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nul Tribunal n'a encore puni ses assassins. On doit à sa mémoire de consigner fidèlement les dernières circonstances de sa vie honorable, et dans ce but, nous allons transcrire une Relation fidèle qui nous a été adressée par sa famille.

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La Municipalité, de concert avec la Garde, n'attendoit que le départ des Régimens en garnison dans la ville, pour tenter de s'emparer des Forts. Le 30 Avril au matin, celui de Notre-Dame de la Garde fut surpris par une troupe embusquée pendant la nuit, qui, à la pointe du jour, s'empara brusquement du pont-lev is, baissé sans pré

caution, "

La prise de ce Fort étoit l'avant-coureur certain du dessein de s'emparer de la Citadelle Saint-Nicolas et du Fort Saint-Jean tous deux susceptibles de faire une longue défense, sur-tout celui de Saint-Nicolas, qui, par ces trois enceintes de remparts, bâtis sur le roc et se dominant, ne pouvoit être pris qu'après une tranchée ouverte. "

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Le Chevalier de Bausset, chargé des détails de la Majorité du Fort Saint-Jean sous M. de Calvet, qui y commandoit en chef, se transporte à la Citadel'e Saint-Nicolas, des qu'il sut la surprise de NotreDame de la Garde; il y fut pour combiner, avec M. de la Roque, qui y commandoit, leurs projets mutuels de défense, en cas d'attaque, et leur conduite vis-à-vis de la Municipalité: il fut déterminé qu'on enverroit un Courier au Marquis de Miran, Commandant dans la Province, alors à Aix, pour lui rendre compte de la situation des choses,

et lui demander ses ordres relativement aux prétentions que la Municipalité pourroit elever sur la garde des Forts. Il fut encore résolu d'écrite au Maire de la ville, pour le prier de vouloir bien suspendre toute sommation d'introduire une Troupe étrangère à la garnison dans leurs places jusqu'au lendemain, qu'ils devoient recevoir les ordres du Commandant de la Province. Ces deux derniers points exécutés, le Chevalier de Bausset retourne à son Fort, conjointement avec MM. de Sommis, Officier du Génie, et de Userlier, Officier d'Artillerie, attachés au service de la Place: ils formèrent toutes les dispositions nécessaires pour la mettre en état de défense.

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A midi, on avoit vu du Fort St. Jean une troupe considérable de Gardes Nationales armes, se présenter devant la porte de la Citadelle de Saint-Nicolas, et les rues aboutissant à ses remparts.

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A deux heures, on reçut une réquisisition de la Municipalité, pour recevoir la Garde Nationale dans le Fort: il fut répondu qu'on ne pouvoit pas accepter cette proposition; qu'on attendoit des ordres prochains de M. le Marquis de Miran, et qu'on prioit la Municipalité d'attendre sa répon e avant de faire aucune autre démarche.

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Deux heures après, semblable réquisition d'une manière plus menaçante; même réponse, en y ajoutant que si la Municipalité ne vouloit pas accorder le délai demandé, elle seroit responsable des événemens malheureux qu'attireroit la juste defense de la Place.

A'cinq heures, on vit du Fort SaintJean, avec le plus grand étonnement, les

Gardes Nationales entrer dans la Citadelle de Saint-Nicolas, tambour battant, Enseignes déployées; ce qui prouva que, cette Citadelle avoit ouvert ses portes, sans avoir été seulement insultée. Le Fort Saint-Jean n'étoit alors entouré que par quelques Sentinelles Nationales postées sur les glacis.

« A sept heures du soir, le Maire, suivi de plusieurs Officiers Municipaux et Notables, se présenta à la barrière du Fort, demandant à y entrer pour parler à M. de Calvet, Commandant en premier. Le Chevalier de Bausset fit introduire cette Troupe municipale dans la Place, avec les précautions ordinaires pour que Personne autre n'y pénétrât; et ces Messieurs furent trouver M. de Calvet, dans une des salles de son logement, où M. le Maire lui fit part de la capitulation de la Citadelle, en le sommant de remettre le Fort aux Gardes Nationales aux mêmes conditions.

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Pendant ce temps, le Chevalier de Bausset, qui avoit lieu de craindre que M. de Calve ne suivit l'exemple du Commandant de la Citadelle, crut devoir assembler un Conseil de guerre composé des Chefs de l'Artillerie, du Génie et des Troupes de la Garnison afin que sa décision fút un préservatif et un obstacle pour M. de Calvet contre les insinuations de la Municipalité. "

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« Il fut unanimement décidé dans ce Conseil, que l'on ne pouvoit recevoir aucune Troupe étrangère à la garnison dans la Place, sans en avoir reçu l'ordre du Commandant de la Province; que l'on prieroit la Municipalité de vouloir bien attendre ces ordres, qui arriveroient incessainment: il fut ensuite résolu qu'en cas de refus de cette prière, le

Fort ne pouvant être pris ni escaladé, la valeur des Troupes de la Garnison répondant au zèle des Officiers, il falloit le défendre, s'il étoit attaqué. Le résultat de ce Conseil, ainsi que le Procès-verbal, dont on tire tous les détails de cette Relation, est revêtu de la signature originale de dix Officiers Majors."

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« Le Chevalier de Bausset fat porter ce résultat unanime à M. de Calvet, devant le Maire, afin que ce Commandant y lût la règle inviolable de ses devoirs; le Maire ne voulut accorder aucun délai, et il somma M. de Calvet comme Commandant, de donner ses ordres pour faire entrer la Garde Nationale. »

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Sur quoi le Chevalier de Bausset dit qu'il retournoit à son poste joindre sa Garnison, déclarant hautement qu'il n'adhere roit, ni ne signeroit aucun article contraire à la décision du Conseil ; il ne voulut prendre nulle connoissance de la capitulation reçue par la Citadelle de Saint-Nicolas, ni de celle qui pourroit être acceptée par M. de Calvet.

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A huit heures et demie du soir on vit entrer dans la Place une troupe de la Garde Nationale, dont le Chevalier de Bausset n'a pas su le nombre, n'ayant voulu s'entacher d'aucune manière, de ce qui auroit quelque rapport à la reddition du Fort. "

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Le Chevalier de Bausset, indigné de cette reddition à laquelle il s'étoit opposé autant qu'il avoit été en son pouvoir, ne voulut plus dès-lors prendre part à aucun service de la Place, et retourna à son loge

ment. "

Il resta par prudence chez lui, parce

que ses amis l'avertirent qu'il courroit les plus grands dangers, s'il se montroit dans la Ville; on lui conseilloit même d'en sortir; il s'y refusa, parce que sa retraite, dans une pareille circonstance, lui parut trop ressembler à une évasion lâche et honteuse; certain de n'avoir templi que ses devoirs envers la Patrie et le Roi, à qui seuls cette Place appartient, pour la garde de laquelle les Officiers, à qui elle avoit été confiée, ne devoient reconnoître d'autres ordres que ceux émanés du Roi, Chef suprême de l'Armée, sur laquelle par conséquent la Municipalité n'a aucune autorité à exercer, puisque les Leis anciennes ou nouvelles n'attribuent aux Municipalités aucun pouvoir sur les Places Militaires, le Chevalier de Bausset attendit tranquillement son sort. »

«Il rendoit compte, chaque jour, à sa famille, de sa conduite et de ses sentimens: il en a rendu un compte exact au Ministre de la Guerre.

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Le 2 de Mai, qui a été le jour de son massacre, il écrivit encore à son frère une lettre remplie d'amitié pour lui, et d'une fermeté tranquille et heroïque sur la mort dont il étoit menacé. "

"

En effet, le 2 de Mai, à une heure après midi, on vint lui demander en tumulte les clefs du Magasin à poudre, qu'il ne vou lut pas donner, parce que les Ordonnances ne le lui permettoient pas, et qu'il pouvoit même en résulter des inconvéniens pour la sureté de la Ville; mais la Municipalité lui fit dire de venir à l'Hôtel-de-Ville rendre compte de ses motifs, pour s'être opposé à ce que le Fort fût livré à la Garde Nationale, et de son refus de donner les clefs du Magasin à poudre. »

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