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Louis XVI, effrayé des dangers de la propaga tion des principes révolutionnaires, donna facilement accès aux plaintes des émigrés. Il crut d'après leurs promesses qu'il serait aussi prompt et aussi facile de rétablir l'ordre en France avec 100 mille hommes de bonnes troupes, qu'il l'avait été de mettre un terme aux troubles de la Hollande avec 20 mille Prussiens. Bischoffswerder, favori aussi présomptueux qu'ignorant, excité par M. de Calonne, lui présentait cette expédition comme une promenade glorieuse qui durerait tout au plus quelques mois. Les ministres du Roi étaient des hommes d'Etat trop éclairés pour se bercer de telles espérances, mais le langage de la saine raison échoue toujours devant les passions des princes; surtout quand pour prévenir un danger, on ose dissiper les illusions de gloire qu'ils se sont formées.

L'Empereur qui n'avait pas encore oublié les négociations de Reichenbach était aigri contre la politique prussienne. Il venait de terminer une guerre pénible contre les Turcs, que Joseph avait mal entreprise et mal dirigée, et il ne jugeait pas de son intérêt d'en commencer une autre dans l'état où se trouvaient ses provinces. Léopold avait d'ailleurs donné, dans son administration paternelle de la Toscane, des preuves de la générosité de ses principes, et semblait plus éloigné que les autres à courir les risques d'une guerre

Entrevue de
Pilnitz.

pour peu que les partis restassent dans de justes bornes, et que le Roi fût respecté.

L'Autriche paraissait en effet plutôt intéressée à conserver, avec la France constitutionnelle, les relations établies par le traité de 1756, qu'à s'allier à son ancienne rivale; et il est probable que si Léopold eût vécu plus long-temps, et si une prudente politique eût guidé les chefs des Girondins, la paix n'aurait point été troublée.

Cependant les deux Monarques ébranlés sans doute par les événemens de Varennes, s'étaient décidés à oublier toutes leurs anciennes animosités, et à signer, dès le 25 juillet 1791, une alliance défensive. Ce premier pas les conduisit bientôt à des démarches plus positives; le besoin de s'entendre et de poser les bases de leur conduite ultérieure envers la France et la Pologne, engagea enfin Léopold et Frédéric-Guillaume à se réunir le 27 août au château de Pilnitz en Saxe. Le comte d'Artois qui assista à leur conférence y reçut la fameuse déclaration qui devint bientôt la source fatale des guerres qui ensanglautèrent l'Europe. Cet acte important pour l'histoire du siècle fut suivi, dit-on, d'une convention secrète qui devait fixer les destinées du peuple polonais et la succession de la maison de Saxe (1).

(1) Voyez pièces justificatives, n° 2.

On n'a jamais su bien positivement en quoi consistèrent ces stipulations. L'électeur FrédéricAuguste qui y fut adinis, n'accepta jamais formellement la couronne héréditaire de Stanislas dévolue à sa famille par la constitution du 3 mai.

Au surplus les expressions vagues de cette déclaration excitèrent la plus juste surprise, et autorisèrent tous les soupçons.

A peine ce concert des puissances est-il connu que les bruits les plus alarmans se répandent en France; on juge que cette ligue sera bientôt augmentée des princes alliés à la famille de Bourbon, qui règnent en Espagne, en Sardaigne, à Naples, et qui semblent bien plus intéressés que le roi de Prusse à la soutenir. On regarde généralement le démembrement du royaume comme décidé, et on fait même circuler la nomenclature des provinces qui en seront arrachées; dès-lors l'exaspération est à son comble, et on accuse la cour de tous les maux dont la patrie est menacée.

D'un autre côté, l'émigration faisant de grands progrès depuis le retour de Varennes, de nombreux rassemblemens se forment à Ettenheim, à Coblentz et à Bruxelles. On y annonce hautement le projet de rentrer en France à main armée; des corps sont organisés, des chevaux et des armes achetés et distribués. Des ministres accrédités de Russie (1), de Suède et d'Espagne résident à (1) Outre le comte Romanzof qui résidait publiquement à Co4.

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Louis désa

voue les ar

Coblentz, et cet état hostile ne peut être vu d'u■ oeil indifférent.

Le Roi cédant à ses conseils, à la crainte ou à memens des l'influence du parti dominant dans l'assemblée, émigrés. désavoue ces armemens faits en son nom par le

comte d'Artois; toutefois ils n'en continuent pas moins; et les décrets de l'assemblée pour faire rentrer les émigrés, bien qu'ils prononcent de fortes peines contre les réfractaires, restent sans effet.

Pendant que la foudre s'apprête au dehors, l'état intérieur empire de jour en jour; les scènes sanglantes qui avaient eu lieu au Champ-de-Mars, se reproduisent en vingt endroits du royaume; c'est principalement dans la Vendée que des troubles plus sérieux, symptômes précurseurs d'une affreuse guerre civile, commencent à se manifester: dans cette contrée privée de lumières, la constitution civile du clergé ne trouve pas moins d'ennemis que l'abolition des priviléges de la noblesse.

Dès les premiers jours d'août, Thouret soumit l'acte constitutionnel à l'assemblée; la révision

blentz, il y avait aussi ce même prince de Nassau qui avait com. mandé les escadres russes dans la guerre de Finlande. On a supposé qu'il était chargé de missions secrètes, puisqu'il se rendit ensuite à Vienne près de l'empereur Léopold, et qu'il fit la campagne de 1792 près des princes.

en fut faite pour la forme, mais avec une précipi tation qui contrastait avec la gravité et la longueur des débats qui signalèrent sa rédaction: une garde choisie par tous les départemens fut donnée au Roi pour remplacer sa maison militaire, et ce dernier acte de méfiance des législateurs, acheva de faire de ce Prince un vrai prisonnier d'état.

Enfin une députation de 60 membres présenta Le Roi accepte la conle 7 septembre la nouvelle charte à Louis. Il n'é- stitution. tait pas difficile de prévoir le parti qu'il adopterait dans cette circonstance; il ne lui restait qu'une alternative, celle de mettre le comble au désor dre et d'accélérer sa perte en refusant de sanctionner le pacte qui allait river ses chaînes, ou de courir la chance de sauver la monarchie en l'acceptant, et laissant au temps le soin de modifier ce qu'il avait de défectueux.

Ce Monarque débonnaire, juste et vertueux, n'hésita point à l'accepter, persuadé que c'était le meilleur moyen de rapprocher tous les partis; bientôt la faction populaire l'accusa de n'y avoir souscrit que dans l'impuissance de le rejeter; et les nobles auxquels il enlevait de si beaux priviléges, prétendirent que cette acceptation n'était qu'illusoire, et lui avait été arrachée par la violence.

Quoi qu'il en soit, l'acceptation formelle de la constitution fut signifiée à toute l'Europe, et il

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