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licence, principalement dans les états nouvellement institués, et que tout ce qui tend à diviser les forces d'un rival est également dans l'intérêt national; sous ce rapport, il fut plus habile que Bacon. On est du moins autorisé à lui prêter ce système, car il avoua, dès 1790, en plein parlement, qu'il avait à se féliciter de la révolution française, puisqu'elle promettait le triomphe des principes professés en Angleterre, ou d'immenses avantages à son pays. Si le cabinet anglais fut fidèle aux préceptes du chancelier, en soutenant la maison d'Orange contre les patriotes, s'il devint ensuite l'appui de l'oligarchie, comme il le fut en Espagne de l'inquisition, on ne peut dissimuler qu'il a du moins mauvaise grace à se proclamer le libérateur des nations.

Enfin les plus graves soupçons planent avec raison sur ces complots du machiavélisme, lorsqu'on se rappelle les adresses de plusieurs clubs anglais à l'assemblée nationale, et entr'autres celle qui fut signée par lord Stanhope au nom de la société des amis de la liberté, témoignant la joie qu'on éprouvait à Londres de la révolution française, et encourageant les législateurs dans leurs nobles travaux (1). Si lord Stanhope est le

(1) Séance du 21 juillet 1790.

père de celui qui vient de prononcer une diatribe si virulente contre la nation française, on peut juger de la nature des ressorts que la politique anglaise fait mouvoir à son gré.

En attendant, Pitt convaincu que le meilleur moyen d'agiter la France plus long-temps serait de ne pas la combattre trop tôt, ou craignant d'éveiller les soupçons des puissances continentales, modéra les ressentimens du roi Georges, et l'engagea à ne prendre part à la guerre qui allait éclater, que quand elle serait entièrement engagée. Trop habile néanmoins pour ne pas profiter des embarras de la seule puissance qui fût à mème de lui contester l'empire de l'Inde, il prenait toutes ses mesures pour le subjuguer, et tandis que la France s'amusait à des controverses sur les droits de l'homme, que la Prusse et l'Autriche s'apprêtaient à les combattre, l'imperturbable Albion portait ses efforts dans le Bengale et s'assurait, par la soumission du sultan de Mysore, un empire absolu dans la riche presqu'ile du Gange.

devient iné

vitable.

Cependant l'abandon de tous ses intérêts d'ou- La rupture tre-mer ne rendait pas la France plus sage sur le continent européen. L'assemblée nationale, d'après le rapport de son comité diplomatique, avait rendu un décret pour inviter le Roi à demander des explications à l'empereur d'Autriche. Le

prince de Kaunitz répondit, le 17 février 1792, aux dépêches de M. de Lessart à M. de Noailles, ambassadeur à Vienne. La note du ministre autrichien était d'un style modéré, elle donnait des éloges à la constitution et au peuple français; mais elle attaquait fortement le parti des Jacobins et les maximes révolutionnaires qu'il propageait, et c'était justement le moyen le plus sûr de provoquer la guerre dans le fait, cette note ne donnait que des satisfactions illusoires (1), car la coalition existait, les armemens se continuaient, la Prusse et l'Autriche venaient de se lier plus étroitement par une alliance offensive et défensive, signée à Berlin, le 7 février 1792.

:

On paraissait n'attendre que l'occasion pour une rupture qui depuis long-temps était inévitable.

M. de Lessart, en succédant à M. de Montmorin, avait apporté dans ses relations le même caractère de droiture avec moins de défiance pour les sentimens de l'assemblée. Il vint soumettre imprudemment, dans la séance du 3 mars, la réponse qu'il avait faite au nom du Roi sur les notes des 3 et 21 décembre, et le nouveau message du prince de Kaunitz, qui en était le résultat. Dépassant ainsi les bornes que la constitution avait

(1) Voyez pièces justificatives, no II.

mise aux droits de l'assemblée dans les négociations, il provoqua, par une discussion publique, les agressions directes qui devaient mettre plus d'aigreur daus les relations des deux états.

Cette réponse rédigée du reste avec sagesse, et forte d'argumens, jettera un grand jour sur les véritables dispositions des puissances alliées à cette époque. Le parti républicain se vengea bientôt sur de Lessart des vérités que le prince de Kaunitz avait dévoilées. Le ministre fut décrété d'accusation et traduit à la haute-cour nationale.

Dumourier

et de

La famille royale éperdue, n'avait aucune Ministère de confiance dans ses conseillers qui ne pouvaient Doland plus rien; on recourut dans cette extrémité au moyen dangereux qui avait coûté la vie à Charles Ier; en déterminant Louis à renouveler entièrement son ministère et à se jeter franchement entre les bras du parti des Girondins. Dumourier fut appelé aux affaires étrangères, Roland à l'intérieur, Servan à la guerre; fatale résolution qui précipita la chute du Monarque imprudent.

Les esprits s'aigrissaient de plus en plus; les discours dont la tribune retentissait chaque jour, portaient dans toutes les Cours, des sentimens naturels de haine et de vengeance. Les armemens, les préparatifs dont l'Europe était agitée, venaient à leur tour jeter en France une défiance et une haine non moins forte,

Mort de

Dans un tel état de choses, il ne fallait qu'une Léopold. étincelle pour faire éclater l'incendie, et les premiers jours du mois de mars 1792, furent signalés par plusieurs événemens qui en provoquèrent l'explosion. L'Empereur termina sa carrière le 1er mars; dès cet instant les affaires prirent une tournure beaucoup plus hostile, soit que le successeur de Léopold, plus jeune que lui, fût moins prudent et plus disposé à la guerre, soit que la situation relative de la France et le caractère des nouveaux ministres accélérassent aussi la rupture.

assassiné.

Gustave est Au moment même où ces grands changemens avaient lieu, Gustave III était assassiné dans un bal masqué (16 mars), et sa mort en renversant toutes les espérances que les émigrés avaient placées en lui, enlevait à la coalition le chef que l'opinion générale des royalistes lui assignait.

D'après l'examen de toutes ces circonstances, on voit qu'il serait difficile d'affirmer sur les actes connus, à quel parti on doit attribuer les premiers torts de l'agression. Les puissances du Nord et de l'Allemagne se lièrent par des traités menaçans et parurent vouloir la guerre. Lorsque le parti républicain fut informé à son tour de l'existence d'une coalition, il craiguit d'être prévenu, attaqué dans l'intérieur et livré à la vengeance de la noblesse qu'il avait outragée. Il prit alors

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