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roient inféparables, & obligés à vivre enfemble le refte de leur vie. L'Auteur de ce plan croit y avoir trouvé un jufte milieu entre la Religion Chrétienne & la Ma. bométane. La premiére eft contraire à la propagation, en rendant les mariages indiffolubles, & en ne permettant qu'une feule femme; la Mabométane ne l'eft pas moins en accordant la pluralité; car dans ce grand nombre de femmes enfermées, une feule ordinairement s'empare du cœur de fon Mari, & les autres demeurent des fervantes inutiles. Si chaque femme étoit en droit de fe choisir un mari felon fon inclination & pour un tems limité, on ne leur verroit point faire de chofes contraires à la nature, ni de celles où elles courent rifque de perdre la vie; le tems des amours viendroit, & ce tems Teroit tout employé à l'amour; on ne verroit point de débauche, parce que les hommes, ni les femmes, n'y auroient point recours, pour fatisfaire aux loix de la Nature qui eft fage; & cette facilité de fe marier & de fe quitter, feroit que tout le monde fe marieroit. Enfin on arrête. roit les progrès continuels du mal conta. gieux qui infecte toute la Terre, & qui altére de jour en jour l'Efpéce Humaine.

Ces réflexions font fuivies d'un calcul tendant à prouver, qu'en introduifant cet ufage, un million de femmes, qui eft à peu près la dixième partie de celles qu'il

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ya en France, produiroient en 180 ans 978. millions d'ames, lorsqu'elles feroient cha cune fix enfans. Ce nombre eft énorme, & demeureroit encore prodigieux, fouftraction faite des trois quarts, On défie. tous les Théologiens du Monde de prouver l'impiété de ce fyftême, puisque le mariage n'est établi que pour la Popula

tion.

Sans être Théologien, l'Editeur fait des réflexions fort judicieufes fur ce Projet nous croyons devoir lui en faire honneur & ce fera la clôture de cet Extrait.

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. Mon intention, dit-il, n'étoit pas d'a, bord de mettre ces réflexions au jour; mais je m'y fuis déterminé, afin de faire connoître que ce ne font pas des fottifes & des infamies, comme certaines perfonnes ont voulu le perfuader, (quoi» qu'elles ne les euffent jamais luës, & que ce qu'elles en fçavoient, n'étoit » que par ouï-dire.) On verra au-cop" traire que tout ce que l'Auteur dit à cefujet, eft à bonne intention; puis» qu'il croyoit que ce feroit un moyen de peupler le Monde, en détruifant la débauche & le libertinage: mais s'il s'eft » trompé, doit-on regarder une erreur comme un crime?

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Je penfe, comme je crois que tout le monde penfera, que Mr. le Maréchal de Saxe étoit plus grand Général » que

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que grand Légifte, & que ces mariages limités qu'il propose, au lieu de fai. re un bien, feroient au contraire un défordre affreux dans la Société : car "" combien d'enfans fans bien, fans éduca. tion, périroient de mifére, lorsqu'ils feroient abandonnés par le caprice d'un Pére ou d'une Mére? Ne vaudroit-il "pas mieux que la Terre fût habitée par "peu d'hommes qui foient à leur aife, que d'être peuplée d'une multitude de miférables & de vagabonds, qui nous retraceroient les ravages de ces Nations barbares qui inondérent & défolérent toute l'Europe? Cette liberté de se marier & de fe quitter feroit d'ailleurs de " bien petite conféquence pour la propa

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gation qu'y gagneroit-on rien, fi"non que l'on feroit par arrêts authenti "ques ce que l'on fait déjà tacitement. Si le nombre des hommes diminuë, n'en attribuons point la caufe aux liens du " mariage: malheureusement aujourd'hui l'on n'eft rien moins qu'efclave de la foi conjugale, & lorsque les époux ne s'ac commodent plus, chacun cherche de fon côté, moyennant quoi peu de chose se perd.

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"Il y a eu autrefois des maladies épidé »miques, comme la pefte, la lépre & la ladrerie, qui ont fait des ravages affreux; & ce mal que nous appellons n vénérien, n'a fait que remplacer d'au

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, tres maladies qui nous font inconnuës à» préfent. Toutes ces miféres humaines » n'ont pas fait tant de ravages dans le Monde, que ce mal contagieux qui régne » aujourd'hui: ce n'eft pas de la V. . ... » que je veux parler; c'eft le Luxe & la Molleffe, qui eft cette maladie contrai» re à la propagation: autrefois elle n'étoit connue que dans les Palais des Grands, maintenant elle gagne jufques dans les Hameaux: c'est elle qui multiplie nos befoins, & qui fait que les enfans font à charge aux Péres & aux Méres, parce qu'ils leur coutent beaucoup à élever & à entretenir. Nous ne fommes plus dans ces tems heureux ou la fimplicité & la frugalité n'étoient pas une honte; aujourd'hui le fils d'un Manant eft élevét avec plus de fafte & de délicateffe que le fils de fon Prince. Que l'on examine la prodigieufe quantité de personnes mariées & non mariées qui vivent dans » le Célibat, & qui renoncent aux Loix du Mariage, fous prétexte de la répugnance qu'elles ont à laiffer des enfans pauvres, & l'on verra que c'eft une des caufes qui contribuent le plus à la dépopu. lation.

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Mais au-refte fi l'on fait bien réflexion, combien toute la Nature eft fujette à des révolutions, on fera porté à croire que dans le cours des tems il fe rencontre des fiécles qui font plus propres à la proTom. XIX. Part. I. N » pa

pagation, & d'autres qui le font moins. Les productions de la terre ne 1ont-elles pas variées, & ne remarquons-nous » pas des années abondantes & ftériles? S'il y a des influences qui caufent la ftérilité de la terre, n'eft-il pas vraifemblable qu'il y en a qui agiffent égaleent fur les animaux ? N'en doutons pas, » puifque nous voyons des climats bien plus favorables à la propagation les uns » que les autres, comme la Province de Kianski à la Chine, où les femmes font fi fécondes, qu'elles font toujours enceintes, & mettent trois ou quatre enfans au monde à la fois : cette fécondité peuple le Païs d'une fi grande multitude d'habitans, que fon abondance & fa fertilité ne peuvent les nourrir, quoique " la récolte s'y fafle deux à trois fois l'an"née, enforte que la plupart font obli gés d'aller chercher fortune ailleurs, & de vivre errans dans les Etats d'Afie.

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CD:FQFDGDED:EDUHE ARTICLE XIV.

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LETTRE à un Amateur de Peinture, avec des Eclairciffemens Hiftoriques fur un Cabinet & les Auteurs des Tableaux qui le compofent. Ouvrage entremêlé de Digref fions fur la vie de plufieurs Peintres modernes. A Drefde, 1755 chez George-Con

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