Page images
PDF
EPUB

la Fédération du 14 Juillet (le 9), quoique l'interrogatoire de M. de Bonne eût été clos le 4 Juin. En conséquence, dès le 13, des Libelles atroces furent semés dans les lieux publics contre M. de St. Priest. On y excitoit les Fédérés à demander au Champde-Mars le renvoi de tous les Ministres : Si je ne suis pas devenu à cette époque, observe M. de St. Priest, la victime d'une multitude abusée, si la plus imposante Féte n'a pas été souillée d'un attentat, ce n'est pas la faute du Comité des Recherches.

[ocr errors]
[ocr errors]
[ocr errors]

Quant auprenier Chef d'Accusation, concernant ce prétendu mépris du Ministre pour l'Assemblée Nationale et ses Décrets; par quel fait le Comité appuie t-il cette liégution vague? par aucun quelconque. Il n'articule rien, n'explique rien, ni temps, nilieu, ni occasion, ni circonstances. Toutes les Lois, tous les Tribunaux repoussent cette forme perfide de dénonciation arbitraire, qui autorise l'Accusé à demander: Si on se seroit permis de traiter un simple Citoyen avec une injustice plus révol

[ocr errors]
[ocr errors]

tante. "

Le second Chef porte sur une marche non moins illégale, non moins contraire aux droits de la Liberté personnelle, et aux principes de la Jurisprudence criminelle. On a vu quel es étoient la nature,et les preuves de cette Accusation. En supposant qu'une conversation secrète puisse devenir la matière d'un Proces criminel; en supposant que la conversation de M. de Bonne et de son Interlocuteur prouve un projet de Contre-Révolution, quel sera cet Interlocuteur? M. de

St. Priest est-il l'individu Farcy? cette re/cherche doit trancher la question.

[ocr errors]

D'abord, rien au monde dans la conversation ne désigne M. de S. Priest: il n'y est Ei nommé, ni indiqué; pas un mot qui fasse reconnoître ou sa personne, ou sa place. Oubliez un moment que le Comité des Recherches vient d'afficher arbitrairement le nom de ce Ministre; personne de bonne foi ne supposera à la lecture de cette conversation, qu'un Ministre quelconque, M. de S. Priest, particulièrement, en étoit l'interlocuteur.

M. de Bonne a subi cinq interrogatoires, en se refusant à toutes les instances du Comité pour lui faire déclarer l'identité des nom de t'arcy avec celui du Ministre. Pressé par un dernier Interrogatoire, il a au contraire, assuré qu'il croyoit M. de S. Priest trop peu disposé à étre l'Apôtre a'une ContreRésolution, pour avoir hasardé de lui nommer M. de Maillebois comme chef de l'entreprise. Ainsi, le Prisonnier non-seulement n'accuse pas M. de S. Priest ; mais il le justife. Cet Interrogatoire d'ailleurs n'est point un acte légal, et ne seroit pas admissible, puisqu'il a été pris par des hommes qu'aucune loi n'avoue.

Quant aux preuves tirées des pièces écriles, elles se réduisent ainsi que nous l'avons dit, au livre de raison de M. de Bonne; mais de ce que cet Officier sera allé les 5 et 6 décembre chez M. de S. Priest, en résultet-il, d'abord, qu'il l'a trouvé chez lui, et la visite du 6 n'induit-elle pas à crore, en effet, que M. de Bonne ne put voir M. de S: Priest le 5? En résulte-t-il nécessairement que M. de Bonne n'a vu ce jour-là,

que M. de S. Priest N'avoit-il pas même des raisons de ne pas inscrire la visite faite à Farcy? C'est néanmoins en admettant toutes ces suppositions comme des faits, que le Comité, affirme et dénonce que le nom de Farcy étoit celui de S. Priest? Les Conseils de cet Accusé établissent fort bien que cette dénonciation est contraire à la Loi, qui demande des preuves et non des conjectures. Puisqu'il croyoit pouvoir dénoncer aux Tribueux la conversation du 5 décembre, le Comité devoit leur dénoncer une personne inconnue, un Quidam, ou même le nominé Farcy. La procédure auroit apporté, ou non la preuve que ce Quidum étoit M. de S. Priest.

[ocr errors]

Peu importe à ce Ministre la nature du Dialogue dénoncé, et qui lui est absolument étranger; mais on se demande si c'est au règne de la liberté au règne des lois, et par des hommes qui s'annoncent comme les Vengeurs de la tyrannie, qu'une conversation privée et secrète peut être dénoncée aux Tribunaux ? Où en serions-nous, Grand Dieu si chaque Citoyen voyoit l'œil du despotime ouvert, et son glaive levé sur les discours tenus dans l'intimité? Qui osera désormais répondre à une question, énoncer une conjecture, si, la bonne foi ou l'indiscrétion allant propager cette confidence, elle devient la proie d'une Inquisition ménaçante, et se transforme en Crime d'Etat? Cette pratique n'a jamais servi que des Oppresseurs elle a été flétrie par tous les Publicistes, par tous les Codes. L'Histoire et l'Opinion ont marqué leur horreur de la conduite de ce Richelieu, qui fit périr De Thou, pour n'avoir pas révélé une, Conversation, une Conversation néanmoins où

ee Martyr avoit appris l'existence d'un complot réel.

Que chaque François considère le péril de sa situation. Voilà un discours secret, vague, susceptible de mille interprétations, de mille applications, devenu la base de l'Accusation criminelle la plus redoutable; car elle place F'Accusé entre le fer de la Justice et celui des Assassins. Et où est la preuve de la fidelité avee laquelle cet entretien a fé traascrit? M. de Bonne lui-même oser. 1 en répondre ? Où est l'homme assez téméra:re pour garantir que, sa mémoire l'aura préservé des altérations et des inexactitudes, presque inévitables dans le récit d'une conversation fugitive? Serions-nous donc ramenés, par la raison des extrêmes, à ces jours, décrits par Tacite, où les Romains pâlissant à la. vue des delateurs', 'osoient avoir ni un parent, ni un ami, et étoient traînés à l'échaffaud pour un soupçon de Tibere , pour une parole oa un regard?

Et que de forces ne donne pas à ce sentiment d'effroi, la nature même de l'entretien dénoncé. Plusieurs Feuilles publiques l'ont transcrit Il faut être un Sphinx pour y découvrir un projet de Contre-révolution. On y voit même que Furcy évite de répondre aux questions de M. de Bonne ; que les Interlocuteurs n'y disent pas un mot de relatifan Projet attribué ensuite à M. de Maille.. bois; on y voit des craintes sur l'avenir; on y parle du dessein qu'à S. M. d'aller, au Printems prochain, visiter les Provinces. On pourroit égorger juridiquement trois ou quatre millions de François, si tous ceux à qui il a pu échapper des conjectares ou des és

pérances folles étoient connus du Comité des Recherches.

Sans doute, sa Mission l'autorise à veiller attentivement sur les complets contre la Constitution: il doit la remplir avec zèle et activité; mais plus ses fonctions sont importantes, plus elles menacent la liberté personnelle, plus il doit redoubler de précautions dans la recherche de la vérité, et dans la manifestation de ses conjectures. Jusqu'ici il n'a encore accusé qu'un seul homme dont les Tribunaux aient désavoué l'innocence. Les prisons ont été pleines, de ses victimes: elles en sont sorties, après une procédure publique, et justifiées. Où est la Conspira tion effective don't, jusqu'à ce jour, il ait préservé l'Etat ? Et que d'innocens ont tremblé sous ses dénonciations? Il est chargé de poursuivre un crime indéfini, un crime irrémissible et le plus grand de tous; mais l'estil de livrer les Citoyens à la fureur publique, et aux Tribunaux, sur des soupçons envenimés par la haine de parti? L'Angleterre a entouré les Accusés de précautions extraordinaires dans les cas de Haute trahison; elle a proportionné leurs moyens de sureté à la grandeur et ala nature du péril : les maximes contraires prévaudroient donc au milieu de nous, pour servir de commentaire à la Déclaration des Droits!

Le Comité des Recherches se permet un usage qui devroit éveiller l'attention du Législateur. Il se permet de publier les pièces, le fragmens d'une procédure, avant que le juge en ait connoissance, et qu'il ait prononcé un Décret. li va plus loin, il prend à partie ceux qu'il deponce, et plaide contre eux par Mémoires, avec la passion la

« PreviousContinue »