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M. Lautrec est constitutionnel; tout annonce, au contraire, qu'il est de circonstance. Il porte que le Comité présentera incessamment un projet de Loi sur la grande question de l'inviolabilité des Representans de la Nation; il n'est pas un Membre de cette Assemblee qui, gemissant sur un de ses Collègues, victime d'une accusation évidemment injuste, ait pensé s'autoriser du Décret auquel il a concouru avec empressement, pour soustraire aux loix les auteurs et les complices d'un attentat déplorable, qui a souillé la Revolution, qui pèse sur la Nation Françoise, qui sera son éternel déshonneur. (De violens inurmures s'étant élevés du côté gauche. ) Oui, je le répète, a repris l'Orateur, qui pèse sur la Nation toute entière, qui sera à jamais son éternel déshonneur. »

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Si les Auteurs d'un forfait abominable, dont il n'est pas au pouvoir des hommes d'accorder le pardon, ne sont découverts et punis, que dira la France, que dira l'Europe entiere? L'asyle des Rois a été violé, les marches du Trône ensanglantées, ses défenseurs égorges; d'infames assassins ont mis en péril les jours de la fille de MarieThérèse, de la Reine des François. (Ici des voix furieuses ont crié, les François n'ont point de Reine! et le nom de Marie-Thérèse a excité les murmures des mémes Personnes.) Oui, de la fille de Marie-Thérèse, de cette femme dont le nom survivra à ceux des infames Conspirateurs du 5 Octobre. Ils étoient Députés, ils étoient François, ils étoient hommes, et ils se sont souillés de ces attentats. Si vous adoptiez la Motion qu'on vous propose, si vous déballiez publiquement la procédure, Vous verriez disparoître les coupables ou les

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preuves; le crime stul resteroit ; il resteroit toujours plus odieux, car il seroit sans vengeance. Quel étrange privilege s'arrogeroient donc les Représentans de la Nation? La loi frapperoit sur toutes les têtes, et ils s'elèveroient au-dessus de la loi! C'est donc am nom de la justice, votre premier devoir; de l'honneur, votre premier intérêt ; de la liberté qui ne peut exister, si un seul Citoyen n'est pas soumis à la loi, que je vous engage, que je vous presse, que je vous conjure de décréter la Motion de M. l'Abbé Moury. Je demande donc le renvoi de cette procédure au Châtelet; je demande qu'il lui soit enjoint de la poursuivre, en lui prescrivant d'y mettre ce courage qui doit l'honorer, et le rendre à jamais célèbre dans l'Histoire."

M: le Chapelier a fait revivre la doctrine de M. Péthion, en insistant sur le danger de laisser les Députés en butte à des informations légèrement faites. (Celle-ci, dit-on, renferme près de 200 dépositions.) Il a représenté avec évidence l'autorité du Décret rendu le 26 Juin, et la nécessité de son ap plication dans le cas actuel.

La suite du débat est devenue très-désordonnée. M. Malouet paroît à la Tribune'; on l'y fait rester muet par le cri ordinaire, la discussion est fermée. « On fait lecture du Décret du 26 Juin; ensuite celle des differentes Motions: on invoque la priorité pour celle de M. de Mirabeau; les débats se renouvellent. Pour trancher court, s'écrie M. d'Ambly, ouvrez le paquet. » M. Broustaret prend la parole; M. Bouchotte suit M. Broustaret. La priorité est accordée à la Motion de M. de Mirabeau : decision bientôt suivie d'un grand nombre d'amendemens.

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Le Châtelet, dit M. Malourt, a représenté la nécessite de prendre des précautions,, pour que la procédure ne soit pas counde avant que les Decrets prononces contre des Personnes étrangères à l'Assemblée soient executés. Vous n'avez nule vérification à faire sur ces Dècrets, et vous devez ordonner qu'il leur soit donné suite.

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Il faut changer dans la Motion le mot événement en celui attentat. Il faut que la lecture des charges soit faite dans l'Assemblée, que les Séances du soir y soient uniquement consacrées, et que l'on ferme les portes des Tribunes. (Jei les Tribunes ont poussé les hauts cris.) On ne doit pas ren-, voyer à un Comité; l'Assemblée entière a. le droit de connoître les c charg rges, et comme. j'ai la certitude que plusieurs Membres ont été entendus comme témoins, je denrande qu'ils assistent seulement comuie, spectateurs. "

La question préalable! la question préatable sur tous les amendemens! crient de concert divers Membres de la gauche. M. Durget et M. de Muringis justifient au contraire la nécessité des amendemens. Puisque vous rendeź des Décrets de circonstances, ajoute M. de Foucault, je demande qu'on institue un Comité de circonstance.s Du milieu des clameurs pour aller aux voix, M. de Virieu, vingt fois repoussé, perce le tumulte et dit :

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L'honneur de nos Commettans exige impérieusement qu'il ne reste aucun nuage sur cet exécrable attentat. Quand le Châ-; telet, en Corps, déclare qu'on lui refuse des Pièces dont l'existence est certaine, on nous dit que c'est blesser la délicatesse des

Membres du Coniité des Recherches de la Ville, que de mander ce Comité pour lui ordonner de délivrer ces Pièces! Depuis quand y a-t-il de la délicatesse à refuser à la Loi, les moyens de punir le crime ou de proclamer l'innocence? Pourquoi, si depuis la dénonciation faite par ce Comité même, il est survenu de nouveaux documens, ne pas exiger qu'ils soient remis au Châtelet? J'appuie fortement l'amendement qui a été présenté à cet égard.

Tandis que M. Ræderer redemande la question préalable, MM. Madier, Dufraize, de Cazalès, reclament qu'avant l'ouverture du paquet, on ordonne l'execution des Décrets lancés contre des Persoanes étrangères à l'Assemblée. Sans cela, disent-ils, le Corps Législatif se rend coupable d'une atrocité. » Enfin, cet amendement est admis à une grande Majorité, ainsi que celui-renouvelé par M. de l'iricu, et le Décret final

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est rendu en ces termes :

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« L'Assemblée Nationale décrète, conformément à son Décret du 26 Juin dernier, que sou Comité des Rapports lui rendra compte des charges qui concernent les Représentans de la Nation, s'il en existe dans la Procedure faite par le Châtelet sur les événemens du 6 Octobre dernier, à l'effet qu'il soit déclare sur ledit rapport s'il y a lieu à l'accusation. Décrète en outre que deux Commissaires du Châtelet seront appelés à assister à l'ouverture du paquet déposé par les Magistrats de ce Tribunal, et à l'inventaire des Pièces qui y sont con

tennes. »

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De plus, que le Comité des Recherches

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de la Ville de Paris sera tenu de remettre sans délai, entre les mains du Procureur du Roi du Châtelet, pour servir en tant que de besoin à la poursuite de la Procédure, tous les Documens et Pièces qui peuvent y être relatif.

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"Enfin, l'Assemblée Nationale déclare qu'elle n'entend point arrêter le cours de la Procédure à l'égard des autres Accusés et Décretés.

Dans le cours des débats, M. Durget avoit observé que, pour déclarer jugeables les deux Députés accusés, il suffisoit de connoître le corps du délit, et l'exposé sommaire des charges, et d'appeler à cet effet le Procureur du Ro à la Barre. Qui le croiroit? Cette opinion modérée qui, sans infirmer le Décret du 26 Juin, concilioit les droits de la Justice avec ceux de l'inviolabilité, fut reçue par des huées. Tant il est difficile dans les grandes Assemblées, agitées par l'esprit de parti, de faire entendre le langage d'une raison calme.

M. Péthion a prétendu qu'un des Préopinans s'étoit trompé en citant l'usage du Parlement d'Angleterre; mais il est évident que M. Péthion s'est trompé lui-même. Il n'avoit qu'à ouvrir Blackstone, L. 1, ch. 2, p. 166 et 167, où ce savant Jurisconsulte Anglois, traite du Privilége du Parlement. « Ce Privilége d'inviolabilité, dit-il, ne s'étend à aucun des cas qui emportent prise de corps, tels que la Haute Trahison la Félonie, les Offenses à la paix publique. No. 33. 14 Août 1790.

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