Page images
PDF
EPUB

l'a mis en état d'arrestation. Vous compromettriez la sureté; car, que diroit le Peuple, en voyant que vous le rendez libre, avant d'avoir entendu le Comité des Recherches, et l'instruction de l'affaire? Je demande que vous attendiez le Rapport de votre Comité, et que M. de Barmond reste-jusqueslà en état d'arrestation.

[ocr errors]

7

Lorsqu'un Consul Romain qui avoit bien mérité de la Patrie, a dit M. l'Abbé de Montesquiou, dut être jugé, tous les Citoyens se portèrent en habits de deuil sur la place publique. (Des murmures, des cris de fermer la discussion, interrompent l'Opinant: l'Assemblée lui rend la parole. )

"

Puisque l'Assemblée, a-t-il ajouté, témoigne le désir de m'entendre, je vais entrer dans les détails de cette affaire...

A ces mots, un tumulte affreux s'élève du côté gauche.

M. l'Abbé de Montesquiou quitte la Tribune; arrivé au milieu de la Salle, il entend redoubler les cris de fureur; il s'adresse au Président. « J'invoque votre fermeté, et celle de la Majorité pure de l'Assemblée, pour en imposer à une société de Décemvirs, qui ose dire publiquement:« Nous sommes le plus petit nombre, mais nous ferons plus de bruit que la Majorité, et nous lui ferons la Loi.

[ocr errors]
[ocr errors]

La moitié de l'Assemblée applaudit; l'èx trémité gauche se livre aux plus violentes expressions du ressentiment. M. Prieur s'empare de la Tribune, et se constitue dénonciateur de M. de Montesquiou. Un grand nombre de voix rappellent ce dernier à la Tribune; il reste inflexible et quitte la Salle.

Alors M. de Bonnay observe que l'Assemblée doit ses momens à l'Accusé, qui attend sa décision. D'un avis unanime, on reprend l'ordie du jour.

M. de Frondeville, interrompu à la première phrase, obtient enfin silence. L'article VII de la Déclaration des Droits, dit-il, porte que, nul homme ne pourra être détenu que dans les cas déterminés par la Loi, et suivant les formes qu'elle a prescrites. Quelles sont ces formes? Il n'en est qu'une seule, c'est le Décret du Juge. Je demande pourquoi votre Collègue, sans être décrété, sans. être accusé, est entouré de satellites? Avezvous le droit de l'en environner?... On me dira qu'il a été arrêté en flagrant délit. Quel· est le prisonnier dont il est accusé d'avoir favorisé l'évasion? Un homme envers lequel les Lois de la Liberté ont été violées comme dans la personne de M. de BARMOND. Il n'a fui qu'après avoir attendu la prononciation du Châtelet, prononciation qui ne l'a pas même décrété d'assigné pour être ouï. Son arrestation étoit contraire à vos propres Décrets. Une autorité illégale et arbitrai e l'a arraché à ses foyers. Ceux qui sollicitent, exécutent et font exécuter des ordres arbitraires, doivent être punis; tel est le langage de vos propres Lois (article 8 de la Déclaration des Droits). Punissez donc ceux qui ont détenu arbitrairement, pendant trois mois, M. Bonne de Savardin, si vous. ne voulez être le complice de leur tyrannie... Sous quelle autorité légitime ces Comités des Recherches exercent-ils leurs fouctions? Quel Décret a établi celui de Paris? Ils se sont constitués de leur propre

Οίν

autorité; de leur propre autorité ils commettent tous les jours des vexations. C'est un Arsenal où la vengeance trouve des armes, pour répandre la discorde et la terteur dans les familles les plus innocentes.... Est-ce une mauvaise action que d'avoir remis les Lois à leur place, d'avoir arraché un Citoyen à cette tyrannie? Voilà le Tribunal qui poursuit M. de Barmond, et sur l'accusation duquel il est retenu chez lui au secret, tandis que les assassins de nos Princes parcourent tranquillement les rues de Paris, et siégent peut-être parmi nous...."

A ces derniers mots, une explosion, semblable au tonnerre, souleva le côté gauche. 400 bras tendus menaçoient M. de Frondeville. On l'appeloit à la Barre; mais il étoit aux prises avec M. de Mirabeau. M. Bouthidou, assis auprès de M. d'Orléans, s'élance aussi furieux à la Tribune; mais il est assailli par des Membres du côté droit. Les apostropnes les plus outrageantes sont à haute voix adressées à M. de Mirabeau, qui dédaigne de s'en venger. Les injures passent d'une aile à l'autre, et la Salle retentit d'imprécations réciproques.

M. le Président se couvre. M. de Frondeville dégagé par M. de Faucigny, saute à la Barre. M. Perdrix observe que nul Député ne doit être privé de son caractère avant un Décret, et qu'en attendant, M. de Frondeville doit se justifier à la Tribune; il y remonte en effet, et la Majorité décide qu'il y sera entendu.

Je deposerai sur le Bureau, dit-il, mon Discours écrit et signé; l'Assemblée me jugera. Je n'ai point exprimé d'assertion, je. ́n'ai prononcé qu'une phrase bypothétique.

Je n'ai dit que ce que vous a dit le Châtelet lui-même.

[ocr errors]

"

Oui, s'écrient à la fois nombre de Députés du côté droit; deux de vos Membres sont accuses par un Tribunal légal, et déja jugés dans le cas d'être décrétes; cependant ils montent à la Tribune, ils sont libres, tandis qu'on appelle à la Barre celui qui dit la simple vérité, et qu'on emprisonne dans sa maison celui qui est évidemment innocent. Je demande ajoute M. de Folleville, qu'on vote des remerciemens à M. de Frondville, pour avoir dit peut-être.

[ocr errors]
[ocr errors]
[ocr errors]

Ces sarcasmes portoient au comble la fureur du Parti opposé; il fut décidé que M. de Frondeville seroit censuré. Un grand nom bre de Deputés du cote droit signèrent le Discours de M. de Frondeville, et demandèrent à être compris dans censure. M. de Montlauzier monté à ia Tribune dit qu'il adhéroit de cœur et d'espai au Discours de M. de Frondeville, et qu'il demandoit aussi à être censuré................ « Je demande, dit M. Bouche, que l'Assemblée décree que l'honorable Membre n'en vaut pas la peine.

C'est en personnalités de cette élégance, qu'on se baitit une heure entière, et c'est du milieu de ces fureurs, que le Législateur procedant comme Magistrat, rendit la Sentence suivante, d'apres l'opinion de M. Bar

nave.

"L'Assemblée Nationale charge son Comité des Recherches de l'examen des différentes Pieces qui lui ont éte remises, relativement à M. Abbe Perrotin, dit de Burmond, pour lui rendre compte Lundi prochain & midi desdites Pièces, ainsi que dé toutes les instructions qui pourroient lui Ορ

être parvenues sur la méme affaire; et cependant décrète que le sieur Perrotin demeurera au même état d'arrestation, conformément au Décret précédemment rendu, jusqu'à ce qu'il en ait été autrement ordonné.

[ocr errors]

DU JEUDI 19 Aoust.

Le Secrétaire Rédacteur du Procès-verbal de la veille, y ayant rapporté les conclusións de tous ceux qui avoient opiné sur l'affaire de M. de Barmond, avoit écarté de la liste M. l'Abbé de Montesquiou. M. Malouet a vainement réclamé contre l'omission d'un fait aussi grave, que celui du refus d'entendre le defenseur du Député accusé; MM. Reubell et Prieur ont prétendu que pour l'honneur même de M. l'Abbé de Montesquiou, il falloit passer à l'ordre du jour; l'on s'est empressé d'y passer.

Le Comité des Recherches attribuant à P'Assemblée le droit d'ouvrir les prisons, à des Accusés entre les mains des Juges, et dans les liens d'une Procédure, a proposé l'elargissement de deux Dragons de Lorraine, prévenus d'avoir suscité l'insurrection de ce Regiment. L'Assemblee a connu mieux que le Comité des Recherches, les limites de sa puissance, et a décrété qu'il n'y avoit pas lieu à délibérer.

Tout le reste de la Séance a été consacré à MM. Gossin et de Champagny. Le premier a fait placer dans les chefs-lieux de leurs Districts respectifs, plusieurs centaines de Tribunaux; le second a fait adopter une nombreuse série d'articles du Code pénal et provisoire de la Marine.

« PreviousContinue »