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répondit à la nécessité de combattre l'Arianisme, et elle s'éteignit presque en même temps que lui. La seconde race vint pour combattre le Mahométisme, et pour mettre fin au paganisme dų Nord. Si elle ne parvint pas à opérer leur destruction, au moins est-il vrai de dire qu'elle brisa leurs forces et qu'elle leur créa des ennemis qui furent plus tard suffisans pour les anéantir.

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Au point de vue de la vie intérieure, la première race différa de la seconde en ce que, sous son règne, l'organisation sociale, bien qu'étendue sur une plus grande surface, resta la même que nous l'avons vue au cinquième siècle. Sous la seconde, les plaids militaires furent convertis en conciles généraux, où les Evêques venaient représenter leurs diocèses, et les généraux leurs armées. Ainsi le droit de légiférer au civil fut réuni au droit de réglementer pour la milice. L'Eglise acquit, non pas une prépondérance plus considérable, mais une influence plus grande. Ainsi presque tous ces missi dominici, ces envoyés qui allaient dans les provinces pour réformer et l'administration et la justice, furent des membres du clergé les listes que nous possédons en font foi. Il dut résulter de là que l'esprit chrétien pénétra plus profondément, non pas les consciences, mais les lois, les habitudes, et fit naître les devoirs et le sentiment de l'égalité; que les différences qui séparaient le gouvernement des villes de celui des camps furent diminuées; etc.

Les révolutions intérieures restèrent cependant encore princi palement militaires. En effet, sous la dynastie de Pepin, comme sous celle de Clovis, l'oeuvre française fut surtout l'extension et la défense des doctrines de l'Eglise romaine.

Mais, dira-t-on, l'activité militaire des Français pendant ces cinq siècles fut-elle utile et civilisatrice? Pour résoudre la question, il suffit d'examiner les doctrines contre lesquelles elle s'exerça.

Nous avons déjà fait connaître l'Arianisme. Il nous reste à dire quelques mots des deux autres ennemis contre lesquels nous verrons les Français lutter avec un acharnement qui leur valut enfin la victoire. Nous pouvons reconnaître aujourd'hui si ce fut un bonheur pour l'humanité, nous pouvons voir quels fruits a portés

le Mahométisme, là même où son developpement a été complétement libre, en Perse, en Arabie, à Maroc et à Fez. Quant aux Barbares du Nord, il suffit de posséder quelques généralités sur leur doctrine sociale, pour que l'on reconnaisse que leur destruction fut un bienfait. Toutes ces religions du Nord, quel que fût leur nom, admettaient qu'il existait deux races d'hommes, l'une venue du bien, l'autre du mal; la première d'origine divine, ayant une ame immortelle ; la seconde n'ayant, ainsi que les animaux, qu'une ame mortelle comme leurs corps. Les prêtres et les guerriers étaient de la première, c'étaient des Dieux mortels; les esclaves, et presque toujours les ennemis, étaient de la seconde. Aussi, tout ce qui venait de la naissance était juste: le pouvoir et le bien pour les uns; la misère et le mal pour les autres. Or, comme il y a toujours lutte entre le bien et le mal, de même la guerre était continuelle. C'était aux guerriers qu'appartenait particulièrement cette fonction du combat. Pour avoir droit aux récompenses éternelles, ils devaient périr les armes à la main; celui qui mourait en lâche, autrement que par le glaive, était puni dans l'autre vie. La sévérité du culte répondait à la férocité des doctrines, car c'était par des sacrifices humains qu'on attirait la protection des Dieux. Plus le sang de la victime était précieux, plus le sacrifice avait de puissance. D'ailleurs, rien qui ressemblât à ce que dans la société romaine on appelait arts, sciences, industrie. Leur art, c'était ce culte barbare, et tous ces mystères sombres et redoutables dont on pourra lire le détail dans l'histoire des Celtes; leur science, c'était la magie; leur industrie, la guerre. C'est comme un reste, comme une émanation de ces doctrines, que nous sont venues toutes ces superstitions contre lesquelles l'Église n'a cessé de lutter dans les premiers siècles, c'est-à-dire tant qu'elle a été éclairée : ces croyances aux sorciers, aux présages, aux magiciens, etc.

Le Mahométisme, né en 622, époque où commence l'Hégire, était moins redoutable pour la civilisation; seulement, il eût ouvert au progrès une voie plus lente et plus difficile que celle qu'ont tracée les Français. A vrai dire, le Coran est l'Évangile de l'Orient,

Évangile bien affaibli, tout imbu des passions charnelles et ambitieuses de son auteur; cependant, en beaucoup de choses, c'est une imitation du Saint Livre. Le Mahométisme en effet est fils de l'Arianisme. Parce que Arius avait enseigné que Jésus n'était qu'un prophète, Mahomet vint dire qu'il était, lui, le dernier prophète, et il fut cru des populations où l'Arianisme avait séjourné, et où il l'avait en quelque sorte annoncé.

Le vice capital qui rendit le Mahométisme anti-progressif, fut d'avoir confondu dans les mêmes mains les deux pouvoirs, le pouvoir spirituel et le pouvoir temporel, et par suite d'avoir établi en principe que la justice et la raison étaient là où résidait la force. Chez les Chrétiens, au contraire, on enseignait que la justice et la raison résidaient là où était le dévouement. Le Mahométisme professait une doctrine sur la Providence, telle, qu'il en résultait que les choses sociales étaient gouvernées par un fatalisme absolu. Chez les Chrétiens, au contraire, on disait qu'on acquérait, par la foi, la grâce, c'est-à-dire, la liberté de choisir entre le bien et le mal. Aussi les destinées des deux sociétés furent bien différentes. Les Musulmans ne purent avancer dans la carrière de la civilisation que par la volonté du pouvoir; les Chrétiens, au contraire, n'ont cessé de marcher, même malgré le pouvoir.

Or, de ces trois doctrines sociales que la nationalité française rencontra, elle en anéantit deux, et elle battit et repoussa l'autre. L'Arianisme et le Paganisme furent conduits à leur destruction; le Mahométisme fut chassé et vaincu.

CHAPITRE DEUXIÈME.

HISTOIRE DES FRANÇAIS SOUS LA PREMIÈRE RACE.

La ligne politique des rois français était écrite dans cette prière qui termine le prologue de la loi salique! « Vive Christ! il aime

les Francs qu'il conserve le royaume; qu'il remplisse ses magistrats des lumières de sa grâce; qu'il protège l'armée; qu'il nous donne le mérite de prouver notre foi; qu'il nous accorde les joies et la félicité de la paix! que Notre-Seigneur Jésus-Christ nous accorde des rois pieux! car nous sommes cette nation brave et forte, qui secoua, de sa tête, le dur joug des Romains; et qui, après avoir reçu le baptême, orna somptueusement d'or et de pierres précieuses les corps des saints martyrs que les Romains avaient brûlés par le feu, massacrés et mutilés par le fer, et fait déchirer par les bêtes. »

Clovis devenu, en 497, roi des forces catholiques, des contrées situées entre la Meuse et la Loire, se hâta de prouver que telle était sa loi politique. Il marcha d'abord contre les ariens de Bourgogne, et les soumit au tribut. Il laissa sur leur territoire un camp de cinq mille Francs. Ensuite, dit Grégoire de Tours, il dit encore une fois aux siens : « Il m'est triste de voir ces Goths ariens posséder une partie des Gaules. Allons, avec l'aide de Dieu, allons vaincre, et soumettons-nous cette terre. » Il attaqua en effet les Visigoths, il ressaisit l'Auvergne et le Poitou, et poussa même ses armées jusqu'au pied des Pyrénées. Mais ces conquêtes ne furent point solides; et son pouvoir resta incertain et disputé dans presque toutes les provinces. En effet, il n'y avait alors qu'un moyen de s'assurer une contrée, c'était d'y asseoir un camp, et d'y fonder un corps de fiefs. Or, il n'y avait pas alors en France assez d'hommes de guerre pour fournir à de si nombreuses garnisons. Aussi ce ne fut que plus tard que la Bourgogne fut soumise, et les Visigoths chassés. Il ne lui resta pour le moment que les contrées où le peuple des cités était assez nombreux pour pouvoir se garder lui-même. Il paraît en effet que, de partout, les Catholiques des villes avaient appelé la domination de Clovis, et l'on doit penser qu'ils firent tous leurs efforts pour se conserver sous sa protection.

Ce fut sans doute en grande partie parce qu'il manquait d'hommes de guerre, que Clovis se défit des rois de Cambrai, de Cologne, et d'un certain Cararic qui commandait, à ce qu'il paraît,

du côté de Verdun, et qu'il s'acquit par ses négociations l'obéissance des Francs qui leur étaient soumis. Le corps le plus considérable des feudataires dont il conquit la possession par ce moyen, fut celui des soldats nommés plus particulièrement Ripuaires. Il était composé d'une population militaire instituée par les Romains pour défendre la frontière du Rhin. Il occupait le triangle formé par le cours de ce fleuve, et ceux de la Moselle et de la Meuse. Ce vaste camp avait été formé primitivement de troupes romaines et recruté d'hommes de toutes nations. Il s'était révolté et s'était donné des rois indépendans, lors des grandes invasions du commencement du siècle. Il était donc par son origine, et ses habitudes militaires, tout formé à la discipline de l'armée de Clovis; il était de la même race militaire que celle répandue dans le reste des Gaules, dont ce roi avait été proclamé le chef. En s'unissant aux Français, il reconquit sa famille.

Nous ne nous arrêterons pas davantage sur les actes de Clovis. En effet, nous ne nous sommes pas proposé d'écrire une histoire, mais de tracer une esquisse suffisante pour prouver l'exactitude de nos généralités. Il nous suffit donc d'avoir montré Clovis fidèle à sa mission catholique. Nous allons continuer avec la même brièveté l'examen des événemens qui signalèrent le commandement de ses fils.

Succession de Clovis. A sa mort, le royaume fut partagé entre ses quatre fils. Thierry eut le département de l'Austrasie et des Allemands qui occupaient les bords du haut Rhin; il résidait à Metz. Clodomir eut pour résidence Orléans, Childebert Paris, et Clotaire Soissons. De ces quatre princes, Thierry seul ayait commandé les armées. Il avait conquis l'Auvergne et le Quercy pour son père, et combattu contre les Goths d'Italie. L'histoire ne nous apprend pas que les autres aient joué le moindre rôle militaire pendant la vie de Clovis. Ils étaient, en effet, encore fort jeunes à sa mort: le plus âgé avait à peine dixşept ans. Cependant le partage exista et resta solide. Il est donc très-probable que Thierry, qui était l'aîné, et déjà père d'un fils que les chroniques appellent beau et utile, qui était fait aux af

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