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solument indispensables; cependant l'Assemblée ayant paru voir avec peine que les Députés se disposassent à partir à la veille du jour de la Fédération, je sacrifiai encore une fois mon passe port. Le 23, mon nom fut inscrit sur le registre des Députés absens; ce fut les larmes aux yeux, que j'annouçois au sieur Bonne cette nouvelle, où il ne vit qu'un motif d'espoir. Il me proposa de me charger de lui, j'y consentis.

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Je ne voulois dans aucun cas le transporter hors des frontières du Royaume; je voulois seulement le mettre à portée dé chercher l'asyle qui lui conviendroit. J'inposai d'ailleurs pour condition, d'attendre si le Châtelet ne lanceroit pas contre lui un Décret. Le Châtelet ordonna une information, mais il ne le décréta pas même d'assigné pour être ouï. Je cédai donc, le sentiment l'emporta sur la prudence. Que ceux-là me condamnent avec une implacable sévérité, qui n'ont jamais connu les vives et puissantes emotions. Pour moi, je suis encore incertain si je dois me repentir d'y avoit cédé. On m'oppose la procédure commencée par le Comité des Recherches: quelle est donc la nature de cette Commission combinée, qui, sans être un Tribunal, rend des Arrêts informe dans le silence, arrête sans décréter, retient trois mois sans écrouer, porte partout l'inquisition et la terreur, signale ses victimes, et peut interdire le feu et l'eau à tous ceux qui ont frappé ses regards inquiets? Quel est ce Tribunal qui reçoit, qui salarie la déposition des domestiques, qui leur fait un crime de ne pas trahir? Oui, je serai le premier à apprendre aux François à se soustraire à la tyrannie de cet odieux TriNo: 35. 28 Août 1790. 0

bunal. Je donne le défi le plus formel, que l'on me prouve que j'aie jamais reçu aucune lettre de l'étranger, à moins qu'on n'entende parler d'une lettre timbrée de Londres, arrivée à Châlons, et que les Directeurs des Postes ont eux-mêmes reconnue pour être venue de Paris. J'aurois voulu me taire sur cette infame manœuvre, mais mon devoir est de la dénoncer; mon frère l'a déja déposée au Comité des Recherches. "

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Pour confondre pleinement mes adversaires, je vous prie, Messieurs, de faire mettre le scellé sur tous mes Papiers dans ma maison de Paris. Qu'on examine tout et l'on verra que le soin continuel de ma vie a été de chercher des malheureux, et le plaisir de ma jeunesse de les soulager; on y verra qu'il n'est aucune prison dans le Royaume, que je n'aie visitée, aucun cachot où je ne sois descendu. J'ai parmi vous, Messieurs, quelques témoins, quelques co opérateurs de ces actes que je me rappelle avec tant de plaisir. J'invoque ici leur témoignage. On a dit que mon affaire étoit liée avec celle des 5 et 6 octobre. Qui, Messieurs, elle a avec elle un rapport. J'ai donné l'hospitalité à de malheureux Gardes-duCorps poursuivis par la fureur populaire. J'ai encore donné un asile à un Membre de de cette Assemblée, qui avoit lieu de craindre l'effet des préventions formées contre lui. Ma maison étoit le temple de l'infortune. C'étoit-là mon culte, ma religion : eu est-il une seule qui n'ait pas ses fanatiques?

J'ai souvent entendu parler de contrerévolution, et je n'y ai jamais vu que des chimères, qu'une agitation continuelle de

voit naturellement présenter à tous les esprits. "

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Je demande la liberté provisoire pour moi, mais je croirai n'avoir rien obtenu, si je n'obtiens aussi celle du sieur Eggs. Il est moins coupable que moi, et j'ai connu toute la pureté de son patriotisme.

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Ce discours prononcé, M. le Président a dit à M. Barmond: On va, Monsieur, vous conduire dans une Salle d'attente. L'Assemblée vous appellera pour vous faire connoître sa décision.

M. Foidel de qui l'on attendoit un Rapport, s'est contenté de parler de sa sensibilité, et d'ajouter qu'en qualité de Membre du Comité des Recherches, et d'après l'interrogatoire de M. de Bonne Savardin, il étoit chargé de demander à l'Assemblée qu'elle autorisât son Comité à interroger M. Perrotin, où qu'elle noinmât une commission à cet effet. Cette proposition déja rejetée dans une Séance précédente, a excité des murmures presque unanimes d'improba

tion.

M. l'Abbé Maury a pris la parole. « Ge n'est point, a-t-il dit, la sensiblilité ni l'humanité, qui doivent être les guides du Législateur: il ne doit consulter que la raison et la justice. Le principe général,' reconnu en Angleterre, est qu'il n'y a point de liberté pour un Peuple, chez lequel il existe des pr sons ex légales. Il n'y a en Angletterre qu'une prison dans chaque Comté. Londres est la seule ville où l'immensité de la population a forcé d'en établir plusieurs; mais tout Anglois croiroit la liberté détruite, s'il voyoit un seul Citoyen emprisonné, sans pouvoir réclamer la loi d'Habeas corpus. M.

Bonne-Savardin étoit enfermé depuis trois mois; sa détention peut-elle être regardee comme légale? celui qui auroit favorisé son évasion pourroit-il être regardé comme criminel? l'Abbaye n'est point une prison, c'est une Bastille, une Charte privée, et cela est si vrai, qu'aucun Juge ne peut l'ouvrir ni la fermer. Quelle est donc l'autorité qui a pulégitimer cette détention, prolongée pendant trois mois, sans Décret? En blâmant M. de Barmond, vous consacreriez une lésion scandaleuse des droits de la liberté; car si la prison n'est pas légale, le Prisonnier a légitimement use des moyens d'en sortir, et nul n'est coupable de lui avoir donné asyle. Je demande que l'Assemblée agisse avec un respect égal pour la loi et pour l'humanité, qu'elle ordonne au dénonciateur de se faire connoître, et de prouver sa dénonciation; que M. de Barmond obtienne justice, et n'ait lahonte de recevoir une grace; qu'il ne pas soit pas exposé à la fureur d'un peuple égaré; qu'il soit gardé jusqu'à ce que vous puissiez proclamer les preuves évidentes de son innocence, et que l'affaire soit renvoyée à tel Tribunal qu'il vous plaira de désigner. " M. Duport, élevé avec M. l'Abbé de Barmond, son Collègue dans la Magistrature, et son Co-Député, a attesté tous les faits relatifs à la conduite antérieure du Prévènu, comme Magistrat et comme homme privé, faits qui donnoient une connoissance parfaite de son caractère. J'affirme, a-t-il dit, qu'il a toujours été le Juge le plus intact, le Magistrat le plus ardent à poursuivre les abus; qu'il a donné les plus grands exemples de ce patriotisme, dont l'exercice étoit alors presque entièrement concentré dans les Mem

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bres du Parlement lors même qu'aucun gente de récompense n'y étoit attaché : depuis que la différence d'opinions nous a séparés, j'ai toujours reconnu en lui un excellent Citoyen. Il est accusé aujourd'hui d'avoir favorisé l'évasion de M. Bonne-Sasardin je crois que cette évasion ne peutêtre regardee comme un crime, puisque les formalités de l'emprisonnement n'avoient pas été observées. La seule question qui doit vous occuper est celle-ci. Votre College est-il coupable d'imprudence ou de complicité? A-t-il eu connoissance du Projet de Contre-Révolution attribué à M. de Savardin, avant l'arrestation de ce dernier? Car après cette arrestation, il ne pouvoit plus avoir de complice.

M. Duport a accumulé toutes les circonstances, toutes les probabilités qui l'autorisoient à conclure que M. de Barmond ne pouvoit être présumé complice de M. de Savardin. Il parloit depuis près d'une heure; la partic gauche a crié, aux conclusions. « Je nevoisjusqu'ici, dans notre Collègue accusé, a-t-il ajouté, qu'un homme repréhensible d'avoir avec une trop grande facilité, regardé comme innocent celui que la voix publique condamnoit. Je demande que, sur sa parole d'honneur, il soit mis provisoirement en liberté. »

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Ce n'est point, a répondu M. Barnave, par des sentimens, mais par des faits que l'Assemblee doit se determiner. Or les faits que vient de vous exposer M. Perrotin sont absolument les mêmes que ceux contenus dans le Procès-verbal de la Municipalité de Châlons. Vous seriez donc inconséquens, si yus r voq diez tout de suite le Décret qui C iij

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