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possible d'apercevoir, mais qui ne pourraient avoir pour principe que l'excès de la violence et une contrainte qui, pour être déguisée, n'en serait que plus cruelle, forçaient votre main de souscrire une acceptation que votre cœur rejette, que votre intérêt et celui de vos peuples repoussent, et que votre devoir de Roi vous interdit expressément, nous protesterions, à la face de toute la terre, et de la manière la plus solennelle, contre cet acte illusoire et tout ce qui pourrait en dépendre; nous démontrerions qu'il est nul par lui-même, nul par le défaut de liberté, nul par le vice radical de toutes les opérations de l'assemblée usurpatrice qui, n'étant pas assemblée d'états - généraux, n'est rien. Nous sommes fondés sur les droits de la nation entière, à rejeter des décrets diamétralement contraires à son vou exprimé par l'unanimité de ses cahiers; et nous désavouerions pour elle, des mandataires infidèles, qui, en violant ses ordres et transgressant la mission qu'elle leur avait donnée, ont cessé d'être ses représentans; nous soutien. drions, ce qui est évident, qu'ayant agi contre leur titre, ils ont agi sans pouvoir, et que ce qu'ils n'ont pu faire légalement, ne peut être accepté validement.

Notre protestation signée avec nous, par tous les prin ces de votre sang, qui nous sont réunis, serait commune à toute la maison de Bourbon, à qui ses droits éventuels à la couronne imposent le devoir d'en défendre l'auguste dépôt. Nous protesterions pour vous-même, Sire, en protestant pour vos peuples, pour la religion, pour les maximes fondamentales de la monarchie, et pour tous les ordres de l'état.

Nous protesterions pour vous et en votre nom, contre

ce qui n'en aurait qu'une fausse empreinte. Votre voix étant étouffée par l'oppression, nous en serions les organes nécessaires, et nous exprimerions vos vrais sentimens, tels qu'ils sont consignés au serment de votre avènement au trône, tels qu'ils sont constatés par les actions de votre vie entière, tels qu'ils se sont montrés dans la déclaration que vous avez faite au premier moment que vous vous êtes cru libre. Vous ne pouvez pas, vous ne devez pas en avoir d'autres, et votre volonté dans les actes où elle respire librement.

n'existe que

Nous protesterions pour vos peuples, qui, dans leur délire, ne peuvent apercevoir combien ce fantôme de constitution nouvelle qu'on fait briller à leurs yeux, et aux pieds duquel on les a fait jurer vainement, leur deviendrait funeste. Lorsque ces peuples, ne connaissant plus ni chef légitime, ni leurs intérêts les plus chers, se laissant entraîner à leur perte ; lorsqu'aveuglés par de trompeuses promesses, ils ne voient pas qu'on les anime à détruire eux-mêmes les gages de leur sûreté, les soutiens de leur repos, les principes de leur substance et tous les liens de leur association civile, il faut en réclamer pour eux le rétablissement, il faut les sauver de leur propre frénésie.

Nous protesterions pour la religion de nos pères, qui est attaquée dans ses dogmes et dans son culte comme dans ses ministres ; et suppléant à l'impuissance où vous seriez de remplir vous-même en ce moment vos devoirs de fils aîné de l'église, nos prendrions, en votre nom, la défense de ses droits, nous nous opposerions à des spoliations qui tendent à l'avilir; nous nous éleverions avec force contre des actes qui menacent le royaume des horreurs du schisme, et nous professerions hautement

notre attachement inaltérable aux règles ecclésiastiques admises dans l'état, desquelles vous avez juré de main-, tenir l'observation.

Nous protesterions pour les maximes fondamentales de la monarchie, dont il ne vous est pas permis, Sire, de vous départir; que la nation elle-même a déclarées inviolables, et qui seraient totalement renversées par les décrets qu'on vous présente, spécialement par ceux qui, en excluant le Roi de tout exercice du pouvoir législatif, abolissent la royauté même; par ceux qui en détruisent tous les soutiens, en supprimant tous les rangs intermédiaires; par ceux qui, en nivelant tous les états, anéantissent jusqu'au principe de l'obéissance; par ceux qui enlèvent au monarque les fonctions les plus essentielles du gouvernement monarchique, ou qui le rendent subordonné dans celles qu'ils lui laissent; par ceux enfin, qui ont armé le peuple, qui ont annullé la force publique, et qui, en confondant tous les pouvoirs, ont introduit en France la tyrannie populaire.

Nous protesterions pour tous les ordres de l'état, parce qu'indépendamment de la suppression intolérable et impossible, prononcée contre les deux premiers ordres, tous ont été lésés, vexés, dépouillés ; et nous aurions à réclamer tout à-la-fois les droits du clergé qui n'a voulu montrer une ferme et généreuse résistance que pour les intérêts du ciel et les fonctions du saint ministère; les droits de la noblesse qui, plus sensible aux outrages faits au trône dont elle est l'appui, qu'à la persécution qu'elle éprouve, sacrifie tout pour manifester, par un zèle éclatant, qu'aucun obstacle ne peut empêcher un chevalier français de demeurer fidèle à son Roi, à sa patrie, à son honneur ; les droits de la magistrature,

qui regrette beaucoup plus que la privation de son état, de se voir réduite à gémir en silence de l'abandon de la justice, de l'impunité des crimes, et de la violation des lois dont elle est essentiellement dépositaire; enfin, les droits des possesseurs quelconques, puisqu'il n'est point en France de propriété qui ait été respectée, point de citoyens honnêtes qui n'aient souffert.

Comment pourriez-vous, Sire, donner une appro bation sincère et valide à la prétendue constitution qui a produit tant de maux?

Dépositaire usufruitier du trône que vous avez hérité de vos aïeux, vous ne pouvez ni en aliéner les droits primordiaux, ni détruire la base constitutive sur laquelle il est assis.

Défenseur né de la religion de vos états, vous ne pouvez pas consentir à ce qui tend à sa ruine, et abandonner ses ministres a l'opprobre.

Débiteur de la justice à vos sujets, vous ne pouvez pas renoncer à la fonction essentiellement royale de la leur faire rendre par des tribunaux légalement constitués, et d'en surveiller vous-même l'administration.

Protecteur des droits de tous les ordres, et des possessions de tous les particuliers, vous ne pouvez pas leş laisser violer et anéantir par la plus arbitraire des oppressions.

Enfin, père de vos peuples, vous ne pouvez pas les

livrer au désordre et à l'anarchie.

Si le crime qui vous obsède, et la violence qui vous lie les mains, ne vous permettent pas de remplir ces devoirs sacrés, ils n'en sont pas moins gravés dans votre cœur en traits ineffaçables, et nous accomplirions votre

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volonté réelle, en suppléant, autant qu'il est en nous, à l'impossibilité où vous seriez de l'exercer.

Dussiez-vous même nous le défendre, et fussiez-vous forcé de vous dire libre en nous le défendant, ces défenses, évidemment contraires à vos sentimens, puisqu'elles le seraient au premier de vos devoirs; ces défenses, sorties du sein de votre captivité, qui ne cessera réellement que quand vos peuples seront rentrés dans le devoir, et vos troupes sous votre obéissance; ces défenses, qui ne pourraient avoir plus de valeur que tout ce que vous aviez fait avant votre sortie, et que vous avez désavoué ensuite; ces défenses enfin, qui seraient impreignées de la même nullité que l'acte approbatif contre lequel nous serions obligés de protester, ne pourraient certainement pas nous faire trahir notre devoir, sacrifier vos intérêts, et manquer à ce que la France aurait droit d'exiger de nous en pareille circonstance. Nous obéirions, Sire, à vos véritables commandemens, en résistant à des défenses extorquées, et nous serions sûrs de votre approbation, en suivant les lois de l'honneur. Notre parfaite soumission vous est trop connue pour que jamais elle vous paraisse douteuse. Puissions-nous être bientôt au moment heureux où, rétabli en pleine liberté, vous nous verrez voler dans vos bras, y renouveler l'hommage de notre obéissance, et en donner l'exemple à tous vos sujets!

Nous sommes, Sire, notre frère et seigneur, de Votre Majesté,

Les très-humbles et très-obéissans frères,

serviteurs et sujets,

LOUIS-STANISLAS-XAVIER.
CHARLES-PHilippe.

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