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plus inarquée, et avant même que l'infor mation juridique ait commencé. Ainsi, il établit une prévention furieuse contre l'Accusé, et lorsque le Juge est forcé de l'absoudre, il trouve les esprits infectés de haine contre le Prevenu, et celui-ci condamné à Ja Clameur publique, mot commode et nouveau, par lequel on entend justifier les Arrêts de la multitude, et qui signifie diffama

tion.

Il est superflu de montrer combien cette pratique est funeste à l'ordre public, à la sureté des Prévenus, à l'impartiale distributien de la Justice. Elle est proscrite partout: elle l'est en France par les Décrets de l'Assemblée Nationale. Celui des 8 et 9 octobie 1789, sur la Réformation de la Jurisprudence eriminelle, interdit aux Juges la révélation de la procédure, jusqu'après les Décrets. Ce qui est défendu aux Magistrats, l'est à plus forte raison à un Comité qui n'est pas Tribunal.

Il n'est pas Tribunal, et néanmoins nous le voyons chaque jour en prendre les fonctions Il poursuit, il fait arrêter, il interroge les Citoyens : il va plus loin qu'aucune Cour de Justice, car il appréhende sans informations ni Décrets, comme on l'a vu dans l'affaire de Mesdames de Jumilhac, de Thomassin et de Vassart. Or, on se demande, où est le titre de ces attributions?

L'Assemblée Nationale, en créant dans -son sein un Comité des Recherches, le 28 Juillet 1789, en détermina la compétence. li la limita aux fonctions de voir, d'entendre et de recevoir des Informations , pour en rendre compte à l'Assemblée. Le Corps Législatif ne lui a donc pas donné le droit d'in

former lui-même, de mettre aux arrêts, d'enlever des Citoyens, de les interroger, ét d'agir comme un Tribunal. Si l'on eut voulu l'instituer en Tribunal, on l'auroit fait par une Loi, portée à la Sanction du Roi : jamais le Roi n'a sanctionné la création du Comité des Recherches.

Quant à celui de la Commune de Paris, la Loi ne le reconuoît pas : aucune Loi re l'a institué. Il n'existe que par la volonté de la Municipalité provisoire: nul Décret de l'Assemblée n'autorise cette Délégation extraordinaire, que la Commune de Paris a investie du droit de dénoncer, de saisir,. d'interroger les Prévenus, et de rassembler les pièces et preuves qui pourroient former un Corps d'accusation. D'où il résulte que ce Comité a des pouvoirs que l'Assemblée Nationale a refusés au sien, des pouvoirs qui n'appartiennent qu'aux Tribunaux, des pouvoirs formellement contraires à l'article VII de la Déclaration des Droits. « Nul ne peut « être accusé, arrêté, ni détenu que dans les cas déterminés par la Loi, et selon les formes qu'elle a prescrites. » Aucune Loi n'a prescrit les formes, ni autorisé les procédés du Comité des Recherches de la Ville :' au contraire, la Loi en a exclusivement investi les Tribunaux: donc l'existence de ce Comité est incompatible avec la Liberté et la Déclaration des Droits. Il est non moins illégal, qu'il étende son action sur le reste du Royaume, et qu'il fasse enlever des Citoyens à 150 lieues de Paris : chaque Municipalité a le droit de former aussi son Comité; ainsi il existeroit en France 44 mille Inquisitions, faisant extrajudiciairement l'office de Magistrats. Est-il un seul homme libre qui

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puisse soutenir une semblable pensée, une pareille subversion de l'Ordre constitutif?

Induira-t-on de ces réflexions, qu'au cun Corps, en temps de troubles et de dissentions civiles, ne doit veiller particulièrement à la sureté de l'Etat et des Citoyens? Cette institution ne dénoncet-elle pas la foiblesse des Lois, l'insuffisance de la Force publique, l'inaction de la Police suprême? Peu de questions sont aussi délicates dans un Etat libre; mais, en reconnoissant l'utilité d'un Corps concentré, dont les recherches pénétrent les Projets funestes à la Constitution, toujours reste-t-il évident que ce Corps doit être institué par le Législateur, limité dans sa compétence, enchaîné par des instructions légales et des règles positives, réduit à sa fonction primitive d'Enquêteur et de Dénonciateur, et responsable à la Loi comme aux Citoyens, de ses abus d'autorité. Sans ces précautions, il faudra regretter les Lettres-decachet, les Commissions, et les Chambres étoilées.

Je réserve pour le Numéro suivant, Fexamen d'un nouveau Pamplet que le sieur Brissot, Membre du Comité de la Ville, a publié, au nom de sa Société, sous le titre de Projet de ContreRévolution par les Somnambulistes, ou Rapport de Paffaire de MM. d'Ho zier et Petit-Jean. Jamais l'outrage à

la liberté personnelle et à celle des Opinions Religieuses n'a été poussé plus loin, que dans cette Brochure imprimée contre des Accusés, qu'on n'a pas même osé dénoncer aux Tribunaux. Nous révélerons seulement, et pour apprécier, le degré d'autorité que mérite l'Auteur de ce Rapport, que le même homme qui traite aujourd'hui de fourberie, de conspiration, de démence, les rêveries des Illuminés, a lui-même plusieurs fois consulté la somnambule de M. Bergasse; qu'en 1786, dans un Examen critique des Voyages de M. de Châtelus, il reprocha à cet Ecrivain, avec tout l'entportement du pédantisme, de s'être moqué de l'inspiration des Quakers, et qu'il écrivit ces lignes étranges, pag. 48, 49 et suivantes.

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« Illumination, grace intérieure, extase, a tous ces mots peignent l'etat spirituel de l'homme, absorbé dans une profonde méditation sur ses rapports avec Dieu on lẹs a hommes. N'avez-vous jamais éprouvé cet état? Je vous plains: c'est le dernier degré de la volupté...... L'illumination des Quakers n'est autre chose que cet « ÉTAT DE LUMIÈRE où l'on artive pour la méditation: ils ne prêchent point qu'ils ne soient inspirés par elle...... De beaux esprits ont très ingénieusement plaisanté «sur cet etat d'illumination; mais que prou«vent les sarcasmes?. Vous ne trouverez pas un seul argument approfondi con're les illuminés. M. le Comte de Mirabeau plai- sante sur le somnambulisme de M. Lavater;

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mais s'il a raison, je vois cinq fripons ici, "le Docteur, sa femme, et trois Médecins qui ont attesté les faits..... Fénelon étoit illuminé.... la physionomie de l'Illuminé est un Electrisateur puissant: qu'il se regarde dans une glace, il se lit, il se voit dans ses yeux comme dans son ame."

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Je citerois dix pages de cette force: Comparez maintenant cette doctrine avec les Imprécations du Rapport contre les Illuminés. Je n'ai certes avec eux aucune espèce de relation, et on ne me soupçonnera pas de tenir à leurs opi-. nions, qui me paroissent de véritables. rêveries: l'intérêt de la liberté personnelle m'anime seul. Par cette raison, je me garderai de répondre une ligne aux atrocités que le sieur Brissot m'adresse dans sa Feuille journalière, qui sue le sang. Je l'abandonne à ses remords s'il en est susceptible; mais qui croira qu'au milieu de ses invectives, il ose me menacer du Comité des Recherches! Ah! que de précautions à prendre contre l'autorité, puisqu'à peine introduit dans ses fonctions, les hommes qui s'élevoient contre elle avec le plus de fureur, sont capable de pareils excès. Eh bien je déclare à cet Inquisiteur menaçant, qu'en tout tems j'ai été, et je serai prêt à porter mes actions, mes écrits, mes discours et mes pensées, devant les Tribunaux : je ne recuse pas même celui qu'il compromet par ses délations, et qui sans

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