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de chérir ses rois, sera toujours prêt à verser son sang et à prodiguer ses biens pour soutenir les vrais principes de la mo narchie.

› Dès le premier instant où les instructions que ses députés ont reçues, leur permettront de porter un vœu national, vous jugerez, sire, si les représentans de vos communes ne seront pas les plus empressés de vos sujets à maintenir les droits, l'honneur et la dignité du trône, à consolider les engagemens publics, et à rétablir le crédit de la nation.

» Vous reconnaîtrez aussi qu'ils ne seront pas moins justes envers leurs concitoyens de toutes les classes, que dévoués à votre majesté. › D

SÉANCE DU LUNDI 1er JUIN.
Communes,

M. Rabaud de Saint-Étienne. Les commissaires que vous avez autorisés à conférer avec les commissaires des ordres du clergé et de la noblesse, en présence de M. le garde-des-sceaux et de MM. les commissaires du roi, se rendirent samedi dernier, à l'heure indiquée, chez M. le garde-des-sceaux, où se trouvèrent MM. le comte de Montmorin, le duc de Nivernais, le comte de Puységur, le comte de Saint-Priest, Necker, de la Michodière, d'Ormesson, Vidaud de la Tour, de la Galaisière et de Lessart, nommés par sa majesté.

La séance fut ouverte par M. le garde-des-sceaux, qui exposa l'état de la question, témoigna le désir qu'avait sa majesté de voir les différens ordres se porter à des ouvertures de conciliation, et demanda si on allait procéder à l'examen de ces ouvertures, ou si on avait encore à discuter les principes,

Un des membres de la noblesse lut ur mémoire tendant à établir, par une discussion historique, que d'après les anciens usages les députés de la noblesse aux États-Généraux ne 'pouvaient se conduire autrement qu'ils n'avaient fait.

Vos commissaires, Messieurs, réprésentèrent que leur mandat les bornait à conférer sur la question de la vérification des

pouvoirs; et ils ajoutèrent qu'obligés de vous porter un rapport écrit des conférences et signé par les commissaires, ils proposaient d'écrire journellement les conférences et de les signer. MM. les commissaires de la noblesse et du clergé représen tèrent qu'ils n'ont à ce sujet aucuns pouvoirs de leurs ordres. Après quelques débats, il fut résolu du consentement des commissaires des trois ordres, qu'il serait dressé un rapport signé des commissaires des communes et d'un secrétaire agréé par les commissaires des trois ordres, et il en fut dressé acte.

Un commissaire de la noblesse a observé que, dans cet arrêté, on employait le mot communes pour désigner le tiers-état; que cette innovation de mots pouvait amener une innovation de principes, si elle n'en dérivait pas déjà ; qu'il devait donc protester contre cette expression, et déclarer ne pouvoir consentir qu'il subsistât dans l'arrêté. Cette observation n'a été appuyée par aucun des autres commissaires; l'arrêté a été regardé comme convenu, et la discussion a été reprise.

Dans la suite de son rapport, M. Rabaud de Saint-Étienne dit que les commissaires de la noblesse ont sans cesse présenté ensemble la question de délibération par dre ou par tête dans les États-Généraux avec celle de la vérification des pouvoirs dans les ordres réunis. Il ajoute que les commissaires des communes ont toujours représenté que ces deux questions sont indépendantes l'une de l'autre, et que les fondés de pouvoirs se borneront à discuter la dernière.

M. Malouet. Je demande que les commissaires conciliateurs du Tiers soient autorisés à discuter avec les commissaires concilateurs des autres ordres, la question de la délibération par tête ou pár ordre.

Cette motion avait été proposée par amendement, le 29 mai, et rejetée. Un membre rappelle l'amendement et veut que l'ou' décide quel nombre de voix il faut pour le reproduire.

M. Camus. Il y a changement d'état dans la question; elle peut être ainsi présentée. Les commissaires ayant rapporté que, suivant les ordres privilégiés, les deux questions de la vérifica

tion et de la votation sont nécessairement liées et se prêtent un secours mutuel, il est de l'intérêt et de la dignité de l'assemblée de repousser les reproches que les commissaires de la noblesse pourront faire aux commissaires du tiers-état d'éluder une question majeure par faiblesse de moyens. La question actuelle diffère évidemment de celle qui a été rejetée, et mérite, par son importance, un mûr examen.

D'autres membres pensent que l'on ne peut séparer les deux questions, sans retarder les travaux.

On répond que la proposition qui vient d'être faite n'est pas nouvelle, qu'on l'a déjà présentée, qu'elle a été rejetée, et qu'il n'y a point de changement essentiel dans les circonstances, qu'ainsi l'on ne doit point s'arrêter à cette motion,

La motion a été presque unanimement rejetée.

MM. Biauzat et Camus désirent que la question de la votation ne soit décidée qu'après qu'ils seront constitués.

Ainsi, on avait encore mis en discussion les questions qui étaient restées insolubles dans les premières conférences. M. Necker vint y compromet son crédit de courtisan, en prouvant qu'il n'avait rien de cette influence qu'il anonçait posséder sur le Tiers. Il proposait quelque chose de plus difficile encore que tout ce dont il avait été question antérieurement. Il soutenait d'abord la vérification séparée, ou par ordre; ensuite, dans les cas de difficultés, qui seraient sans doute très-rares, disait-il, il offrait de s'en rapporter au conseil du roi. Or, positivement, personne ne voulait accepter cette dépendance. Ainsi, le ministre sut d'un seul coup mécontenter le tiers-état, et blesser les prétentions de la noblesse. Les conférences furent fermées le 9 juin, par un procès-verbal qui prouvait qu'elles avaient été sans résultat: la noblesse refusa de le signer. La question de la vérification en commun ou séparée restait tout entière. Il était seulement prouvé que les propositions du Tiers-état n'avaient point été acceptées.

Pendant la durée de ces conférences, les séances des communes avaient lieu tous les jours; mais comme on ne voulait

s'occuper d'aucune délibération sérieuse avant d'avoir une décision définitive sur le sujet débattu entre les trois ordres, les séances étaient fort courtes, et occupées de faits accidentels. Ainsi, on s'échauffa beaucoup sur des retards, prémédités ou non, apportés à la députation qu'on avait décidé d'envoyer au roi. Le dauphin mourait (1), disait le ministre, et le roi, tout entier à la douleur, ne pouvait recevoir les communes. Aux yeux de plusieurs membres, cette excuse n'était qu'un prétexte pour ajourner indéfiniment la visite des communes. On y attacha donc d'autant plus d'importance, et l'on en fit presque une question de reconnaissance. Enfin, la députation fut reçue.

On s'occupa aussi de nommer un nouveau doyen. M. d'Ailly, qui avait succédé à M. Leroux, devint suspect à l'assemblée. Il avait eu une longue conférence avec Necker dont on ne connaissait pas les motifs. Cela suffit pour jeter des doutes sur ses intentions: il donna sa démission, et il fut remplacé par M. Bailly. On s'occupa encore de la rédaction d'un réglement provisoire.

Ainsi l'assemblée s'efforçait de consumer le temps, et se maintenait dans le provisoire. Dans chaque séance cependant, quelque membre venait la solliciter à agir. Passons outre, disaient les plus impatiens, déclarons-nous assemblée nationale; appelons ceux du clergé et de la noblesse qui voudront se réunir à nous, et agissons comme uniques représentans du pays. Mais ces motions étaient toujours repoussées par la majorité, et l'on persistait dans le système d'inertie. Une seule fois, l'assemblée fut mise en demeure d'agir comme ordre, et d'une manière telle, qu'il semblait qu'elle ne pouvait s'y refuser. Le clergé lui envoya une députation pour lui proposer de s'occuper de la misère publique et de la rareté des grains. Les députés des communes ne virent dans cette proposition qu'un moyen adroit de l'engager dans une démarche qui présupposât la reconnaissance de la séparation des ordres, l'assemblée répondit: Le vou le plus ar

(1) Ce jeune prince, âgé de sept ans, mourut, le 4 juin,

T

dent des représentans du peuple est de venir à son secours. L'arrêté du clergé les autorise à croire que cet ordre partage leur impatience à cet égard, et qu'il ne se refusera pas plus longtemps à une réunion, sans laquelle les malheurs publics ne peuvent qu'augmenter.>

Cependant toutes ces résistances irritaient et alarmaient la cour. L'espérance que l'on avait fondée sur l'intervention du Tiers-état pour forcer à capitulation les ordres privilégiés, s'évanouissait devant la crainte de troubles à venir, et de prétentions plus redoutables. Les promesses de M. Necker se trouvaient déçues, ses prévoyances faussées. Il devait être accusé de tous les maux qu'on craignait. Ses derniers calculs même pour ramener l'assemblée dans la ligne qui convenait au pouvoir, se trouvaient déçus. Le ministre avait perdu son crédit.

Déjà la cour se préparait à la possibilité d'une lutte, qui devenait de jour en jour plus probable: au moins elle voulait en imposer. Elle massait des forces aux environs de Paris. Successivement on avait vu arriver un nouveau régiment suisse, et trois régimens de cavalerie (19 mai); de nombreux bataillons devaient les suivre pour compléter une armée.

Personne n'ignorait ces faits, soit à l'assemblée, soit à Paris. Mais l'impulsion était plus forte que la prudence. L'opinion de la capitale était, d'ailleurs, arrivée à un état d'exaltation, dont le retentissement suffisait pour soutenir tous les courages qui auraient pu chanceler à Versailles. Les provinces étaient unanimes: plusieurs déjà, poussées par divers motifs, avaient pris les armes.

La disette, qui allait croissant au fur et à mesure qu'on approchait de la nouvelle moisson, et que les travaux de fabriques surtout diminuaient, avait forcé au vagabondage une multitude de malheureux, soit des villes, soit des campagnes, qui, dans d'autres temps, auraient trouvé à vivre. Ces hommes, en beaucoup de lieux, se réunissaient tout d'un coup en troupe, et la tête exaltée, autant par l'excès de la faim, que par le contraste de l'aisance des riches, essayaient de ravir par la force ce que le travail ne pouvait leur procurer. Plusieurs de ces bandes se for

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