qu'il y eut d'extraordinaire, c'est que les Espagnols furent débarqués en Toscane par une flotte anglaise.

Les puissances maritimes s'acharnaient à des guerres continentales, et les Anglais étaient trop sages pour ne pas les y encourager; ils eurent même le talent de se faire payer, par des concessions coloniales, un service apparent qui devait détourner sur l'Autriche les moyens et les efforts de la puissance espagnole : ils obtinrent le droit de trafiquer à Porto-Bello, pour avoir mis Philippe V aux prises avec les Autrichiens.

royaume

L'infant don Carlos descendit dans le de Naples, dont il fit la conquête ; le duc de Mortemar la consolida par la victoire de Bitonto; Parme et la Lombardie furent envahies: les armes de France et d'Espague victorieuses à Parme, à Guastalla, auraient eu le plus grand succès, si la politique du roi de Sardaigne, leur allié, ne les eut arrêtées.

Stanislas, chassé par les armées russes, s'était sauvé en Prusse, les troupes françaises compromises à Dantzig venaient de capituler; le but apparent de la guerre était manqué, mais le but réel se trouvait atteint. L'Angleterre qui, jusqu'alors, était restéé neutre, allait peut-être profiter des

embarras de la France et de l'Espagne, pour leur faire une guerre maritime. Le cardinal de Fleury se hâta de faire la paix.

La couronne de Pologne fut assurée à Auguste III de Saxe; Stanislas eut la Lorraine en dédommagement de son royaume; cette province, démembrée de la France depuis dix siècles, revint, à la mort de ce roi, à son gendre Louis XV. Le duc de Lorraine en échange eut la succession du dernier Médicis, duc de Toscane. Naples et la Sicile furent assurés à don Carlos: Parme et Plaisance furent donnés à l'Empereur, qui céda Novarre et le Tortonais au Piémont. La France avait fait ainsi une guerre heureuse et une assez bonne paix pour la maison de Bourbon; car elle ne songeait pas à donner un roi à la Pologne, en opposition à l'Autriche et à la Russie réunies.

Cette seconde paix de Vienne (1735), procura à l'Europe un repos de cinq ans, que la mort de l'empereur Charles VI vint troubler. Frédéric-leGrand était monté sur le trône de Prusse, et cet événement seul était en lui-même une révolution dans la situation relative des puissances.

La guerre de la pragmatique, aussi singulière dans son origine que dans sa conduite et dans son issue, ne fut pas beaucoup plus dans les intérêts des nations française et batave, que ne l'avaient été les querelles de Guillaume, et de Louis. On sait comment le pusillanime Fleury,

âgé alors de 88 ans, fut entraîné à cette guerre en 1741, par le maréchal de Belle-Isle, auquel on eut trop de confiance, ou auquel on n'en accorda pas assez (1). Les opérations furent mal dirigées dans le principe, parce qu'on se borna à des demi-mesures, c'est-à-dire, au rôle d'auxiliaire de la Prusse et de la Bavière. Frédéric-le-Grand débuta dans sa brillante carrière par des victoires et par un abandon perfide de ses alliés. Les revers de Segur et de Belle-Isle furent une punition cruelle d'une entreprise lointaine exécutée avec des moyens insuffisans, et calculée sur des secours étrangers. Le cardinal mourut au milieu de ces désastres, expiant ainsi l'imprudence d'avoir conservé un rôle pénible et dangereux, au-delà des bornes imposées par la nature ; il avait gardé toute sa présence d'esprit jusqu'au dernier moment, mais il est douteux qu'il en eût conservé toute la force.

La Hollande n'avait pris part aux premières années de cette guerre que par les subsides qu'elle payait aux ennemis de la France, par des

(1) On a beaucoup loué et beaucoup blâmé les Belle-Isle, et leurs projets. Dans ce dernier cas on a été souvent injuste à leur égard, car on ne peut leur refuser du mérite : il ne faut jamais juger des projets d'un homme lorsqu'on ne lui laisse pas toute latitude pour les exécuter lui-même. Donner un beau plan à des ministres faibles, ou à des généraux médiocres, c'est s'exposer à des revers inévitables.

contingens qu'elle donnait comme auxiliaire, affectant d'ailleurs de garder une neutralité illusoire et ridicule. Elle fut bientôt enveloppée dans le tourbillon des événemens.

Après la mort de son premier ministre, Louis XV annonça le projet de régner par lui-même. Madame de Chateauroux et le marquis d'Argenson ne tardèrent pas à partager ce fardeau avec lui. Les finances furent mises dans un état prospère par les soins du contrôleur Orry. L'armée fut portée sur un pied respectable par Argenson. La marine et les relations extérieures restèrent en souffrance; mais une impulsion vigoureuse fut donnée, avec assez de promptitude, à une monarchie qui semblait décrépite comme le ministre qu'elle venait de perdre.

L'invasion de la Belgique fut résolue; on sait avec quel succès le maréchal de Saxe l'exécuta. La Hollande soumise à l'influence anglaise figurait toujours parmi les ennemis de la France: elle commença cette guerre avec son or, et la finit avec le sang précieux de ses peuples; celui des Hollandais, qui coula à grands flots à Fontenoi, à Raucour, à Laufeld, fut versé pour expier de longues erreurs ; il scella, pour ainsi dire, la charte oppressive de Cromwel, prépara les trophées maritimes de l'Angleterre, et lui assura les avantages incalculables qu'elle recueillit dans la guerre suivante.

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