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stitutifs de la monarchie, et qu'elle persévérera constamment dans ces principes conservateurs du trône et de la liberté.

Cet arrêté passe à la pluralité de 202 voix contre 16. Dix membres s'y opposent formellement et en demandent acte.

Pendant le cours de la délibération, le marquis de Brezé apporte la lettre du roi, et la fait remettre au président.

M. le duc d'Orléans proteste contre la délibération.

Une députation du clergé se présente. M. l'évêque de Saintes porte la parole et dit : le clergé vient de recevoir une lettre du roi et il suspend toute délibération jusqu'à l'issue des conférences proposées par sa majesté.

M. le président. La chambre est disposée à envoyer ses commissaires.

SÉANCE DU VENDREDI 29 MAI.

Communes.

M. le doyen établit ainsi l'état de la question : acceptera-t-on ou rejettera-t-on les conférences? Le tour d'opinion commence cette fois par la fin de la liste.

MM. les députés de Bretagne, les députés d'Artois, M. Bureau, Camus et plusieurs autres membres parlent contre les conférences. Ils soutiennent que les conférences sont inutiles, puisque la noblesse ne sera pas plus convaincue aux secondes qu'aux premières ; que l'arrêté qu'elle vient de prendre, et par lequel elle s'est liée, n'annonce que trop son opiniâtreté dans ses premiers principes quant au clergé il s'est enveloppé d'un voile mysté rieux, en prenant le rôle de conciliateur, pour acquérir des partisans dans l'un et l'autre ordre. Pressées entre le clergé et la noblesse, les communes doivent craindre un danger plus grand encore que celui des funestes priviléges de ces deux ordres. Il ar rive précisément en 1789 ce qui est arrivé en 1589. Le roi avait proposé alors de pacifier les esprits, et il avait fini de les pacifier par un arrêt du conseil. Quand bien même un pareil arrêté serait aujourd'hui favorable aux communes, que la noblesse et le clergé s'y soumettraient, un tel exemple ne pourrait-il pas être funeste? Le gouvernement ne pourra-t-il pas, à la moindre divi

T. I.

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sion dans les États, renouveler des coups d'autorité qui mettraient les États dans sa dépendance, dégraderaient la majesté de l'assemblée nationale, et violeraient sa liberté?

Quelques membres parlent pour soutenir les conférences; ils observent qu'après avoir demandé l'entremise du clergé pour rétablir l'union, il serait indécent de rejeter celle qu'offrait le roi, sans avoir été sollicitée. Une conduite aussi peu modérée, exposera les communes à son animadversion, et justifiera les intrigues qu'on se permet contre elles; avant de prendre un parti de rigueur, elles doivent épuiser toutes les voies de la douceur. Ce serait le seul ordre qui ne condescendrait pas au désir du roi, et c'est le seul ordre fort de la justice. La démarche de se prêter au vœu du roi, ne peut rien avoir de dangereux, puisque l'assemblée n'est pas constituée, puisque le roi ne veut pas prononcer un jugement, en annonçant qu'il n'assistera pas aux conférences. Quand bien même cet arrêt du conseil, que l'on redoute, interviendrait, il serait toujours nul, toujours illégal.

M. le comte de Mirabeau. Il est difficile de fermer les yeux sur les circonstances où la lettre du roi nous a été remise. Il est impossible de ne pas distinguer les motifs de ceux qui l'ont provovoquée, du sentiment de l'auguste auteur de cette lettre. Il serait dangereux de confondre ses intentions respectables, et les suites probables de son invitation. Un médiateur tel que le roi ne peut jamais laisser une véritable liberté aux partis qu'il désire concilier. La majesté du trône suffirait seule pour la leur ravir. Nous n'avons pas donné le plus léger prétexte à son intervention. Elle paraît au moment où deux ordres sont en négociation avec le troisième, au moment où l'un de ces ordres est presque invinciblement entraîné par le parti populaire. C'est au milieu de la délibération du clergé, avant aucun résultat, après des conciliabules (je parle des assemblées nocturnes du haut clergé, que la notoriété publique nous a dénoncées), que les lettres du roi sont remises aux divers ordres. Qu'est-ce donc que tout ceci? Un effort de courage, de patience et de bonté de la part du roi, mais en même temps un piége dressé par la main de ceux qui lui ont

rendu un compte inexact de la situation des esprits et des choses, un piége en tous sens, un piége ourdi de la main des druides. Piége, si l'on défère au désir du roi; piége, si l'on s'y refuse. Accepterons-nous les conférences? Tout ceci finira par un arrêt du conseil. Nous serons chambrés et despotisés par le fait, d'autant plus infailliblement, que tous les aristocrates tendent à l'opinion par ordre. Si nous n'acceptons pas : le trône sera assiégé de dénonciations, de calomnies, de prédictions sinistres. On répétera avec plus de force ce qu'on dit aujourd'hui pour tuer l'opinion par tête, que les communes tumultueuses, indisciplinées, avides d'indépendance, sans système, sans principes, détruiront l'autorité royale. On proférera avec plus de ferveur que jamais cette absurdité profonde, que la constitution va périr sous l'influence de la démocratie.

Faisons route entre ces deux écueils; rendons-nous à l'invitation du roi; mais faisons précéder les conférences d'une démarche plus éclatante, qui déjoue l'intrigue et démasque la calomnie. Le roi nous a adressé un hommage rempli de bonté. Portonslui une adresse pleine d'amour, où nous consacrerons à la fois nos sentimens et nos principes.

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Je propose, d'après ces motifs, qu'il soit fait à sa majesté une très-humble adresse, pour lui exprimer l'attachement inviolable de ses fidèles communes à sa royale personne, à son auguste maison et aux vrais principes de la monarchie, et lui témoigner leur respectueuse reconnaissance; que pour s'occuper, de concert avec sa majesté, de la régénération du royaume, faire cesser la sollicitude dont elle a été pénétrée, et mettre fin à la malheureuse inaction à laquelle cette assemblée nationale est réduite par l'incident le plus imprévu, elles ont autorisé leurs commissaires à reprendre les conférences; que cependant les communes se voient dans la nécessité de déclarer que la vérification des pouvoirs ne peut être définitivement faite que dans l'assemblée nationale; qu'en conséquence, elles chargent leurs commissaires de s'occuper de tous les expédiens, qui, sans porter atteinte à ce principe fondamental, pourront être jugés propres à ramener la

concorde entre les divers ordres, et à réaliser les espérances que sa majesté a conçues pour le bonheur et la prospérité de l'État...

M. Rabaud de Saint-Etienne. Je propose de reprendre les conférences; d'entendre les ouvertures de conciliation, même sur le vote par tête, sans que les commissaires puissent rien décider; de déclarer en même temps que les communes ne consentent à reprendre les conférences, que parce qu'elles ne voient dans les commissaires du roi que de simples témoins, et dans les expressions de sa lettre, que la volonté de sa majesté de ne faire intervenir aucun ordre.

Les débats sont prolongés jusqu'à trois heures et demie.

La séance est levée et remise à cinq heures du soir.

SÉANCE DU VENDREDI 29 MAI AU SOIR.

Communes.

Les députés des communes, assemblés dans la salle nationale, arrêtent, à la pluralité des voix, que, pour répondre aux intentions paternelles du roi, les commissaires déjà choisis par eux reprendront leurs conférences avec ceux choisis par MM. du clergé et de la noblesse, au jour et à l'heure que sa majesté voudra bien indiquer; que procès-verbal sera dressé de chaque séance, et signé par tous ceux qui y auront assisté, afin que le contenu ne puisse être révoqué en doute.

Il est aussi arrêté qu'il sera fait au roi une députation solennelle pour lui présenter les hommages respectueux de ses fidèles communes, les assurances de leur zèle et de leur amour pour sa personne sacrée et la famille royale, et les sentimens de la vive reconnaissance dont elles sont pénétrées pour les tendres sollicitudes de sa majesté sur les besoins de son peuple.

La séance est levée à dix heures et demie du soir.

< Sire,

ADRESSE AU ROI.

› Depuis long-temps les députés de vos fidèles communes auraient présenté solennellement à votre majesté le respectueux té

moignage de leur reconnaissance pour la convocation des ÉtatsGénéraux, si leurs pouvoirs avaient été vérifiés.

Ils le seraient, si la noblesse avait cessé d'élever des ohstacles.

› Dans la plus vive impatience, ils attendent, l'instant de cette vérification, pour vous offrir un hommage plus éclatant de leur amour pour votre personne sacrée, pour son auguste famille, et de leur dévoûment aux intérêts du monarque, inséparables de ceux de la nation.

› La sollicitude qu'inspire à votre majesté l'inaction des ÉtatsGénéraux est une nouvelle preuve du désir qui l'anime de faire le bonheur de la France.

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Affligés de cette funeste inaction, les députés des communes ont tenté tous les moyens de déterminer ceux du clergé et de la noblesse à se réunir à eux pour constituer l'assemblée nationale.

› Mais la noblesse ayant exprimé de nouveau sa résolution de maintenir la vérification des pouvoirs faite séparément, les enférences conciliatoires entamées sur cette importante question se trouvaient terminées.

› Votre majesté a désiré qu'elles fussent reprises en présence de M. le garde-des-sceaux et des commissaires que vous avez nommés.

› Les députés des communes, certains que, sous un prince qui veut être restaurateur de la France, la liberté de l'assemblée nationale ne peut être en danger, se sont empressés de déférer au désir qu'elle leur a fait connaître ; ils sont bien convaincus que le compte exact de ces conférences, mis sous ses yeux, ne lui laissera voir dans les motifs qui nous dirigent que les principes de la justice et de la raison.

› Sire, vos fidèles communes n'oublieront jamais ce qu'elles doivent à leur roi: jamais elles n'oublieront cette alliance naturelle du trône et du peuple contre les diverses aristocraties, dont le pouvoir ne saurait s'établir que sur la ruine de l'autorité royale et de la félicité publique.

Le peuple français, qui se fit la gloire, dans tous les temps,

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