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refte de fon Introduction à étendre ces idées.

L'Auteur prenant ainfi la Plaifanterie ab ovo, commence l'Ouvrage même en expofant fort au long lá nature de l'efprit & la pénétration. Il feroit inutile de le fuivre dans ces détails, qui ne font qu'un précis de ce qu'on trouve là-deffus dans plufieurs Ouvrages, & furtout dans le Traité du Goût que Mr. Meier a lui-même donné il y a quelques années, d'après les idées de Mr. Baumgarten.

Après ces préliminaires l'Auteur en vient enfin plus particulièrement à la Plaifanterie, Cicéron & Quintilien s'accordent à regarder l'aptitude à faire rire, fi l'on peut s'exprimer ainfi, comme fa qualité effen. tielle. Mr. Meier adopte cette idée, mais il diftingue un peu fubtilement la Saillie du Bon-mot & de la Plaifanterie. La Saillie (Ein fall) eft une penfée courte & fpirituelle: lorsqu'elle a un grand degré de beauté, & qu'elle eft par-la propre à produire un plaifir inattendu, c'eft un Bonmot; & un Bon-mot propre à faire rire, eft une Plaifanterie. C'eft aux Juges du Goût à décider fi ces diftinctions font fondées & conformes aux idées reçues.

De l'idée que Mr. Meier vient de don ner de la Plaifanterie, il conclut qu'elle différe de toutes les productions de l'efprit, qui bien-que fpirituelles & propres à faire rire, font trop longues pour être rangées

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fous cette claffe. Il cite la Satyre & la Comédie pour exemples. Mais ne refferret-il pas trop de cette maniére l'idée de la Plaifanterie? & un Ouvrage ne peut-il pas être fort long, & en même tems fort plaifant d'un bout à l'autre? L'Auteur prétend à-la-vérité que cet Ouvrage fera bien rempli de plaifanteries, mais ne fera pas lui-même une plaifanterie. Et à cela on pourroit encore lui répondre, qu'il y a tel Poëme, tel Ouvrage d'efprit, où la Plaifanterie ne réfulte que de l'enfemble des parties qui la compofent. La Plaifanterie différe en fecond lieu, felon Mr. Meier, des productions de l'efprit qui quoiqu'ingénieufes n'engagent pas à rire, telles que font plufieurs reparties vives & fpirituelles qui plaîfent fans faire rire; & enfin 3. de ce qui n'eft que rifible, le rifi ble feul ne conftituant pas la plaifanterie, mais la représentation qu'on en fait,

La Plaifanterie peut être confidérée fous deux points de vue différens; le premier regarde fon objet même, & il y a ainfi autant de branches de la Plaifanterie qu'il y a d'objets fur lesquels elle s'exerce; le fecond point de vue fous lequel on peut l'envifager, fe rapporte à fa nature même; on la confidére alors uniquement comme uue pensée ingénieufe, & l'on peut juger fous ces deux points de vue différens, fi une plaifanterie eft parfaite ou non.

Il y a, felon Mr. Meier, trois fources

principales de la perfection d'une Plaifanterie: 1. la perfection de l'efprit qui la produit; 2. fon aptitude à faire rire; 3. la maniére agréable de la débiter. Il eft impoffible d'entrer ici dans ces détails; je me bornerai à indiquer quelques régles générales que Mr. Meier propofe comme propres à rendre la Plaifanterie plus ou moins parfaite, felon qu'elles font plus ou moins obfervées.

Il demande d'abord une forte d'abondance d'idées, qui donnant à penfer occupe agréablement l'efprit, & rende la Plai fanterie piquante: cette abondance fe trouve quelquefois dans des allufions heureufes à des paffages d'Auteurs connus, ou à des traits d'Hiftoire remarquables.

Il veut enfuite que la Plaifanterie ne foit, ni trop élevée, ni trop basse, mais qu'elle fe proportionne à fon objet. Le fublime ne lui convient point, & le bas eft indigne d'amufer des gens de goût. On ne doit en un mot jamais perdre de vue la décence, afin de ne pas plaifanter de chofes dont on ne doit parler qu'avec gravité, ou dans des circonftances où le badinage eft hors de faifon. L'Auteur dit à ce fujet un mot des plaifanteries des Mourans.

Il faut de - plus de la jufteffe dans la pensée renfermée dans la Plaifanterie; il n'eft pas à-la-vérité néceffaire que les chofes dont il s'y agit foient exactement vraies;

on

on peut fouvent fe fervir de fujets inven. tés, mais la pensée même ne doit jamais être fauffe. L'Auteur en cite un exemple, que je rapporterai d'après lui. HENRI IV. ayant appris qu'un célébre Médecin de la Religion Réformée s'étoit fait Catholique dit au Duc de Sully: Votre Religion eft bien malade, car les Médecins l'ont abandonnée. Cette pensée feroit foutenable fi le nouveau Converti à la Religion Catbolique avoit éte un Eccléfiaftique; mais un Médecin n'étant pas à fa Religion ce qu'il eft à fes Malades, on voit que la pensée de HENRI IV. étoit fauffe.

La clarté & la vivacité font encore des qualités néceffaires à la bonne Plaifanterie, qui doit être clairement faifie de tous ceux qui l'entendent, & leur paroître asfez agréable pour les faire rire comme on le fouhaite. 'Une Plaifanterie dont on ne fent pas la force, ou qui ne cause pas affez de plaifir à l'efprit pour l'y intéreffer en quelque forte, ne produira jamais l'effet qu'on en attend. Plufieurs caufes la rendent vive ou intéreffante; la nouveauté en eft une principale, & engage Mr. Meier dans une petite fortie fur les conteurs éternels d'Hiftoires rebattuës & fur les échos des Plaifanteries d'autrui, gens qui tiennent régître de tout ce qui fe dit & fe dit quelquefois de plus mauvais, & s'en parent dans l'occafion avec une fatisfaction qu'on ne doit pas leur envier.

Tel

Telles font les principales idées de Mr. Meier fur la Plaifanterie. Son Ouvrage renferme certainement un grand nombre de réflexions judicieufes fur ce fujet, & il les a éclaircies lorsqu'il a été néceffaire par des exemples de mots connus, qu'il auroit été fuperfiu de rapporter ici. On trouvera peut-être que ces réflexions font trop étendues, & chargées d'amplifications inutiles; c'eft du-moins un jugement qui paroît affez naturel à la lectu re de cet Ouvrage; mais Mr. Meier penfe & s'exprime fi bien, qu'on s'apperçoit à peine qu'il dit des chofes qu'il auroit pu fupprimer.

ARTICLE XI.

L'ART DU GENIE, pour l'inftruction des Gens de guerre. Arte & Marte. A Berlin, chez Haude & Spener. 1755. in octavo, PP. 323. fans la Dédicace, la Préface & la Table qui en ont XVI. avec VII. Planches.

Che Major de Humbert, qui depuis une

'EST une nouvelle production de Mr.

= trentaine d'années s'eft fait connoître & eftimer par plufieurs Ecrits rélatifs à fa I profeffion, & qui s'étendent même à d'autres objets des Sciences & des Arts.

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