Page images
PDF
EPUB

de la

après chez le duc d'Orléans, pour lui signifier, part du Roi, l'ordre de quitter la France: ce prince partit en effet peu de temps après pour l'Angleterre; mais cette mesure devenait illusoire si on ne l'appliquait aux meneurs habiles qui se servaient de son nom, et aux conjurés subalternes qui aspiraient à de plus affreux résultats encore.

Une des suites les plus fâcheuses de cette journée fut la retraite de Mounier et de Lally-Tollendal, députés libéraux, mais vertueux et sages: l'exemple de ces honorables dissidens, imité par 300 députés de la noblesse et du clergé qui n'avaient peut-être pas des motifs aussi louables, assura la majorité aux hommes entreprenans qui s'inquiétaient moins de faire triompher les principes de la liberté que de s'emparer d'un pouvoir arbitraire.

Les mois de novembre et de décembre 1789, et les premiers jours de 1790, ne furent signalés que par l'adresse remarquable d'un club révolutionnaire établi à Londres, et par l'adoption de plusieurs décrets, au nombre desquels on distingue celui du 16 décembre, sur l'abolition des milices.

Le Roi pour ainsi dire captif au milieu de sa capitale, et réduit par la faiblesse de ses conseillers et l'astuce de ses ennemis au rôle le plus humiliant et le plus nul, se rendit le 4 février à l'assemblée,

les droits

où il promit d'approuver et de défendre la cons titution. Cette démarche inconsidérée fut arrachée au Monarque, ou par la violence ou par de perfides conseils; car il connaissait trop ce qu'il devait à sa dignité, pour promettre d'avance fidélité à une constitution qui n'était pas achevée, et dont la rédaction même avait été soustraite à l'initiative royale.

Décrets sur L'assemblée que rien n'arrêtait dans ses traféodaux et vaux prononça le 24 février et le 15 mars l'abo

Finances.

Emission

lition des droits féodaux et des distinctions honorifiques. Le 28 février la constitution de l'armée fut déterminée, et les plus belles chances de la carrière des armes, ouvertes aux Français de toutes les conditions, ranimèrent l'émulation d'une jeunesse belliqueuse. La division du royaume en départemens, l'organisation judiciaire, l'institution des jurés, l'initiative des lois et le droit de paix et de guerre enlevés au Roi, et attribués à l'assemblée, furent les principales opérations qui signalèrent tour-à-tour, les talens et les principes, les passions et les erreurs de ces modernes Solons.

Après avoir donné ainsi un libre essor à leur d'assignats. esprit de réforme, ils durent enfin tourner leurs regards sur les finances. Les chocs produits par les mesures qu'on avait voulu prendre pour combler le déficit, étaient loin de remplir le trésor; l'embarras se multipliait au contraire par

les divisions intestines et par les craintes qu'elles inspiraient. Augmenter les charges dans de telles occurrences c'eût été se perdre aux yeux du peuple; on imagina d'y suppléer par la vente d'une partie des biens du clergé, et par la création d'un papier-monnaie. La fabrication de 400 millions d'assignats, hypothéqués sur les domaines nationaux, fut décrétée le 1er juin 1790, et fournit au gouvernement le moyen de faire face, pour un instant, aux besoins les plus impérieux. Cette mine féconde, dont l'exploitation est aussi délicate que dangereuse, procura plus tard d'immenses ressources à la France, pour soutenir la terrible lutte dans laquelle elle se trouva engagée.

On avait résolu de sanctionner ce qui venait de se passer depuis un an, par la célébration de l'anniversaire du 14 juillet; une fédération de députés des différentes administrations, de l'armée, et de toutes les gardes nationales du royaume, fut convoquée pour ce jour solennel. Une cérémonie imposante eut lieu au Champ-de-Mars, 100 mille Français armés, jurant de défendre leurs institutions et leur liberté en présence de la cour, de l'assemblée, des ministres étrangers et de toute la population de Paris, offrirent un de ces tableaux magiques dont l'imagination la plus féconde aurait peine à se tracer une fidèle image.

[ocr errors]

Jusques-là les intérêts de politique extérieure Comité diavaient eu peu de part aux sollicitudes de l'aréo- plomatique.

Différens entre l'An

page français et de la nation régénérée. Les rudes attaques auxquelles les armes ottomanes étaient exposées par la réunion des forces de Joseph II et de Catherine, ne touchaient que faiblement des légistes, dont les vues ne s'étendaient pas jusqu'à embrasser toutes les relations des Etats européens. Nonobstant les grands avantages que le commerce du Levant et ses relations avec la Porte, assuraient à la France, elle se trouvait assez embarrassée, pour souffrir que l'Angleterre et la Prusse se saisissent de son rôle naturel, et devinssent à sa place les soutiens de l'Empire de Selim.

Un incident remarquable vint troubler à la fin et de mai cet horizon en apparence si serein; le Espagne. ministre Montmorin rendit compte à l'assemblée

gleterre

[ocr errors]

pour

des difficultés survenues entre l'Angleterre et l'Espagne, au sujet de la baie de Nootka sur la côte occidentale d'Amérique; le cabinet de Londres réclamait contre des violences envers son pavillon, et préparait des armemens considérables pour s'en venger. L'occasion semblait belle réparer les échecs essuyés dans la guerre d'Amérique; Pitt était porté à croire que le même gouvernement qui avait laissé envahir la Hollande souffrirait patiemment que l'Espagne fût accaBlée, et ce raisonnement était d'autant plus naturel que le pacte de famille devait paraître odieux aux meneurs de l'assemblée. Ceux-ci en

voulaient surtout aux princes de la famille dont ils conjuraient la perte ; et le seul traité qui honorât la politique du siècle de Louis XV ne serait sans doute à leurs yeux qu'un acte attentatoire aux libertés de la France.

Le coup faillit réussir; cette ouverture amena des débats très-vifs sur le droit de paix et de guerre; Barnave, Péthion et Lameth, oubliant que toute la puissance politique d'une nation gît dans la faculté accordée à son gouvernement, de faire la guerre à propos et de se ménager de bonnes alliances (1), se laissèrent entraînei par les doctrines fallacieuses qui tendent à diviser et énerver jusqu'aux moindres rouages de l'administration. Mirabeau seul, gardant un juste milieu, fut accusé d'avoir abandonné les bannières: de la philosophie pour épouser le parti de la cour,

Enfin après beaucoup de discussions savantes, et malgré la profonde logique de Maury, le droit de paix et de guerre fut dévolu concurremment aux deux pouvoirs.

Une résolution, plus funeste encore que cellelà, fut prise deux mois plus tard, à la suite de quelques débats sur un passage de troupes autrichiennes autorisées à traverser le territoire. français pour se rendre en Belgique; un comité diplomatique fut chargé, sur la motion de Fre

(1) Il faut rendre le ministère responsable des traités, mais lui en laisser le droit exclusif comme en Angleterre.

4.

*10*

« PreviousContinue »