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Toutes ces forces ne montaient pas à plus de 160 mille hommes d'infanterie, 35 mille de cavalerie, 10 mille d'artillerie : encore s'en manquait-il de 20 mille hommes qu'elles fussent complètes; mais l'invasion des Prussiens fit marcher beaucoup de volontaires qui portèrent le nombre des combattans au-delà même de ces cadres.

L'infanterie composée d'une belle espèce d'hommes, formait de bons ou de mauvais régimens suivant le zèle et les lumières de leurs colonels; car il n'y avait pas un ministère assez éclairé, ni un chef assez habile pour donner l'impulsion à l'armée. Mais après le déplacement universel d'hommes et de choses, que ce grand bouleversement occasionna, tous les corps furent bientôt au même niveau.

L'état-major général, ce corps si essentiel pour la direction des opérations de la guerre, surtout dans un gouvernement où le Monarque n'est pas lui-même à la tête de ses armées, n'avait ni les

institutions ni l'expérience désirables; les corps de l'artillerie et du génie étaient au contraire une pépinière d'officiers aussi distingués par leurs lumières, que par leur zèle. Ainsi l'instruction la plus précieuse et les germes des plus grands talens, se trouvaient enfouis dans deux armes secondaires, où ils ne servaient qu'à des accessoires, au lieu de contribuer à leur propre gloire et à celle de l'armée par une heureuse fusion avec l'état-major; qui leur eût ouvert une vaste carrière.

Aucune puissance en Europe ne possédait à cette époque des élémens pareils à ceux qui existaient en France pour la composition d'un excellent état-major; et il faut en convenir à la honte des administrations qui se sont succédées, aucune puissance n'en eut un plus mauvais. L'ascendant de leur courage et de leurs talens, l'autorité dictatoriale des représentans du peuple, ont bien fait ressortir les Kleber, les Desaix, les Moreau, les Saint-Cyr, les Reynier, les Jourdan, les Soult; mais les institutions n'y ont été pour rien, et une armée doit en avoir qui soient au-dessus des événemens fortuits, et indépendantes des hommes.

La cavalerie qui ne le cédait en bravoure à aucune troupe de l'Europe était bien montée; cependant ses régimens se trouvaient beaucoup trop faibles, et son ordonnance défectueuse; ses

officiers généraux n'étaient point instruits à la mouvoir en grandes masses d'après la nature du terrain. Dans les guerres subséquentes, les défauts de cette arme ont été en partie corrigés; et l'expérience, en prouvant ce que peut faire une bonne cavalerie, a démontré aussi combien celle des Français avait besoin de réformes.

Les désordres qui agitaient la France, et auxquels l'armée participait plus ou moins, firent craindre que sa dissolution ne devînt complète dès les premières hostilités. A peine la guerre futelle allumée, que le désastre du 10 août et la fureur démagogique, enlevèrent 11 régimens de bonne infanterie suisse, au moment où l'on ne savait comment faire face aux ennemis. L'émigration semblait, devoir mettre le comble à cet état de choses affligeant; elle privait l'armée des anciens officiers sur lesquels on comptait le plus. Mais ici les calculs naturels furent encore en défaut; cette fuite des princes, des généraux et des officiers de marque, au lieu de compromettre le salut de l'armée, de décourager le soldat, ouvrit un champ vaste à l'émulation; tels militaires qu'on n'aurait pas soupçonnés capables de commander un régiment, apprirent l'art de diriger des armées; les citoyens étant appelés à la défense de l'Etat, on vit sortir de toutes les classes de la société des hommes de génie, qui dégagés des entraves de l'habitude et des préju

Etat de l'ar

mée prus

gés, s'adonnèrent à l'étude d'un art qui pouvait les conduire au faîte des honneurs et de la célébrité.

Le besoin de soldats et l'enthousiasme firent un devoir de l'état militaire; l'honneur et l'indépendance de la nation furent confiés à ses enfans, toujours plus intéressés que des mercenaires à se bien conduire et à se distinguer. L'enrôlement volontaire fournissait autrefois à l'armée des hommes paresseux et les efféminés des villes; la loi lui donna bientôt les robustes habitans des campagnes, déjà endurcis aux fatigues et aux privations; ainsi toutes les parties de sa constitution furent améliorées par les événemens mêmes qui semblaient devoir la détruire.

sienne. Frédéric

L'armée prussienne passait à la mort du grand Frédéric pour la première de l'Europe. Orgueilleuse d'une lutte sans exemple dans les annales modernes, et de la supériorité du génie de son roi, elle ajoutait à cette force d'opinion une instruction aux grandes manoeuvres, dont les troupes d'aucune puissance n'approchaient. On y voyait une foule d'officiers rivaliser de talens.

Ce monarque avait entretenu l'émulation, et le souvenir de ses combats glorieux, par de fréquens simulacres de guerre. C'était dans ces grandes manœuvres où les deux partis étaient représentés, qu'il exerçait les officiers généraux à manier de grosses masses sur toute espèce de terrain,

en réglant leurs mouvemens d'après la position du moment, d'après les sinuosités de ce terrain et suivant les maximes consacrées par l'art et l'expérience. Dans ces nobles jeu de Mars, l'étranger étonné voyait des corps énormes de cavalerie rompre en colonnes à un signal donné, changer de direction, dérober leurs mouvemens à l'ennemi, paraître subitement sur une extrémité de sa ligne, et s'y former avec la rapidité de l'éclair, sans déploiement, par une simple conversion des divisions (1): c'était là que, par un mouvement opposé on voyait la même cavalerie rompre en colonnes, exécuter par lignes un changement de front perpendiculaire en arrière, et se reformer, à droite ou à gauche en bataille sans déploiement, comme à la bataille de Rosbach.

Ces manoeuvres étaient ainsi plutôt destinées à l'instruction des officiers généraux qu'à celle des troupes; elles leur apprenaient à calculer les distances et les intervalles de temps, souvent si décisifs à la guerre on y essayait tous les systèmes d'attaque et de défense les plus avantageux aux différentes armes, et la combinaison des grands mouvemens par lesquels on parvient

(1) On peut voir l'explication de cette manœuvre dans le Traité des Grandes Opérations Militaires, tome Ier, chapitre V.

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