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teau et d'Aiguillon, d'interpeller les ministres sur toutes les relations extérieures de la France; dèslors les transactions les plus délicates et les plus secrètes des cabinets, devinrent des objets de discussions à la tribune publique.

Les débats qui venaient d'avoir lieu relativement à des matières politiques, étaient cependant bien faits pour dégoûter les hommes d'Etat de cette nouvelle manière de procéder; on applau dissait à outrance les orateurs qui croyaient aux protestations faites par lord Stanhope et le docteur Price, au nom de la société des amis de la révolution; on berçait les esprits faibles, des charmes que deux nations, jadis rivales, devaient trouver dans leurs nouvelles relations. L'esprit de parti dénature tout: il fut un instant où les philosophes de l'assemblée ne virent de véritables amis qu'à Londres ; le seul Martineau, député obscur, mais dont le nom doit passer à la postérité, osa s'écrier « que les Anglais, malgré leurs protesta>>tions, étaient les ennemis les plus dangereux de » la France, et qu'il fallait s'en méfier. » Sa voix fut bientôt étouffée par de violens murmures, cet accueil lui imposa un silence éternel.

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Cependant le comité diplomatique influencé à son origine par Mirabeau, resta dans une juste ligne, et eut occasion, dans les derniers jours d'août, de faire un grand acte de politique nationale, à l'occasion des démêlés dont nous avons

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parlé; il proposa non seulement de soutenir l'Espagne, et de lui fournir le contingent fixé par pacte de famille, mais encore de le porter à 45 vaisseaux. A la vérité il était plus aisé d'expédier un décret, que de faire sortir la flotte de Brest. Néanmoins cette fermeté en imposa au gouvernement britannique, qui se contenta d'une satisfaction insignifiante, bien convaincu qu'une occasion plus propice ne tarderait pas à se présenter. ll avait d'ailleurs trouvé dans ces démonstrations le moyen de se faire assigner les fonds nécessaires pour continuer ses préparatifs en silence. Quelques jours après, l'assemblée pria le Roi de négocier avec les petits princes allemands possesseurs de biens en Alsace, et qui se trouvaient lésés par les décrets sur les priviléges ou droits féodaux. Onnes'attendait guère alors que des réclamations d'une si mince importance, deviendraient le prétexte d'une guerre sans exemple.

Ces débats solennels sur les intérêts extérieurs firent diversion à la véritable situation du royaume. La nation venait de conquérir des droits précieux sans doute; mais rompant cette union qui constituait sa force, elle avait substitué des théories vagues à une administration dont les ressorts étaient puissans les liens sociaux se trouvant ainsi relâchés, un vaste champ fut ouvert aux passions, aux intérêts individuels, à l'ambition personnelle,qui trop souvent prennent les dehors

Constitu. tion civile

du bien public et du patriotisme. Des désordres menaçans éclatèrent dans les colonies; SaintDomingue et la Martinique se trouvaient dans une agitation qui présageait les plus grands malheurs l'escadre de Brest faisait craindre une insurrection; des scènes de carnage se passaient à Nancy dans le régiment suisse de Château-Vieux, et des excès commis à Nismes provoquaient la fédération du camp de Jalès.

La constitution civile du clergé, décrétée le du clergé. 12 juillet et que le Roi n'avait sanctionnée qu'à regret après un long retard, imposait, aux ministres des autels, un serinent auquel la plupart répugnait de se soumettre. Une nouvelle loi rendue le 27 novembre, exigea d'eux cette formalité plus impérieusement. Ces mesures inconsidérées envers des hommes toujours prêts à colorer leur désobéissance du zèle de la foi, achevant de les exaspérer, ajoutèrent le danger des troubles religieux à la violence des troubles civils.

L'année 1791 commença sous les mêmes auspices que les précédentes : les insurrections se multipliaient, et les désastres occasionnés par celle de Saint-Domingue, glacèrent d'effroi tous les Français capables d'en apprécier les suites. L'émigration des nobles avait un caractère alarmant, et ses résultats devaient être plus funestes encore que ceux de l'édit de Nantes.

L'assemblée des Jacobins prenant un essor re

doutable, signalait déjà les amis d'une monarchie constitutionnelle, comme des ennemis du peuple, et des partisans d'un despotisme déguisé sous de plus belles formes; l'esprit de démocratie devenait plus général, et allait bientôt faire place à une démagogie dégoûtante.

Mirabeau

Les hommes les plus prononcés de l'assemblée Mort de commencèrent à redouter l'anarchie; Mirabeau 2 avril 1791. lui-même chercha à se rapprocher de la cour, et

promit au Roi de sauver le vaisseau de l'Etat, dont le naufrage semblait inévitable. Sa mort prématurée, qui arriva à l'instant où il se mettait en devoir d'exécuter les projets arrêtés entre lui et le ministère, a laissé croire que ses ennemis l'avaient empoisonné.

Dès-lors la marche des événemens devint plus inquiétante, le Roi était sans cesse humilié. Ce Prince voulant aller à Saint-Cloud, le 18 avril, fut arrêté sur la place Louis XV par un bataillon de gardes nationales, et forcé de rentrer au palais; on le tenait depuis long-temps dans une espèce de captivité, et l'assemblée en fixant au mois de mai les Tuileries pour lieu de son séjour, sanctionna en quelque sorte cette opinion..

A cette époque les démarches diplomatiques annonçaient une alliance de puissances étrangères contre la France; avant d'en indiquer l'origine, il convient de jeter un coup-d'œil sur la situation politique à la fin de 1791.

Russie.

CHAPITRE III.

Aperçu de l'état de l'Europe en 1791.

L'ETAT où se trouvaient les puissances européen

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nes dans les premiers momens de la révolution a été esquissé au chapitre Ier.

On y a tracé les démêlés de la Russie avec la Porte et la Suède, les mouvemens agonisans de la nation polonaise, les espérances et les craintes que la constitution du 3 mai 1791 faisait concevoir, enfin les changemens que la paix de Varela et celle de Jassy devaient apporter dans la situation du nord de l'Europe.

Nous n'avons donc qu'à suivre la marche des événemens, et à retracer ici ceux qui amenèrent l'intervention des puissances dans les affaires de France.

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La Russie, toujours gouvernée par l'illustre Catherine, était encore engagée dans une guerre pénible et sanglante avec les Turcs; elle avait besoin d'en cicatriser les plaies, et souhaitait la paix pour attendre l'occasion de faire repentir la diète de Varsovie de s'être donné une constitution. Si Catherine adopta en 1780 un système

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