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idées de bonheur que le sénat de Washington faisait naître, aux souvenirs de grandeur que le sénat romain avait transmis, et bien des hommes de bonne foi crurent un instant, que la nation qui posséderait des institutions calquées sur ce modèle, ferait le bonheur du genre humain en renouvelant les beaux jours de Rome et d'Athènes; ils ne songeaient pas que le monde a bien changé de face, non-seulement par la différence de mœurs, mais encore par celle qui existe dans les rapports des Etats entre eux.

Ces belles illusions, et ces doctrines aussi séduisantes en apparence que peu solides en réalité, eurent une influence marquée sur tous les travaux de l'assemblée.

Les premiers pas faits, les réformateurs sentirent bien qu'ils ne pouvaient plus reculer; car s'ils n'enchaînaient l'autorité par de nouvelles institutions, ils resteraient en butte à leurs ennemis comme à la vengeance de la cour et des grands. Une fausse démarche en entraîne toujours une autre, surtout en révolution; plus on sappait l'autorité du prince, plus la réconciliation avec la noblesse, le ministère et la famille royale, devenait illusoire, plus l'anarchie devait aug

menter.

constitu

Tous les travaux du comité chargé de préparer Comité de les décrets constitutionnels, se ressentirent de cet esprit; si plusieurs de ces actes portent un

tion.

Attentats des 8,9 octob.

grand caractère de sagesse et de libéralité, d'autres, et c'étaient malheureusement les plus importans, recevaient l'empreinte des passions et des intérêts particuliers. Réduire le pouvoir exécutif à une nullité presqu'absolue, renforcer l'autorité législative de toute celle qu'on enlevait au ministère; tels furent les principes des articles adoptés successivement par l'assemblée. Non contens d'enlever à l'administration la force indispensable pour faire marcher les rouages compliqués qui assurent son action, et de resserrer les bornes de l'autorité royale; ces législateurs inquiets s'affranchirent enfin de toute gêne dans leurs opérations, en décrétant le 21 septembre, que la sanction du Roi ne serait plus nécessaire pour donner force à leurs lois, et qu'elle ne compterait qu'à dater de la seconde législation; mesure injuste, révolutionnaire, qui portait à son comble l'avilissement du trône et qui acheva d'aliéner tous ses partisans.

Les mois d'août et de septembre se passèrent sans secousse; mais les premiers jours d'octobre furent signalés par un événement sinistre, qui remplit d'effroi les amis de l'ordre, indigna tous les souverains de l'Europe, et dont les suites furent incalculables, puisqu'il servit de prétexte aux ennemis de la France et à ceux de la révolution, pour s'armer de concert.

La disette n'avait fait que croître depuis le

mois de juillet, et comme elle n'était pas naturelle, on l'attribuait universellement aux menées des agens du parti aristocratique. D'un autre côté le bruit se répandit que le Roi voulait partir pour Metz, afin de se mettre à la tête d'une armée et de rentrer à Paris pour punir les amis de la révolution. Les esprits fermentaient de nouveau lorsqu'une fête insignifiante en elle-même, vint donner lieu à la catastrophe du 6 octobre.

Soit pour protéger la personne du Roi, soit pour assurer réellement son départ, on avait attiré à Versailles, le régiment de Flandre et un de dragons; beaucoup d'officiers étaient accourus des différentes garnisons, et cette ville fourmillait de chevaliers de Saint-Louis. Un banquet donné par les gardes-du-corps à ces nouveaux venus devint le prétexte d'une conspiration. On publia que la Reine, à l'instar de Marie-Thérèse, avait présenté le dauphin à l'issue de ce repas, au moment où l'on introduisait dans les salles une foule de soldats des gardes, et que l'épée nue à la main ceux-ci avaient fait le serment de défendre la famille royale. Après le départ de la cour, le vin échauffant les têtes, de jeunes impru dens escaladèrent les loges du théâtre, et arrachèrent, dit-on, la cocarde nationale à ceux qui la portaient.

Ces bruits semés dans Paris avec affectation par

une quantité d'agens subalternes, sont accompagnés de conjectures alarmantes: on veut, disent-ils, enlever le Roi, le placer à la tête d'une force considérable, dissoudre l'assemblée et punir le peuple; déjà on cherche à affamer la capitale pour la réduire; enfin en avilissant la cocarde nationale, on veut y substituer les couleurs de l'aristocratie; la contre-révolution est certaine; la réaction sera terrible. Bientôt une nuée de femmes du plus bas étage se rassemble devant l'Hôtelde-Ville, criant du pain et Versailles! assemblage de noms bien étrange et qui prouve que ce mouvement fut le résultat d'un complot. Après un long tumulte dont l'intensité augmente à mesure que la foule se rassemble; ces femmes forcent l'Hôtel-de-Ville, y prennent des armes, du canon, et partent pour Versailles, sous la conduite d'un nommé Maillard.

par

Cependant si le bruit du départ du Roi alarme les hommes sages sincèrement attachés à la liberté, on craint avec plus d'anxiété encore les excès de la populace qui s'est rendue à Versailles. La garde nationale excitée sans doute d'adroites insinuations veut y marcher et amener le Roi à Paris pour le mettre en sûreté contre ces deux dangers; Lafayette refuse d'y consentir sans un ordre de la commune. Enfin cet ordre venu, part avec ses bataillons.

il

Cette armée qui ne montait guère à moins de 20 mille hommes, marchait sur plusieurs colonnes avec une avant-garde et du canon, comme s'il eût été question d'attaquer les plus dangereux ennemis de la France: elle était suivie d'une foule de mauvais sujets accourus de toutes les parties du royaume, armés de bâtons ferrés ou de piques, et dont la figure étrangère et sinistre contrastait avec celle des habitans de Paris, composant la garde nationale.

Par la lenteur de son départ, et celle inséparable d'une telle marche, Lafayette courut risque d'arriver trop tard. Depuis long-temps en effet la troupe des mégères de la halle et des faubourgs, renforcée de la populace de Versailles et même d'une partie de la garde nationale de cette ville, entourait le château, et ces séditieux après avoir tiré plusieurs fois sur les gardes-du-corps, s'étaient avancés dans la cour des ministres, sans que les troupes, qui avaient défense de faire feu pussent s'y opposer.

Les femmes venues de Paris demandaient du pain; la garde nationale ne savait trop à qui elle en voulait; sa rage se tourna contre ces mêmes gardes-du corps qui l'avaient accueillie avec tant de fraternité quelques jours auparavant, et dont elle affectait alors de partager les sentimens. Une eirconstance qui prouve combien peu la multi

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