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Necker revient au

n'a pas été réunie depuis 1614, et l'a été sans succès, restreindra probablement la puissance parlementaire. Quelques conseillers imaginèrent au contraire que les états ne restant pas en permanence, remplaceraient l'autorité précaire et toujours contestée des parlemens, par un pouvoir plus fixe, plus constitutionnel et indépendant de la couronne; cette démarche d'une ambitieuse corporation fut le vrai signal de la révolution.

Le cardinal, saisi d'effroi, à l'approche de l'oministère. rage qu'il avait lui-même amoncelé sur sa tête, après avoir, en moins d'un an, gaspillé les ressources de l'état, abusé de son pouvoir, ébranlé toutes les bases du gouvernement, donna le 24 août 1788, sa démission de premier ministre, recommandant au Roi M. Necker, comme le seul homme qui pût le remplacer, et que l'opinion publique désignait. La retraite de l'archevêque fut signalée par l'explosion d'une joie immodérée, qui dégénéra bientôt en sédition; on brûla son effigie sur la place Dauphine; le guet voulant s'y opposer fut désarmé. Ce désordre dura trois jours et l'attroupement ne fut dissipé que par l'arrivée des gardes françaises et suisses. Assemblée Le Roi, à la demande du parlement, et sur les Généraux. instances de son ministre, venait de promettre les

des Etats

états-généraux. M. de Necker n'était pas homme à le détourner de cette mesure, malgré ce qu'on

pouvait en redouter. Il était évident que la réunion d'une telle assemblée, au moment où l'effervescence la plus violente agitait toutes les têtes, devait avoir des suites dangereuses: car on n'ignorait pas que les cahiers des provinces ne demandassent des réformes dont il était même impossible de mesurer l'étendue. Assembler les états, et ne pas accorder toutes ces réformes, c'était auginenter le mal et doubler le danger; et ce résultat semblait pourtant le seul qu'on pût se promettre de cette grande mesure. Si au contraire on était résolu à faire toutes les concessions réclamées, alors il semblait plus naturel qu'elles émanassent du trône, sans secousse, sans trouble. Le Roi eût acquis des titres plus sacrés à l'amour de son peuple, et le gouvernement n'eût pas été rénversé. Les parlemens, dirat-on, et les ordres de la noblesse et du clergé n'eussent pas consenti à se dépouiller de leurs priviléges : la cour et le parti aristocratique n'auraient jamais donné leur assentiment à de nouvelles institutions qui eussent limité leurs droits. Mais à quoi bon réunir alors une assemblée où ces deux ordres devaient avoir la majorité? n'était-ce pas un motif de plus pour éviter de faire naître des débats qui devenaient seuls un principe de bouleversement? Ne paraissait-il pas plus convenable de procéder successivement et avec mesure aux améliorations exigées par les cir

constances, en se servant de toute la force qu'avait alors l'autorité royale?

Necker envisagea cette réunion sous un autre aspect; elle alliait selon lui les intérêts du royaume à son système et à ses vues particulières. Les hommes qui tiennent le timon de l'état, ne sont que trop enclins à voir le bien général dans les fictions qu'ils se créent, et à prendre pour l'intérêt public ce qui n'est que le leur ou un moyen d'arriver à leurs fins. Le ministre, pensant que les états-généraux substitués à l'influence des parlemens apporteraient moins de résistance aux projets du gouvernement, voyait en eux un levier puissant pour ébranler l'autorité de ces intraitables magistrats. Il jugeait peut-être aussi qu'une telle assemblée nationale serait un instrument vigoureux entre les mains d'un ministre fort de sa popularité. Et pour être vrai, il faut convenir que le gouvernement se trouvait dans un extrême embarras. Placé entre la nécessité de faire des réformes commandées autant par l'opinion générale que par les besoins de l'état, et entre l'impossibilité de faire agréer ces innovations aux corps privilégiés; il ne lui restait que deux moyens, ou d'en appeler à la masse de la nation, ou de faire le bien par des coups d'autorité. Ces deux remèdes, également violens, offraient des dangers manifestes. Convoquer les députés de la nation,

c'était mettre aux prises des partis exaltés, et provoquer le choc des priviléges contre des hommes décidés à les renverser : frapper des coups d'autorité, c'était s'aliéner les esprits des opposans sans gagner celui du tiers-état; mais ce dernier moyen, tout insuffisant qu'il parût, aurait du moins opéré une partie du bien désiré en évitant de mettre les factions aux mains, et d'allumer les premières étincelles d'une guerre civile.

On ne doit pas supposer que Necker n'eût prévu aucune de ces conséquences, mais que, séduit par les avantages apparens de cette réunion, il comptait diriger les états à son gré. On lui a prêté aussi le projet d'introduire la constitution anglaise en France: en donnant au ministère toute la force qu'avait celui d'Angleterre, il espérait, disait-on, s'emparer du principal rôle et gouverner la nation par l'influence qu'il acquerrait sur les députés.

Le mal n'eût pas été grand, sans doute, puisqu'après 25 ans d'expérience, on n'a pas beaucoup dévié de ces principes dans la Charte donnée par Louis XVIII à la France; mais à cette malheureuse époque de 1789, des nobles orgueilleux regardaient comme une usurpation, ce que l'immense majorité de la nation considérait commel 'exercice de ses droits.

Quoi qu'il en soit, la mesure du doublement des députés du tiers que le ministre fit adopter, dé

note assez de quels moyens il voulait se servir pour arriver à ses fins : c'était le premier pas vers l'établissement d'une chambre des commu

nes.

Une ambition plus nuisible, celle du duc d'Orléans, fut signalée dans le même temps: refusant de prendre part aux actes des princes et des pairs, épousant les intérêts du tiers-état, répandant des largesses au bas peuple, annonçant par ses instructions aux bailliages des vues opposées à celles de la cour; il prouva qu'il ne lui pardonnerait jamais son exil en Angleterre, et que toutes les voies lui étaient égales pour sortir de la nullité politique à laquelle il semblait condamné autant par son caractère que par sa condition.

Cependant l'effervescence augmentant de plus en plus, le parlement crut devoir prendre un arrêté sur la situation intérieure du royaume, afin de consacrer toutes les réformes qu'on avait droit d'attendre.

Pour rendre cet acte plus complet, les pairs déclarèrent qu'ils consentaient à la répartition égale de l'impôt (décembre 1788); mais ces concessions tardives devenaient insuffisantes, car les états-généraux déjà convoqués pour le 1er mai 1789, étaient chargés d'en solliciter de beaucoup plus importantes.

Quelques jours avant leur réunion, plusieurs de ces hommes sans aveu, dont les rues de

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