Page images
PDF
EPUB

chercher. M. de Calonne crut l'avoir trouvé dans une assemblée de notables, qu'il espérait entraîner par l'amour du bien public, ou dominer par son ascendant, de manière à faire cesser la résistance que les cours de magistrature opposaient depuis long-temps à l'enregistrement de tous les édits.

Son plan reposait sur la répartition égale de l'impôt, sur l'établissement d'états provinciaux dans tout le royaume, et l'abolition de plusieurs droits vexatoires dont on se plaignait avec raison.

On ne peut qu'applaudir aux principes développés dans le mémoire intéressant que ce ministre soumit au Roi; mais en réfléchissant à l'état réel de l'esprit public, on doit avouer qu'il reposait sur de belles chimères.

Par un calcul ou un désintéressement difficile à concevoir, M. de Calonne avait provoqué luimême l'influence de ses plus ardens détracteurs dans l'assemblée des notables, et particulièrement celle de l'archevêque de Toulouse, intrigant sans morale comme sans moyens, qui aspirait à le remplacer. Enfin cette assemblée regardée comme la dernière arche de salut fut installée; M. de Calonne fit avec le talent oratoire qui le distinguait, un tableau séduisant de la situation prospère où se trouvait la France depuis l'heureuse issue de la dernière guerre. Ce tableau, quoique fidèle, était malheureusement terminé

par un aveu pénible de l'embarras des finances et d'un déficit de 1400 millions, qu'il fallait couvrir par une augmentation de charges annuelles de 127 millions. En vain le ministre propose des moyens d'y subvenir et fait ressortir la faiblesse du sacrifice imposé à la France, en comparaison des heureuses destinées qui l'attendent. On oublie tout ce que ce souvenir avait de glorieux, pour se rappeler que six ans auparavant, Necker promettait un excédant annuel de 10 millions. On ne peut concevoir qu'outre les revenus ordinaires du fisc, on ait dévoré dans ce court espace de temps, et en pleine paix, des sommes si exhorbitantes; et l'on observe d'ailleurs que le Houveau projet repose sur la suppression des priviléges pécuniaires auxquels on attache tant de prix.

Chute de M. Les détracteurs de M. de Calonne ne mande Calonne.

quent pas de tirer parti de la contradiction арраrente qui existe entre les assertions du contrôleur et le compte rendu de son prédécesseur, et croyant y trouver la preuve d'énormes déprédations, ils l'accusent hautement. Ce fonctionnaire devient en un instant l'objet de l'animadversion générale; perdu dans l'esprit des grands et du clergé; accusé par le tiers-état d'avoir augmenté les charges et détourné les deniers publics pour fournir à tous les débordemens des courtisans: il est forcé de quitter le ministère et de se retirer

chez l'étranger, où son activité et ses intrigues ne tardent pas à faire un mal irréparable à la France et à la famille qu'il voulait sauver.

Peut-être trop de facilité dans les paiemens. faits à la cour et aux pensionnaires de la liste civile, donna-t-elle prise aux inculpations dont il fut la victime toutefois il semble plus juste de croire que les calculs de Necker étaient inexacts. Le déficit provenait en majeure partie des efforts pour la guerre d'Amérique, Necker ne l'avait pas comblé, et si M. de Calonne y ajouta quelques millions, ce n'était pas une raison de lui imputer tout le mal.

tre,

Les notables satisfaits de la retraite du miniscédant néanmoins à la nécessité de ne pas détruire les espérances que leur réunion avait fait naître, ou inspirés par un reste de patriotisme qui leur commandait de porter remède aux maux de l'état, adoptèrent en grande partie les projets de l'homme qu'ils venaient de sacrifier.

Les corvées furent abolies, la gabelle jugée, la libre circulation intérieure et la liberté du commerce des grains consacrées, la subvention territoriale établie; mais les parlemens qui ont joué un rôle si contradictoire sous ces deux derniers règnes, sans cesser pour cela de prouver leurs orgueilleuses prétentions, luttèrent encore cette fois contre le bien public pour soutenir les prérogatives des corps privilégiés.

Bévues deM. de Brienne.

:

Sur ces entrefaites, l'archevêque de Toulouse plus connu dès-lors sous le titre d'archevêque de Sens, ou cardinal de Loménie, avait atteint son but investi d'un pouvoir immense et nommé principal ministre, il semblait que sa dictature pût seule sauver la monarchie, et elle en accéléra la perte. Ce ministre d'un caractère au fond pusillanime, n'avait d'énergie que par emporte

ment.

:

La résistance des parlemens ne lui déplut point, tant qu'elle porta sur les projets de Calonne, puisqu'elle justifiait ses intrigues contre lui mais lorsque cette résistance se prolongea et heurta toutes les mesures de l'administration, le cardinal imagina de mettre les parlemens en vacances, et de substituer au consentement de ces magistrats frondeurs, celui d'une cour plénière. C'était une assemblée de députés de chaque ordre, calquée, disait-on, sur les plus anciennes institutions de la monarchie; mais toutes les magistratures voyant dans cette innovation une menace sérieuse contre leurs prérogatives, excitèrent un mécontentement universel. La Bretagne se constitua en révolte ouverte; la noblesse se mit à la tête des opposans, et par une bizarrerie qui caractérise au reste toute la marche de cette révolution, les bourgeois de Rennes et de Nantes furent les plus ardens défenseurs des corps privilégiés, tant l'esprit de résistance à la

cour, quel qu'en fût le motif, semblait une preuve de patriotisme ou d'attachement à la liberté !

Trop faible pour vaincre la résistance qu'il éprouvait, et trop inhabile pour la détourner, le nouveau ministre après avoir employé tour-àtour une violence outrée, mais partielle, et une faiblesse qui n'était rien moins que de la modération, dut renoncer à son projet de cour plénière. Cependant l'état dépérissait et le mal-augmentait de jour en jour, sans que personne y trouvât même un palliatif. Le cardinal acheva de perdre toute considération par la faiblesse qu'il montra, lors de l'invasion des Prussiens en Hollande, et en précipitant par cet oubli de la politique nationale, la république des Provinces-Unies, sous l'influence anglaise. Cette ineptie qui fit perdre d'un seul trait tout le fruit de la paix de 1783, dut paraître d'autant plus extraordinaire aux hommes d'état de tous les pays, que l'alliance de la cour de Vienne et la bonne intelligence avec la Russie eussent aisément donné les moyens de s'opposer à cette invasion. On lui reprocha également de n'avoir point su mettre à profit l'occasion qui lui fut offerte par Tippo-Saib pour chasser les Anglais de l'Inde.

Dans la lutte qui s'était établie entre les parlemens et le ministère, les premiers avaient prononcé le mot d'états-généraux. En vain leur observe-t-on que cette assemblée nationale, qui

« PreviousContinue »